Le mécanisme du sondage au sein de la communauté chrétienne n'a pas encore été adopté, mais les critiques pleuvent déjà. C'est même étonnant de voir combien chaque tentative de rassembler les chrétiens ou de leur permettre de mieux gérer leurs différences à partir d'une base commune suscite immédiatement l'inquiétude et les sarcasmes chez les autres parties politiques. Comme si la plus grande angoisse de celles-ci était justement de voir les chrétiens s'entendre et redevenir une force de poids sur le plan politique au lieu d'être affaiblis par leurs propres divisions. Pourtant, le sondage prévu n'a aucune portée constitutionnelle. Il s'agit d'une démarche destinée à mesurer la véritable représentativité de chaque parti chrétien et de chaque personnalité chrétienne pour couper court à la fois aux surenchères et aux revendications. Le général Michel Aoun avait d'ailleurs commencé par parler d'organiser un référendum. Mais comme cette idée a été accueillie par un véritable tollé, sous prétexte que la Constitution ne prévoit pas un tel processus, il a donc avancé celle du sondage qui serait effectué par plusieurs instituts, peut-être même internationaux, afin d'éviter de possibles contestations. L'idée a été soumise aux Forces libanaises qui l'ont acceptée et, depuis, les critiques pleuvent.
C'est d'abord l'ex-président Amine Gemayel qui a commencé, estimant que le sondage n'a aucune raison d'être et qu'il ne servira à rien, suivi par des députés du courant du Futur et du bloc parlementaire du Futur, ainsi que par l'ex-président Michel Sleiman, sans oublier le leader druze Walid Joumblatt et d'autres encore.
La démarche de Michel Aoun était pourtant simple : puisque certaines parties refusent de reconnaître que son bloc a la plus grande représentativité au sein de la communauté chrétienne, il vaut mieux recourir directement à la base pour la sonder et lui permettre de définir ses choix. Dans le cadre des négociations entre le CPL et les Forces libanaises, les deux partis se sont entendus sur ce processus et ont accepté de reconnaître les résultats qui le couronneront. Il est toutefois clair pour le général Aoun qu'il devrait arriver en tête des leaders chrétiens alors que le chef des Forces libanaises serait probablement le numéro deux. À partir de cette consécration, le chef du CPL pourrait en toute légitimité briguer la présidence, conformément au principe adopté lors de la réunion des pôles chrétiens à Bkerké et reprise dans la déclaration d'intentions entre le CPL et les FL de la nécessité d'élire à la présidence, le leader « le plus fort » au sein de sa communauté.
Pour Michel Aoun, c'était donc un moyen de contourner les obstacles posés devant son élection en s'imposant comme le leader chrétien bénéficiant de la plus large assise populaire au sein de sa communauté. Il aura donc un argument plus solide lorsqu'il réclamera pour les chrétiens les mêmes droits que pour les autres communautés du pays, les sunnites, les chiites et les druzes étant représentés au sein de l'État par les groupes les plus populaires ou leurs représentants. En même temps, ce sondage permettrait à chaque pôle chrétien de connaître son véritable poids sur la scène populaire et, par conséquent, de mettre un peu de réalisme dans ses revendications. Pour Geagea, c'est aussi l'occasion d'être consacré comme deuxième leader chrétien et d'en finir définitivement avec les contestations relatives à certains épisodes du passé. Le sondage réalisé selon des normes internationales définirait donc une sorte de hiérarchie populaire au sein de la communauté chrétienne et permettrait d'éviter une réédition de ce qui s'était passé lors de la période de la tutelle syrienne, lorsque des personnalités sans véritable assise populaire ont tenté de s'imposer sur les scènes politique et publique.
En dépit de sa logique, cette démarche ne plaît pas aux autres composantes politiques et confessionnelles du Liban. Certaines la qualifient d'inutile, d'autres la rejettent totalement et d'autres encore précisent qu'elles ne sont pas obligées de respecter les résultats de ce sondage. Il n'est d'ailleurs même pas sûr qu'une fois les résultats du sondage publiés, ils auront un impact direct sur le dossier présidentiel. Le chef des FL n'a en effet jamais affirmé que l'objectif de ce sondage est de désigner « le candidat des chrétiens » à la présidence de la République, comme le disent les partisans du général Aoun. Geagea n'a jamais dit non plus qu'après la publication des résultats, son bloc parlementaire irait voter pour ce candidat. Pour l'instant, il se contente d'en minimiser l'importance et la portée, tout en appelant à son organisation. Dans ce cas, pourquoi toute cette campagne médiatique contre le projet ? La question se pose au sein de la base aouniste où on commence à penser que les chrétiens n'ont même pas le droit de savoir qui est leur leader le plus populaire. Elle se pose aussi dans d'autres milieux, qui craignent que la réussite de ce sondage ne donne envie à d'autres bases de suivre le même processus. Et dans ce cas, les résultats pourraient être bien surprenants... Une véritable démocratie au Liban ? Ce n'est pas demain la veille.
Pour mémoire
Par-delà les propositions de solution, le retour à la réalité du consensus s'impose
Geagea : Le sondage proposé par Aoun n'est pas contraignant
commentaires (16)
Merci encore et encore et... à l'infini, Maaame Scarlett. Scarlett 4 présidainte! (En plus ça rime comme slogan...) Je ferais gratis votre président de compagne 0)). Il est fort étonnant de voir que des gens qui vivent et s'inspirent du model européen avancé en termes de représentativité démocratique, ne souhaitent/veulent pas le voir appliquer pour notre notre pays. Vous l'avez écrit entre les lignes, les 2 grandes communautés où il n'y aurait pas de doutes sont bien connues. Il faut arreter ce poker menteur qui est à l'origine de bien de nos déboires. Le président gemayyel qui ne jouissait pas déjà d'une très grande estime pour le modeste Libanais que je suis, aussi pour avoir serré la pince aux pires criminels et envahisseurs de notre histoire, vient de tomber là d'un autre CRAN ... s'il continu à pousser le bouchon on va malheureusement se retrouver dans le rouge!! Joumby chameleon est égal à lui meme.. ben on peut pas le plaindre, lui. Que dire du future!? Du passé simple, hein!?
Ali Farhat
02 h 27, le 04 juillet 2015