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Liban - Crise

Les familles des otages coupent les axes routiers et conspuent la classe politique

Les protestataires ont bloqué à l’aide de pneus enflammés l’autoroute du Sud au niveau de Damour.

« Des promesses et des promesses sans aucun résultat concret. » C'est par cette phrase lapidaire que le porte-parole des militaires otages, Hussein Youssef, a résumé hier à L'Orient-Le Jour l'état de stagnation du dossier des soldats libanais kidnappés depuis onze mois par le Front al-Nosra pour une partie d'entre eux (16 otages) et l'État islamique (9 otages). Gagnés par la lassitude, aigris par les serments creux et répétés qui n'ont abouti à rien à ce jour, les familles ont repris l'arme de la rue, la seule qu'ils savent manier, bloquant les artères principales de la ville dans l'espoir d'obtenir une percée quelconque.


Une seule et même revendication encore et encore : le retour de leurs fils au plus vite après les mois d'agonie vécus. Ils ont également insisté sur une implication plus active du Conseil des ministres, invité à placer sur son ordre du jour ce dossier douloureux. D'ailleurs, le bruit de la rue a vite fait de réveiller les membres du gouvernement qui planchaient sur le dernier ordre du jour et qui ont fini, contraints, par y ajouter le dossier des otages. C'est grâce à une communication téléphonique entre les familles et le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, que ce dernier s'est engagé à porter l'affaire devant le gouvernement réuni.
Réalistes et connaissant les limites d'une telle mesure – plus importante dans son symbolisme que dans ses effets concrets –, les familles estiment cependant avoir obtenu une satisfaction toute relative suite à ce geste arraché par la force, grâce au blocage des routes.
Coupée dès 10 heures du matin à l'aide de pneus enflammés, l'artère de Saïfi a été interdite à la circulation pendant plusieurs heures, ce qui a provoqué un embouteillage monstre qui s'est répercuté sur l'ensemble des grands axes de la ville.
« À l'exception de quelques rares remarques désobligeantes, les citoyens ont fait unanimement preuve de compassion et de compréhension à l'égard de notre souffrance », a commenté le porte-parole, qui a insisté à présenter ses excuses, au nom des familles, à tous les Libanais. Dans un communiqué distribué auparavant, les parents des otages ont indiqué que « les messages qui nous parviennent jusque-là montrent que le dossier n'a pas encore été finalisé et que les négociations sont suspendues ».
« Nous réitérons notre demande inlassable de finaliser l'opération de libération loin de toute surenchère et en vue de préserver la réputation de notre cher pays », ajoute le texte. Les familles ont lancé parallèlement une mise en garde directe au Premier ministre, Tammam Salam, lui faisant assumer la responsabilité s'il devait arriver quelque chose à leurs fils.
« Il est grand temps que ce dossier devienne une priorité absolue pour le gouvernement car la vie de nos fils militaires est bien plus précieuse que l'ensemble des postes politiques convoités et des intérêts égoïstes en jeu », précise encore le communiqué.


Rappelons qu'aussi bien le Front al-Nosra que l'État islamique avaient menacé à différentes occasions de tuer les otages pour faire pression notamment dans le cadre des négociations.
Le 21 juin, le groupe État islamique avait menacé de traiter les otages qu'il détient « exactement comme sont traités les islamistes » dans la prison de Roumieh après la diffusion de vidéos montrant des scènes de torture de détenus dans le centre pénitencier. Dans un texte envoyé sur la messagerie instantanée WhatsApp à l'un des parents, les ravisseurs avaient également annoncé que les visites que « l'émir des croyants » allait consentir aux parents « ont été annulées », promettant aux otages « coups de fouet et décapitation ».
Les dernières informations en date avaient fait état d'un accord qui aurait été conclu entre le Liban, représenté par le directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, et le Front al-Nosra par le biais d'un médiateur qatari. L'affaire remonte déjà à quelques mois. « Le général Ibrahim nous a dit depuis un certain temps qu'aussi bien l'État libanais qu'al-Nosra sont tombés d'accord sur les dispositions de l'accord. On apprend ensuite qu'al-Nosra n'a toujours pas donné le feu vert au médiateur qatari. On se demande ce qu'il en est réellement », se désole le porte-parole, dont le fils est retenu par l'État islamique. « Nous ne savons toujours pas s'il y a quelque part un maillon perdu », ajoute-t-il.


Plus loin à Damour, la famille du soldat Seif Zebiane et un groupe de jeunes de Mazraat el-Chouf ont pris le relais, dans un mouvement de protestation coordonné coupant, dans les deux sens, l'axe principal de l'autoroute dont un des embranchements mène au Chouf. Les protestataires ont réclamé que l'échange des militaires – avec des détenus islamistes – soit effectué au plus tôt sur la base d'une amnistie générale qui devrait être accordée aux prisonniers visés par l'échange.
Dans un message percutant, ils ont appelé les preneurs d'otages à faire preuve « de sagesse et de patience à l'égard de cette classe politique corrompue au sein de la nation ». Des critiques virulentes ont été adressées aussi bien aux députés qu'aux ministres, les sommant de ne pas « marchander avec le sang des martyrs de l'armée ».


Déterminées à pousser leur action de protestation un peu plus loin, les familles se préparent à une escalade d'ici à samedi prochain, date à laquelle ils envisagent de recourir à des méthodes « encore plus radicales », avertit Hussein Youssef.

 

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