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Culture - Décryptage

Recherche Madonna désespérément

Qu'importe l'âge ou la musique que l'on chérit : tout le monde a forcément dansé un jour sur une chanson de Madonna. Il faudrait avoir passé les trois dernières décennies sur une autre planète pour affirmer le contraire. Mais force est de constater qu'avec son dernier album « Rebel Heart », la pop star traverse un inquiétant passage à vide. Grandeur et décadence – mais jusqu'à quand...

Madonna Louise Ciccone est un monstre. Un monument qui a bousculé la pop à aussi grande échelle que David Bowie ou Michael Jackson. Elle a façonné la musique que l'on entend aujourd'hui sur les bandes FM du monde entier. À coups de moon boots (Ray of Light en 1998), de santiags (Music en 2000, American Life en 2003) ou de talons aiguilles (Confessions on a Dance Floor en 2005) ou même pieds nus (Like a Virgin en 1984), la Madonne de 56 ans a toujours surpris ses fans comme ses détracteurs. Religion, politique, sexualité : la trinité du scandale fait vendre. Papa Don't Preach, Like a Prayer, Who's that Girl : l'Américaine a longtemps su faire rimer tubes et provocations.

La chanteuse a toujours eu le nez pour slalomer entre l'électro, le disco, le r'n'b et la country. Ses albums, précurseurs, ont tous marqué l'histoire de la musique et l'industrie du disque : plus de 300 millions d'opus, singles inclus, vendus depuis 1983 et son premier essai éponyme. Avec ses vidéoclips devenus instantanément cultes, sa vie personnelle ponctuée de rebondissements épiques, ses déclarations rocambolesques, l'artiste est vite devenue icône par-delà les continents.

Auteure, compositrice, interprète, danseuse, productrice, Madonna est une pop star de tout son corps. Elle s'est même essayée au cinéma (actrice, productrice et réalisatrice), mais n'a vraiment impressionné qu'une seule fois : pour sa prestation dans Evita. S'il l'on devait chercher un fil d'Ariane pour relier les différentes étapes de sa carrière, ce serait son rapport aux producteurs. Les liens qu'elle a su tisser avec eux se retrouvent à tous les moments-clefs de sa vie. Nile Rodgers et Prince dans les années 80, le DJ Shep Pettibone dans les années 90, Mirwais dans les années 2000.

Le décevant et terne Rebel Heart, son dernier opus, a, lui, été produit par trois pointures des musiques actuelles : Avicii, Diplo et Kanye West. Le premier single, Living for Love, laissait poindre une crainte qui s'est vite (et malheureusement) transformée en réalité. Le morceau est bien produit, mais il pourrait être chanté par n'importe quelle autre pop star. Durant la dernière décennie, Britney Spears, Beyoncé et Taylor Swift sont passées par là, elles se sont réapproprié – vampirisé quelquefois – l'héritage de Madonna, chacune à sa manière. S'il est compréhensible que l'artiste américaine veuille retrouver, à nouveau, sa part du gâteau, il n'est pas sûr qu'elle s'y prenne de la meilleure des façons : ce n'est pas en singeant ses jeunes concurrentes que Madonna va se racheter une virginité.



Madonna choc aux Grammy Awards 2015 vs Madonna provoc' des années 80.

 

Encéphalogramme plat
Le single Bitch I'm Madonna s'avère symptomatique de cet album, tout comme les sirupeuses Joan of Arc et Rebel Heart. Derrière la production impressionnante et la voix transformée par l'autotune (ce qui commence à devenir une maladie chez Kanye West), il y a un vide intersidéral. Madonna est en pilote automatique et fonce droit dans le précipice en klaxonnant. Les temps ont changé, l'artiste américaine devrait assumer une bonne fois pour toutes qu'elle ne peut plus rattraper ses concurrentes. Beyoncé, Lady Gaga et Rihanna ont pris trop d'avance. Autant cette fameuse production pourra être imposante, cela n'empêchera pas que lorsqu'il y a absence d'idées, il n'y a rien à dire. La vacuité ne peut être noyée, elle refait irrémédiablement surface. Quand l'encéphalogramme est dramatiquement plat, ce n'est pas le moment de se soigner avec de l'homéopathie. Aussi, le clip du single en question à beau être truffé de caméos de stars – Katy Perry, Nicki Minaj, Chris Rock, Miley Cyrus ou encore Kanye West –, cela n'enlève rien au fait qu'il fait pschitt, comme disait si bien l'ancien président Jacques Chirac, un de ses admirateurs.
Pour rester dans le rayon de la vulgarité, Unapologetic Bitch ressemble à un fade cocktail de Mia et de Gwen Stefani, mixé par un Skrillex maladroit. Dans son morceau Papa Don't Preach, en 1986, pas une grivoiserie n'apparaîssait, mais son potentiel de démangeaison de la société était bien présent, lui. Madonna racontait l'histoire d'une jeune fille qui refusait d'avorter. Elle se mettait ainsi à dos les féministes qui estimaient la chanteuse irresponsable, mais aussi le pape Jean-Paul II, à qui elle dédiait cette chanson bien plus complexe qu'un simple hymne provie.

Libido prépubère
Body Shop et S.E.X, toutes deux parsemées de cris d'orgasme féminins, n'emoustilleraient même pas la libido d'un adolescent prépubère. Tandis que les claviers de la new-wave Like a Virgin et ses paroles crues entendues en 1984 – « Touched for the very first time, like a virgin, when your heart beats, next to mine » (« Touchée pour la toute première fois, comme une vierge, quand ton cœur bat, à côté du mien ») – étaient autrement plus érotiques que n'importe quels gémissements, aussi suggestifs soient-ils.
Heureusement, tout cet album n'est pas à jeter à la poubelle, notamment, encore une fois, grâce à sa production. La brutale Iconic est sauvée par le flow du rappeur Chance the Rapper, ou encore Veni Vidi Vici en duo avec Nas. L'incursion du rap dans l'univers de Madonna reste de loin la meilleure nouvelle de cet album. Aussi, on aurait pu retrouver Beautiful Scars dans le Random Access Memory de Daft Punk (à condition que le duo l'accepte), titre pop aux influences funk. Enfin, il est difficile de résister à la bonne humeur colportée par Graffiti Heart, mais, après trente-cinq ans de carrière, on attend plus de Madonna que de la musique de fête foraine. Alors on se plaît à imaginer que Madonna osera un jour écrire à nouveau des chansons politiques, à l'image d'e Hollywood, qui dénonçait nonchalamment l'Amérique post-11 Septembre de George W.Bush.
À la fin du vidéoclip d'Open Your Heart – issu de son album True Blue, en 1986 –, un vieil homme court après la jeune Madonna. « Ritorna... Ritorna... Madonna... Abbiamo ancora bisogno di te » (« Reviens... Reviens... Madonna. Nous avons encore besoin de toi »).
Espérons qu'elle le (ré)entendra.

Brice LAEMLE

 

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Her Madgesty expliquée à ma fille
par Maya GHANDOUR HERT

 

Madonna aux Grammy Awards 2015.

 

Voici venues les vacances scolaires. Holiday, un titre qui a cartonné en 1983, me revient à l'esprit. J'avais ton âge, en fait, ma Touti. Et j'étais littéralement fascinée par la chanteuse qui frétillait sur ce morceau dance pop par excellence. Ce qui allait devenir un hymne au farniente était son troisième single, mais son premier à faire le top 20 du Billboard Hot 100.
Madonna était tombée, comme un ovni, dans le paysage artistique de l'époque, écartelé entre les pontes de Studio el-Fann et les vedettes sémillantes de Michel Drucker dans Champs-Élysées. Œil de lynx en liner virgule, dans un over (bien) dosé de dentelles, de résilles, de crop top, d'accumulation de bracelets, de boucles d'oreilles chandelier, de multiples croix en sautoirs, de mitaines sexy, de nœuds fluo dans les cheveux mousseux, de bretelles du soutien-gorge visibles sur l'épaule dénudée... Toutes les préados et les ados de l'époque ont mimé la madone qui avait lancé une véritable fashion attitude. Jusqu'à son grain de beauté, positionné avec une précision de GPS à 8 millimètres de la lèvre supérieure droite.

Comme un ouragan, elle a tout chamboulé sur son passage. Et pourtant, elle était loin d'être née sous une Lucky Star, la Madonna. De vagues origines italiennes, une mère partie trop tôt, une marâtre dure, elle a du trimarder pour quitter la banlieue de Michigan et intégrer l'American Dance School. Like a Virgin (énooorme succès de 1984), elle a croqué la Grosse Pomme, dans des effluves de soufre et de scandale. Exit la pop bubble-gum, elle fait un peu son coming-out dans des thèmes explorant la sexualité féminine. C'est peut-être pas très choquant pour toi et ta génération de youtubeurs (malheureusement) nourris aux Shake that Ass et aux Twerks de Miley et autres Beyoncé. Mais pour les auditeurs et les téléspectateursde l'époque, Madonna exhibait du « shocking » avec trois points d'exclamation.

De brunette, Louise Ciccone est devenue blonde Marylin au menton volontaire. Sa Blond Ambition (titre de sa tournée en 1990) ne fait que commencer. Être blonde et ambitieuse n'était pas gagné d'avance. C'était même un peu Borderline. Un peu comme les blagues qu'elle sort ici et là, les déclarations fracassantes, Express Yourself, sans tabous, sur ses hommes et même sur l'intimité de son fils, Causing a Commotion. Mais tout cela fait partie du mythe Bitch, Am Madonna et Material Girl. Her Majesty, surnommée Madge en Angleterre puis Madgesty, a eu des diamants et des admirateurs à ses pieds. Et le succès. Le grand, le phénoménal, le mondial. Et un style vestimentaire (Dress You Up) digne de la couverture de Vogue. Iconique, le corset à seins coniques de J.-P. Gaultier !

Je vais passer sur la débâcle de violence, de sexe et de surenchère politiques tous azimuts disséminés lors de sa tournée MDNA. À Abou Dhabi où j'avais assisté au concert, son show avait des résonances de This Used to Be My Playground. Sans vouloir faire la moralisatrice, Papa Don't Preach, Madonna est l'épitomé de l'artiste qui, après avoir été Into the Groove, a fait du Frozen.
C'est pour te dire, ma chère Touti, de l'importance de savoir tirer sa révérence avec élégance, To Have and Not to Hold. Désespérément. De savoir s'arrêter si on est en panne d'inspiration. Ne pas sous-estimer le Power of Goodbye.
C'est triste quand peu d'artistes tentent désespérément de se mettre dans la peau de Madonna. De lui voler son trône. Et que elle n'y est plus.

 

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5 singles à retenir, 5 à oublier...

 

Top 5

1 – Like a Prayer

 
2 – Like a Virgin

 
3 – Frozen

 

4 – Material Girl

 

5 – Don't Tell Me

 

 

Flop 5

1 – Celebration
2 – Joan of Arc
3 – Bitch I'm Madonna
4 – Girl Gone Wild
5 – Paradise

 

 

D'un baiser à l'autre

 

 

Britney, qu'elle s'appelle. Spears. Comme la rue près de Sanayeh. Madonna lui vouait une admiration non cachée. Tant et tellement qu'elle l'a embrassée goulûment sur la bouche. Geste symbolique, au-delà d'une sexualité parallèle, où l'on verrait plutôt une certaine symbolique de passation des pouvoirs entre une reine de la pop et une princesse Disney.
Un autre baiser, tout récent celui-là, semble tout aussi lourd de sens. D'une reine à un crapaud. Le rappeur canadien Drake, en l'occurrence, qui reçoit une pelle mémorable en chantant avec elle un duo à Coachella (en avril dernier).
La grimace qu'il ne peut s'empêcher d'esquisser est fatidique. Copieusement moqué, comme il se doit, sur les réseaux sociaux. Le baiser de Judas à la Madone.

 

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