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Amazing Grace

D'une rive à l'autre de l'Atlantique, quelle(s) différence(s) entre Dylann Roof et Yassin Salhi ? Est terroriste un islamiste français qui prend un selfie avec le cadavre décapité de son patron. Est terroriste, tout autant, un fasciste norvégien qui canarde à mort plus de soixante-dix de ses compatriotes. Est terroriste, bien sûr, un membre d'un groupe jihadiste, quel qu'il soit, qui participe à l'extension régulière du concept de barbarie. Est terroriste, enfin, un jeune Blanc américain qui massacre une dizaine de Noirs dans une église. La liste n'est pas exhaustive, naturellement, mais il n'est plus permis, quand on tue l'autre au nom d'une religion, d'une race, de quelque croyance ou crispation identitaire que ce soit, d'établir le moindre distinguo. Il n'y a pas, il ne peut plus y avoir de terrorisme soft, de dérangement mental, de circonstances atténuantes. La décence et le bon sens l'exigent. Le siècle, également. Il n'a jamais été aussi mystique, au sens le plus vicié du terme.

D'une rive à l'autre de l'Atlantique, quelle(s) différence(s) entre la réaction de Barack Obama et celle de Manuel Valls ? D'un côté, un président, américain de surcroît, donc scruté par l'hyperplanète, qui chante, seul d'abord, image mi-Kubrick, mi-Fellini, un hymne quasi universel d'espoir que les Noirs d'Amérique ont petit à petit appris à partager avec leurs compatriotes, pas leurs coreligionnaires : leurs compatriotes, blancs : I once was lost but now I'm found / Was blind, but now, I see. De l'autre, un Premier ministre français, maladroit comme un torero catalan dopé à la testostérone, mais noble dans sa détermination à protéger les Français, qui choque volontairement en prenant l'exact contre-pied d'un Huntington, poseur et imposteur notoire, en appelant à l'union sacrée entre les civilisés, toutes religions et toutes races confondues, contre les neo-Huns : Nous ne pouvons pas perdre cette guerre, parce que c'est au fond une guerre de civilisation ; c'est notre société, notre civilisation, nos valeurs que nous défendons.

D'une rive à l'autre de l'Atlantique, des mots, chantés ou assénés, dans une église ou dans un studio d'enregistrement, des mots forts, mais des mots volatils, stériles, parce que terriblement seuls. Orphelins. Nus, parce que les actes ne sont toujours pas, loin de là, à la hauteur. Les États-Unis d'Obama, qui viennent d'enregistrer deux réformes sociétales d'une ampleur himalayenne : la santé et le mariage pour tous n'ont jamais été aussi près d'une nouvelle éruption raciale. La France de Hollande-Valls, un tandem, qu'il soit mauvais ou bon, la question n'est définitivement pas là, arrivé à l'un des pires timings de l'histoire du pays, n'a jamais été aussi près d'institutionnaliser le délit de faciès.

Le IIIe millénaire a ceci de particulier que, tout cyber(nétique) et numérique qu'il soit, il sert de théâtre spatiotemporel à une guerre néanderthalienne : celle contre le terrorisme. Sauf que le singulier n'est plus de mise. En aucun cas. C'est de guerre contre les terrorismes, de war against terrors qu'il s'agit désormais. Endogènes, exogènes, peu importe : ces terrorismes appellent, exigent de nouvelles méthodologies, de nouvelles armes, et, surtout, de nouvelles mentalités.

À l'an I du sinistre califat de l'État islamique, au lendemain des attentats de France, de Tunisie et du Koweït, et maintenant que le monde regarde les musulmans comme s'ils étaient une horde de barbares (Ahmad Fatfat, député du courant du Futur dixit), quelque chose doit nécessairement être accouché. La question, tellement posée, galvaudée, après Giraudoux, n'a plus beaucoup d'intérêt : comment cela s'appelle-t-il, quand le jour se lève comme aujourd'hui, et que tout est saccagé, et que l'air pourtant se respire, et qu'on a tout perdu ? Rarement pourtant, la réponse n'aura été aussi urgente : cela a un très beau nom; cela s'appelle l'aurore.

D'une rive à l'autre de l'Atlantique, quelle(s) différence(s) entre Dylann Roof et Yassin Salhi ? Est terroriste un islamiste français qui prend un selfie avec le cadavre décapité de son patron. Est terroriste, tout autant, un fasciste norvégien qui canarde à mort plus de soixante-dix de ses compatriotes. Est terroriste, bien sûr, un membre d'un groupe jihadiste, quel qu'il soit, qui...

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