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Économie - Liban - Conjoncture

Comment l’aide aux réfugiés a amorti l’impact de la crise syrienne sur l’économie libanaise

Une étude réalisée pour le compte du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime que les aides humanitaires accordées aux réfugiés syriens au Liban ont joué un effet multiplicateur sur la demande et permis de dégager 1,3 % de croissance supplémentaire. Un effet qui compense en partie ceux du conflit syrien sur l'économie.

Selon les auteurs d’une étude réalisée pour le Pnud et le HCR, les 800 millions de dollars dépensés en 2014 par quatre agences onusiennes se sont traduits en réalité par une injection de 1,28 milliard de dollars dans l’économie libanaise. Omar Ibrahim/Reuters

La présence de plus de 1,2 million de refugiés syriens (environ 25 % de la population) et ses effets sur l'économie libanaise n'en finissent plus de faire couler de l'encre. Une étude commanditée par le Pnud et le HCR jette un nouveau pavé dans la mare en montrant que cette présence peut avoir des effets positifs pour l'économie du pays, ne serait-ce qu'à travers l'impact des 2,2 milliards de dollars d'aides dont ils ont bénéficié depuis 2012.
D'autant que, selon le premier volet de cette étude préliminaire réalisée par le Consultation and Research Institute et un panel d'experts, l'impact de ce type d'aides sur le revenu national est bien supérieur à leur montant. Ses auteurs ont ainsi calculé que les 800 millions de dollars dépensés en 2014 par quatre agences onusiennes (le Pnud, le HCR, le Pam et l'Unicef) se sont traduits en réalité par une injection de 1,28 milliard de dollars dans l'économie libanaise. Ils se sont appuyés sur un mécanisme bien connu des économistes : l'effet multiplicateur de ces dépenses sur l'activité. Son principe est simple : toute chose égale par ailleurs, ces dépenses ont entraîné une hausse des revenus des bénéficiaires, qui ont été consacrés à de nouvelles dépenses, engendrant un flux successif de consommations additionnelles. Ce flux se réduit alors au fur et à mesure qu'une part de ces revenus successifs est épargnée, jusqu'à épuisement de l'effet multiplicateur. « Nos calculs ont abouti à un effet multiplicateur de 1,6. Cela signifie concrètement que chaque dollar dépensé en aides aux réfugiés génère un revenu supplémentaire de 60 cents », résume pour L'Orient-Le Jour l'ancien ministre Charbel Nahas, qui a collaboré à l'étude.

Bénéfices partagés
L'étude décompose dans le détail ces dépenses humanitaires et leurs effets sur les différents secteurs de l'économie. Environ 42 % de ces dépenses humanitaires ont été effectuées sous la forme de transactions en nature (distribution de nourriture, de médicaments, de vêtements, etc.), 44 % à travers de dons financiers aux réfugiés (principalement à travers les bons alimentaires du Pam), et le reste (14 %) en salaires pour le personnel des agences onusiennes et des ONG partenaires. Ces dépenses ont été consacrées principalement à l'achat de denrées alimentaires (27 %), suivies par les frais de logement (14 %) et les produits chimiques et médicaments (9 %). Cette demande supplémentaire de 800 millions de dollars a alors généré un surplus d'offre équivalent à 1,37 milliard de dollars, dont 22 % d'importations. Le reste ayant été assuré par une augmentation de la production locale qui s'est traduite in fine par une hausse globale du PIB d'environ 513 millions de dollars, soit une croissance supplémentaire de 1,3 %.
L'étude évalue ensuite la répartition sectorielle de cette croissance de l'économie libanaise. C'est d'abord l'industrie agroalimentaire qui a dégagé la plus grande hausse de ses revenus (4,5 %), suivie par l'élevage et ses produits (+ 2,2 %), les transports (+2 %), l'immobilier (+ 2 %) et les services éducatifs (+ 1,8 %). A contrario, des secteurs comme les boissons et tabacs (+ 0,1 %), les services à la personne (+ 0,2 %) ou la production de machines-outils (+0,4 %) n'ont que peu bénéficié de ce surplus de revenus. En définitive, notent les auteurs de l'étude, ces revenus générés par l'effet multiplicateur des aides bénéficient presque autant aux réfugiés syriens qu'à la population locale : « Sachant qu'un dollar d'aide génère un revenu supplémentaire de 1,60 dollar, les réfugiés en toucheront 80 cents, la population résidente 60 cents et le personnel humanitaire 20 cents », précise Charbel Nahas.

 

(Pour mémoire : Quatre ans après le soulèvement en Syrie, le chômage explose et les inégalités se creusent au Liban)

 

Baisse du pouvoir d'achat
Le calcul de cet effet multiplicateur ne donne toutefois pas une vision précise du soutien des réfugiés à la demande. D'abord parce qu'il repose sur des hypothèses restrictives. Par exemple, les auteurs de l'étude ont considéré que les réfugiés et le personnel humanitaire n'ont dégagé aucune épargne de leurs revenus, maximisant de facto l'effet multiplicateur. « Les réfugiés sont trop pauvres pour épargner, tandis que la part des revenus des employés des programmes n'était pas suffisamment significative pour justifier de longs calculs en termes de propension à épargner », explique Charbel Nahas. Ensuite, l'étude ne prend pas en compte les autres types de revenus – du travail non déclaré par exemple – touchés par les réfugiés.
En revanche, cet effet multiplicateur permet de comprendre dans quelle mesure les aides humanitaires ont permis d'amortir l'impact délétère de la crise syrienne sur l'économie. En y ajoutant l'effet de la chute de 23 % des revenus du tourisme en 2014 et celui de la baisse de 7,5 % des exportations libanaises, l'étude conclut que ces trois facteurs ont engendré une baisse de 0,3 % du PIB cette année-là. Un résultat bien éloigné des 2,9 % de baisse du PIB annuel estimés en 2013 par une étude de la Banque mondiale, par exemple... « Avec une hausse de 25 % de la population résidente au Liban, cela traduit en réalité une baisse significative du pouvoir d'achat de l'ensemble de la population », nuance Charbel Nahas.
Un bémol qui ne suffira sans doute pas à convaincre ses contempteurs : « On ne peut pas exclure des indicateurs tels que les effets de la crise sur le déficit public, l'usure des infrastructures, le climat d'affaires ou la confiance des consommateurs... C'est un rideau de fumée destiné à cacher la carence de la communauté internationale », s'indigne le président de l'Association des commerçants de Beyrouth, Nicolas Chammas, qui indique cependant n'avoir pas pu consulter l'étude dans son intégralité. « La détermination de l'effet multiplicateur n'est que le premier volet de l'étude. Le second sera publié ultérieurement et prendra en considération l'impact d'ensemble de la crise syrienne sur l'offre et la demande de facteurs de production au sein de l'économie libanaise », précise Charbel Nahas. Suffira-t-il à clore la polémique ? Rien n'est moins sûr...

 

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