Turquie : un sculpteur, bête noire d'Erdogan, menacé de prison pour insulte

Un procureur d'Istanbul a ouvert une procédure pénale et réclamé jusqu'à quatre ans de prison contre un célèbre sculpteur turc, Mehmet Aksoy, pour insulte au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, a rapporté mardi la presse turque.

Dans un entretien accordé récemment à la presse, M. Aksoy, 75 ans, avait ironisé sur les accusations de corruptions lancées en décembre 2013 contre M. Erdogan et plusieurs de ses proches, affirmant "je n'utiliserai jamais d'argent illicite pour mes sculptures". Le magistrat à l'origine de la procédure a jugé que cette phrase pouvait constituer une "insulte" à l'endroit du chef de l'Etat, passible de plusieurs années de prison selon l'article 299 du code pénal turc.

Le sculpteur est un habitué des batailles judiciaires avec M. Erdogan. En mars dernier, le président avait été condamné à lui payer une amende de 3.500 euros pour avoir qualifié de "monstrueux" un monument de près de 30 mètres de haut qu'il avait réalisé près de la frontière turco-arménienne pour symboliser la fraternité entre les deux peuples.

La Turquie et l'Arménie se déchirent autour des massacres de centaines de milliers d'Arméniens perpétrés par l'Empire ottoman pendant la Première guerre mondiale. Erevan les qualifie de génocide, ce qu'Ankara rejette farouchement. Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, M. Erdogan, élu en août 2014 à la magistrature suprême, a multiplié les plaintes en diffamation ou insulte contre ses adversaires, qu'il s'agisse d'adversaires politiques, de journalistes, d'artistes ou de simples citoyens. L'opposition turque, qui dénonce régulièrement la dérive autoritaire de son régime, a exigé l'abrogation de l'article 299, estimant qu'il porte atteinte à la liberté d'expression.