Pour la cinquième année consécutive, les médias du 14 Mars et leurs pendants régionaux et arabes annoncent un mois de jeûne sanglant et décisif en Syrie. Les regards sont essentiellement tournés vers trois fronts principaux à l'intérieur de ce pays : d'abord dans la région de Palmyre, tombée entre les mains de Daech le 21 mai dernier, jusqu'à Homs, ensuite dans la zone sud, à Deraa, Kuneïtra et Soueyda, et dans la région du Qalamoun à la frontière avec le Liban, au niveau de la Békaa du Nord. Ces trois fronts sont également dangereux pour le Liban, et les combats qui s'y déroulent peuvent avoir des conséquences sur l'intérieur libanais.
En principe, Palmyre est une oasis au cœur du désert et elle n'a pas vraiment une importance stratégique. Elle est tombée entre les mains des combattants de Daech parce que les forces du régime estimaient que le désert qui l'entoure est difficile à défendre. Mais Palmyre est aussi à la croisée de deux routes très importantes : du côté sud, elle ouvre la voie de la Ghouta et donc vers la capitale Damas, et du côté ouest, elle ouvre la route de Homs et donc du centre du pays, jusqu'à Kousseir puis le nord du Liban. Selon les rapports militaires, jusqu'à présent, les combattants de Daech installés à Palmyre n'ont pas encore dévoilé leur prochaine orientation. S'ils décident de descendre vers la Ghouta, c'est qu'ils auront opté pour une vaste offensive en direction de Damas. Mais déjà les combattants d'al-Nosra et de l'Armée de l'islam de Zahran Allouche qui ont fait de cette même Ghouta leur fief ne voient pas d'un très bon œil un débarquement chez eux des combattants de Daech. Ils perçoivent même cette éventualité comme une agression, non comme un renfort, et ils se préparent déjà à l'affronter. Par contre, si les combattants de Daech décident de se diriger vers Homs, ils devront affronter les forces du régime syrien et leurs alliés, notamment les forces de défense populaire et les combattants du Hezbollah qui avaient pris le contrôle de la région de Kousseir en 2013. L'objectif de cette tactique serait de contourner les forces du Hezbollah et de faire le lien avec le nord du Liban, essentiellement sunnite, où ils espèrent trouver un environnement favorable qui leur permettrait d'avoir un accès à la mer, devenu nécessaire si la Turquie commence à fermer plus ou moins ses frontières avec le nord syrien.
Dans le jurd du Qalamoun, après le tapage médiatique des dernières semaines, le silence est presque total. Pourtant, les combats se poursuivent, mais d'une façon moins spectaculaire et à un rythme plus lent. Le Hezbollah, qui avait sciemment mené au début une véritable guerre médiatisée, a calmé le jeu et ses proches affirment qu'il n'est pas pressé. Ses hommes avancent lentement mais sûrement, prenant le contrôle d'une colline après l'autre et poussant les combattants dans leurs derniers retranchements. Maintenant qu'il s'est assuré l'avantage stratégique, il n'éprouve pas le besoin de prendre le contrôle total de ce jurd, d'une part, parce qu'il s'agit d'une zone très étendue, et, d'autre part, parce que cela rendrait l'abcès de Ersal plus pressant. Le secrétaire général du Hezbollah l'a d'ailleurs dit dans son dernier discours : la bataille se poursuivra jusqu'au bout, mais elle prendra le temps qu'il faudra.
Reste la région du sud de la Syrie qui constitue le flanc mou de l'armée syrienne et du Hezbollah, à cause notamment de la proximité d'Israël et du fait qu'une partie non négligeable de la population est de confession druze et n'est pas très impliquée dans le combat aux côtés de l'armée syrienne régulière. Toutefois, la tuerie d'Idleb a changé la situation. Lorsque Daech et al-Nosra ont pris le contrôle de cette région, ces groupes avaient posé des conditions à la population druze que celle-ci avait plus ou moins acceptées. Cela allait du rasage des grosses moustaches à la nécessité d'aller prier dans les mosquées, de déclarer son islam et même de s'enrôler dans les rangs de l'organisation pour les jeunes à partir de 14 ans. Une sorte de modus vivendi a donc été établie jusqu'à cette tuerie, qui a effrayé les druzes et leur a montré que les hommes de Daech et d'al-Nosra ne sont pas des interlocuteurs fiables. En dépit des assurances et des promesses, ils peuvent changer d'avis sans prévenir. Les druzes de Soueyda, qui, jusqu'alors étaient relativement neutres, ont commencé à solliciter l'aide de l'armée syrienne, avec laquelle ils avaient un contentieux dû au fait que 30 000 réservistes druzes avaient refusé de se présenter pour le service militaire. Lorsqu'ils ont réclamé des armes à l'armée syrienne, celle-ci a d'ailleurs ressorti ce grief et les habitants se sont déclarés prêts à permettre à leurs enfants de faire leur service militaire à condition d'être postés dans la région, et non sur des fronts éloignés. En réalité, la menace de Daech et d'al-Nosra devenant de plus en plus précise, les habitants ont compris qu'en dépit des manœuvres israéliennes, la seule aide effective peut venir de l'armée syrienne. Les différends ont donc été surmontés et le front du Sud s'est ainsi plus ou moins stabilisé, avec la contre-offensive de l'armée et de la population autour de l'aéroport militaire de Thaala.
En ce début du mois de jeûne du ramadan, la situation est plus ou moins stabilisée. Pour l'armée syrienne et ses alliés, il s'agit de consolider les positions et donc d'adopter une tactique défensive, et pour les forces islamistes de l'opposition, les options restent limitées et les possibilités de renverser les rapports de force difficiles. D'autant que, sur le plan des alliances stratégiques, aucun changement n'est pour l'instant envisagé.
Repère
commentaires (8)
les chrétiens du liban ne sont pas les chrétiens d'irak, ni les chrétiens d'egypte, ni les chrétiens de syrie !!
Bery tus
19 h 22, le 23 juin 2015