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Liban - communautés

Les chiites indépendants fustigent l’aventurisme meurtrier du Hezbollah

« Affrontons le mode de pensée du takfirisme par une logique différente de celle de la guerre », préconise Ali el-Amine

Intellectuels, journalistes et responsables religieux, rassemblés à Riad Solh pour réclamer le désengagement du Hezbollah de Syrie.

« Nous jurons par le Coran et par l'Évangile que nous ne sommes pas les chiites des ambassades. »
C'est par cette phrase choc que les pôles du groupe de chiites indépendants ont inauguré hier leurs discours lors d'un rassemblement au centre-ville, répondant ainsi aux accusations qui leur avaient été adressées par le Hezbollah il y a quelques semaines.

Les motifs de cette rencontre publique devant la presse ne devaient pas toutefois se limiter à la contestation des choix politiques et militaires du parti chiite pro-iranien. Les discours et les appels au dialogue exprimés étaient une invitation à repenser l'avenir dans une perspective pacifiée.
Ces intellectuels et libres-penseurs, qui mènent depuis un certain temps une contre-résistance en faveur de la légalité, ont saisi l'occasion pour clamer haut et fort leur libanité et leur préférence incontestable pour l'État de droit, par-delà les allégeances communautaires. Des choix politiques simples, évidents, comme l'a rappelé le journaliste Ali el-Amine, mais qui n'en sont pas moins fondamentaux et fondateurs d'un Liban uni qui aurait enfin réussi à transcender les appartenances identitaires sectaires et meurtrières. Car dans cet Orient en ébullition, seule l'identité citoyenne est salvatrice, ont répété les participants à l'envi.

Réunis à Riad Solh – un lieu dont la symbolique officielle devait parfaitement refléter les valeurs défendues par ce noyau d'intellectuels et de figures religieuses influentes –, les contestataires ont tenu à conférer à cet événement les couleurs de l'unité, en entonnant l'hymne national et en rendant visite aux parents des militaires otages, dans un signe de solidarité humaine et nationale.
Les slogans brandis devaient en outre étayer les positions défendues par ces adeptes de la République et de la vie : « Œuvrons à l'unité », « Jabal Mohsen = Bab el-Tebbané », ou encore « pour ne pas que soient massacrés les trois quarts d'entre nous ». Ce dernier slogan est à l'évidence une réponse aux propos du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui avait annoncé il y a quelque temps que la guerre contre les takfiristes allait se poursuivre même si les trois quarts des chiites libanais devaient y laisser leur peau. L'appel lancé au Hezbollah afin qu'il renonce à son expédition meurtrière en Syrie et ailleurs reviendra comme un leitmotiv dans les allocutions prononcées.

 

(Lire aussi : Lokman Slim, l'opposant chiite accusé de « vouloir torpiller le Hezbollah de l'intérieur »)



Les phrases-fétiches employées dans les discours du parti chiite seront reprises par les intervenants, mais dans un sens édificateur de l'État.
« Soyez sûrs mes amis qu'il n'y a pas plus noble mission que la protection des citoyens et du Liban face au mal de la discorde », a lancé le journaliste Ali el-Amine. Et d'énumérer les aspirations qui motivent le mouvement des chiites indépendants : l'application de la Constitution, le respect de la loi, la primauté de l'appartenance nationale, l'allégeance à une patrie définitive et à une nation unie, libre et arabe, enracinée dans la démocratie et la modernité.

« Le despotisme qui prévaut dans la nation arabe est l'ennemi de l'homme, l'ennemi de la raison et du progrès, le complice de l'ignorance sacrée, des fondamentalismes et de l'obscurantisme takfiriste », a enchaîné cheikh Abbas el-Jawhari qui a mis sur un pied d'égalité les extrémismes chiite et sunnite.
Critiquant les prétentions du Hezbollah à vouloir défendre le Liban et son pluralisme par sa participation active à la guerre transnationale qu'il mène en Syrie, en Irak et au Yémen, le dignitaire chiite a rappelé que cette logique ne fait que renforcer les divisions. Ce qu'il propose, c'est une stratégie défensive pour l'ensemble des frontières libanaises – y compris l'extension du mandat de résolution 1701 –, la meilleure manière de faire face à l'ennemi étant d'user de l'arme de l'unité nationale, a-t-il dit, citant les propos de l'imam Moussa Sadr. Le facteur sécuritaire est revenu en force lors de ce rassemblement dont les membres – une minorité au sein de la communauté chiite – ne se sont pas toujours sentis rassurés d'exprimer librement et frontalement leur opposition à un parti unique qui conteste, sur toute la ligne, les valeurs qu'ils défendent.
D'une voix ferme et déterminé, cheikh el-Jawhari a mis en garde « les professionnels de la mort » : « Si l'un d'entre nous est la cible d'une agression physique et morale, nous ferons assumer la responsabilité à ceux qui orchestrent les campagnes de diffamation et de traitrise. »

Mais la teneur des messages adressés au parti chiite et à ses assises n'est pas celle d'une confrontation. Bien au contraire. Par-delà les critiques adressées à ses partenaires communautaires, le mouvement des indépendants chiites se veut être une main tendue, animée par l'espoir d'un retour définitif des combattants du Hezbollah au Liban et dans leurs familles.
Cheikh Abbas el-Jawhari, qui a affirmé « apprécier et respecter – en dépit de notre refus de l'implication du Liban dans ces guerres – les sacrifices consentis par ceux qui ont voulu éloigner le spectre du terrorisme », a appelé, sans le nommer, le Hezbollah à reconsidérer sa vision « non sacrée » et à en discuter en ayant à l'esprit « le spectacle des larmes et du sang qui coule et la perte de ceux qu'on aime et que l'on voit mis sous terre, jour après jour ».

« Nous ne cherchons pas la polémique, mais nous voulons vous retrouver à mi-chemin (...) sans pour autant suspendre la potence des idées divergentes », a affirmé à son tour M. el-Amine en préconisant le dialogue en ce moment historique décisif.
« Affrontons le mode de pensée du takfirisme par une logique différente, qui va dans le sens de l'analyse des fondements et motifs de ce mal », a-t-il suggéré, « en lieu et place des violations des frontières et de l'anéantissement de l'identité nationale ».

 

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commentaires (8)

De telles initiatives méritent d'être encouragées.

Dounia Mansour Abdelnour

20 h 23, le 19 juin 2015

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • De telles initiatives méritent d'être encouragées.

    Dounia Mansour Abdelnour

    20 h 23, le 19 juin 2015

  • Entre Hezb Allah et Hezb ech-Chitane, mon coeur balance. Allons-y pour Hezb el-Batata ou Hezb el-Battikh tant qu'on y est.

    Un Libanais

    12 h 52, le 18 juin 2015

  • L identite citoyenne concene les pays developpes . Le tiers monde n y est , malheureusement , pas inclu

    Hitti arlette

    11 h 00, le 18 juin 2015

  • Tres belle initiative, il faut que les Chiite (et toutes les autres communaute aussi) arrivent a se defaire des chaines de la pensee unique.

    George Khoury

    10 h 21, le 18 juin 2015

  • MALHEUREUSEMENT LEUR NOMBRE EST TRÈS RESTREINT... LA COMMUNAUTÉ CHIITE EST PRISE EN OTAGE PAR SES DIVINS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 46, le 18 juin 2015

  • Trop mous.... et tant conciliants !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 54, le 18 juin 2015

  • Le chiites indépendants ne sont les chiites d'aucune ambassade. Ils sont les chiites du Liban et méritent le plus grand respect.

    Halim Abou Chacra

    05 h 34, le 18 juin 2015

  • wow jolie et bien dit !!

    Bery tus

    02 h 52, le 18 juin 2015

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