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Culture - Exposition

L’humain à l’épreuve impitoyable de l’ultraconsommation

Avec le prix Pictet au Beirut Exhibition Center, la banque suisse du même nom veut interpeller les Libanais sur l'inquiétante dégradation de la planète et secouer les citoyens à propos du développement durable. Une initiative louable qui révèle les travers de l'homme.

Motoyuki Daifu ou la surconsommation à l’échelle familiale.

Provoquer le choc, une prise de conscience, dans toutes les villes que le prix Pictet parcourt. Que chacun des spectateurs de l'exposition réfléchisse sur le monde qui l'entoure. Créé en 2008, le prix Pictet choisit, chaque année, onze photographes ayant réalisé une série à propos du développement durable parmi 700 candidatures. Et nomme un lauréat qui reçoit la somme de 100 000 francs suisses. Cette année, le thème est la consommation (consumption) sous toutes ses formes : qu'elle soit laide, envahissante, agressive, néfaste vis-à-vis de la nature, ou plus subreptice, quotidienne et pernicieuse.
Pour être choisies, les photographies doivent « aiguiser un appétit afin de chercher des solutions durables », souligne Dany Rahmé, vice-président de la banque Pictet. Cette exposition qui fait le tour du monde (Mexico, New York, Berlin, Paris, Londres, Dubaï, etc.) est une incitation à la réflexion sur les impasses de la société de consommation. « On ne cherche pas la belle photo, ni la bonne pose, mais une série d'œuvres capables de provoquer une véritable réflexion sur les actes négatifs dont nous sommes tous responsables », souligne le banquier.

Green washing ?
Voilà qu'une puissante banque étrangère experte en gestion de patrimoine se fait chevalier servant du développement durable et cherche à réduire les inégalités entre les populations. L'ironie de la situation a de quoi faire sourire. En inventant et en investissant dans ce prix Pictet, la banque se dessine une image positive et se donne bonne conscience. Un « green washing » qui pourrait mettre mal à l'aise certains. « En cinq ans, 400 millions de personnes ont vu nos photos à travers le monde. S'ils ont été sensibilisés, à travers une photo, sur ce qui se passe autour d'eux, c'est positif, n'est-ce pas ? » se défend Dany Rahmé.
Sans l'initiative du secteur privé (Solidere est aussi partenaire de l'exposition), une bonne partie de la culture libanaise serait inexistante. Le trop faible investissement de l'État libanais, qui brille par son absence, permet aux mastodontes du privé de picorer sur ce terrain culturel. Un moindre mal, car la culture reste accessible, mais on est tout de même bien loin de la coupe aux lèvres...
Une question poursuit le spectateur comme une ritournelle durant l'exposition. Comment vivre dans cette société consumériste tout en gardant en tête le développement durable ? Les politiques répètent inlassablement les mêmes leitmotive aux citoyens : sans consommation, pas de croissance, sans croissance, pas d'emploi. CQFD. « Il faut trouver un juste milieu, consommer de manière à ne pas détruire (...) Ce n'est pas seulement une question de produits, c'est aussi le regard que l'on porte sur les autres. Cela va de la manière dont on traite les domestiques, jusqu'à la couche d'ozone. Utiliser des déodorants à billes à la place des sprays fait par exemple partie des petits actes quotidiens qui ne coûtent rien, mais qui évitent d'abîmer la planète », insiste le banquier.

Presque l'odeur des nouilles...
Au Beirut Exhibition Center, une cinquantaine de photos sont visibles, mais celles-ci auraient pu être bien mieux présentées et plus loquaces. L'éclairage, les reflets de la lumière et la scénographie du lieu ne leur rend pas justice. Le livre Consumption, par contre, sorte de catalogue augmenté de l'exposition, alliant textes fournis et légendes nécessaires afin de comprendre la pleine portée des choix des photographes, possède lui l'efficacité coup de poing qu'on recherchait dans l'exposition.
Parmi les onze artistes retenus pour l'exposition, le Chinois Hong Hao est, sans conteste, celui qui s'est lancé un drôle de pari, rapidement devenu effrayant. Il garde une trace de tout ce qu'il consomme depuis 2001. Il a ainsi scanné tous ses produits, livres, DVD, tickets de restaurants, puis a formé des collages avec ces clichés digitaux. Ces montages permettent de mieux quantifier notre surconsommation. « Il faut trouver le juste milieu entre vivre et savoir vivre, sans nuire », acquiesce le banquier. Aussi, Project Family, du Japonais Motoyuki Daifu, met aussi en exergue cette opulence maladive. Ses dix Regards sur la famille sont si documentaires, si réalistes, que l'on pourrait presque humer l'odeur des nouilles réchauffées, mélangées aux crottes de chats et aux poubelles qui se dégagent de ses pièces exiguës. Enfin, le travail de Boris Mikhailov mêle extrême pauvreté face au poids d'une publicité rendant les espaces publics anxiogènes. L'artiste ukrainien sait capter à quel point les restes du communisme, dans sa ville natale de Kharkov, percutent brutalement l'arrivée d'un capitalisme occidental qui écrase le citoyen une seconde fois. Autant d'appels à envisager l'après-consumérisme.

Jusqu'au 12 juillet.

 

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