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Culture - Exposition

Les zombies ressuscitent et deviennent icônes

Pour son solo n°11 à la galerie Janine Rubeiz* dans un parcours artistique de plus de trente ans, Rim el-Jundi parle de « Résurrection ». Une série de portraits, sans être des pastiches, traités à la manière des icônes orientales. En se permettant aussi quelques digressions et variations. Lumière sur ces vivants revenus du pays de Lazare...

«Moon», 2013, acrylique mixed media sur bois.

Une silhouette frêle et menue, de grands yeux tendres comme dans ces visages qu'elle peint, des cheveux peroxydés coupés artichaut, des ongles laqués noirs assortis aux rondelles de ses boucles d'oreilles, bague en argent oblongue au doigt, le nom en lettres arabes de son fils Assem tatoué sur l'avant-bras et un sourire de toute éclatante blancheur... voilà, du haut de ses cinquante et un ans, Rim el-Jundi.

Après quelques tâtonnements du côté du cinéma et de l'architecture, l'artiste s'installe dans des études en beaux-arts à la LAU pour décrocher finalement à Kaslik un DEA en icônes orientales. Car l'art, elle l'a dans les gènes, le sang et la famille. Jugez en : sa sœur Darina est actrice, son père Assem est journaliste, sa seconde sœur Dima réalisatrice et son oncle Borhan Alaouié est cinéaste...
Aujourd'hui, c'est-à-dire après avoir frayé son chemin dans la peinture depuis 1992, après avoir expérimenté tempera, colle et huile, ses acryliques, mixed-medias sur bois et parfois un filet de feuille d'or, reconstruisent un univers sous influence des icônes byzantines.

Pour habiter ces vingt-huit espaces peints (de dimensions variées avec une série aux mesures relativement ramassées et communes), exposés à la galerie Janine Rubeiz, l'artiste a surfé sur Internet et, frappée par les images de ces mort(e)s emportés par le tourbillon des innombrables violences contemporaines, elle a décidé de les faire ressusciter. En gommant misère, souffrance et douleurs. Un état de grâce, de silence, d'une certaine
sérénité.
Pour leur prêter un regard humain, vivant, sans agressivité, réconcilié, paisible et apaisé. Avec une couleur terre, chocolatée, brune comme ces peaux éthiopiennes ou nubiennes, ces inconnu(e)s respirent en toute tranquillité une vie nouvelle, prolongée, empreinte de quiétude et de modestie. Avec des écharpes bariolées couvrant la tête pour la gent (à prédominance) féminine et une chevelure sombre et drue pour les quelques (jeunes) hommes.

Non seulement des hommes et des femmes, mais aussi quelques enfants, une femme enceinte intégralement nue devant des marguerites géantes, comme des hibiscus à la Gauguin. Un couple posant sagement, telle une carte postale, pour son mariage, elle en robe de mariée blanche et lui en costume gris avec moustache frémissante. Et un père, avec son fils sur les épaules, sur fond d'un ciel bleu cobalt, envahi par les hirondelles qui déploient leurs ailes comme des cerfs-volants....

Fille de Beyrouth, cultivant la mémoire de sa ville aussi bien en temps de paix que de guerre, elle qui a longtemps tergiversé pour partir à l'étranger, Rim el-Jundi a brusquement cette phrase débordante de dévotion et de patriotisme : «Notre pays n'est pas delivery... il y a toujours une place pour tout un chacun. »
Ses peintres de prédilection? Andreï Roublev, mais aussi Boutros Ajaimi pour son iconographie populaire (Saadnaya et Maaloula) où, faute de moyens, le fil d'or est remplacé par du fil d'argent... Le souvenir qui l'a le plus marqué et généré sa vocation de peintre? « Une petite boîte de peinture offerte à neuf ans par Seta Manoukian, dit-elle émue. Mon monde et ma vie sont dès lors devenus tout autre...»

Encore quelques pas dans l'allée, entre ces portraits qui fixent le visiteur et l'espace inondé de lumière sous la verrière reflétant un azur méditerranéen. Et l'on s'aperçoit alors, en toute douceur et exquise surprise, des petits signes, subtils contrastes introduits dans ces icônes qui n'en sont pas! Des signes zodiacaux (poisson, scorpion), des grenades, des mains, des étoiles, un soleil, des oiseaux... Autant d'illustrations simples et primitives, dans cette fantaisie iconographique levantine revisitée, pour suggérer le rêve, un soupçon de spiritualité et la méditation.

*L'exposition « Résurrection » de Rim el-Jundi à la galerie Janine Rubeiz se prolongera jusqu'au 25 juin.

 

Pour mémoire
Les arbres généalogiques de la grande famille de Rim el-Jundi

Une silhouette frêle et menue, de grands yeux tendres comme dans ces visages qu'elle peint, des cheveux peroxydés coupés artichaut, des ongles laqués noirs assortis aux rondelles de ses boucles d'oreilles, bague en argent oblongue au doigt, le nom en lettres arabes de son fils Assem tatoué sur l'avant-bras et un sourire de toute éclatante blancheur... voilà, du haut de ses cinquante et un...

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