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Liban - Éclairage

Pour les opposants chiites, les pertes du Hezbollah en Syrie ne provoqueront pas un soulèvement contre le parti

Au fil des ans, la formation militaire et sécuritaire par excellence a changé le tissu social de certains villages du Liban.

Il y a deux ans, quand il s'est engagé à Qousseir, en Syrie, le Hezbollah avait promis à la communauté chiite une victoire rapide. Mais avec les pertes essuyées par le régime syrien et ses alliés, et le retournement de la situation sur divers fronts en Syrie, le parti de Dieu risque de perdre de plus en plus d'hommes dans son combat visant à maintenir Bachar el-Assad au pouvoir. Cela ne provoquera pas pour autant un véritable changement au sein de la communauté chiite. Même s'ils ne voient plus sous un angle très positif leur engagement dans la guerre en Syrie ou s'ils s'inquiètent pour leur propre sort ou celui de leurs familles, les supporters du Hezbollah ne lâcheront pas le parti, encore moins son secrétaire général, Hassan Nasrallah.

Pour comprendre cette situation, il faut prendre plusieurs facteurs en considération. Selon des intellectuels chiites opposés au Hezbollah, le parti œuvre depuis plus de trente ans à changer l'essence de la communauté chiite, qui se considère à la base comme la plus pauvre, la plus « déshéritée » du pays.
Le Hezbollah ne s'est présenté que récemment comme une force politique, il a toujours été une force militaire et sécuritaire au sein de la communauté chiite. Avec le temps, le parti a travaillé sur le penchant de la société chiite (qui existe déjà à travers la commémoration de la Achoura) à glorifier la mort et le martyre, et cela même si le martyre est présent aussi bien chez les chiites que les sunnites.
« Quand ils prennent un café, au lieu de dire merci, ils implorent Dieu de leur donner la chance d'avoir un martyr dans la famille », indique un intellectuel chiite opposé au Hezbollah.

Nombre de chiites de l'opposition parlent de l'importance sociale que donne le Hezbollah dans ce cadre aux proches d'une personne qui a été tuée au combat. La mère, le père, le frère, la sœur, l'épouse, voire la fiancée du martyr assument un rôle social important. Ils sont placés parmi les notables, même s'ils viennent des couches les plus défavorisées de la communauté, lors de divers événements. « Le parti a changé les divisions et les différences traditionnelles, ainsi que les rapports de force au sein des villages et localités chiites du Liban », souligne-t-on. Il y a aussi le jeu sur la fibre minoritaire et le combat qui oppose – même au Liban – les chiites et les sunnites.
Le facteur le plus important à relever est que, grâce à la manne de l'Iran, le parti a remplacé l'État quasi inexistant au Liban-Sud et dans la Békaa. Toujours selon les opposants chiites au Hezbollah, le parti emploie 80 000 personnes, dont le salaire minimum s'élève à 600 dollars. Il n'assure pas seulement leur revenu mensuel, mais aussi leur hospitalisation, leur logement et la scolarité de leurs enfants. Il leur permet également d'acheter des produits, des denrées alimentaires jusqu'aux vêtements, en passant par les meubles, à des prix réduits.


(Lire aussi : La bataille du jurd de Ersal pour protéger les arrières du Hezbollah, le décryptage de Scarlett Haddad)

 

L'Allemagne nazie
« Personne ne peut s'opposer à eux dans les villages. Ceux qui ne partagent pas leur avis se taisent de peur d'être éloignés de la communauté et de se retrouver complètement marginalisés », confie un intellectuel chiite.
Ces pratiques sont similaires à celles de l'Italie fasciste, l'Espagne franquiste, voire l'Allemagne nazie, où beaucoup ont préféré se taire pour faire toujours partie d'une société bien en ordre ou par peur d'être dénoncés par les voisins. Cela s'applique actuellement à la communauté chiite du Liban.

Un opposant raconte : « Dans un cimetière de la banlieue sud de Beyrouth, une femme a été empêchée de pleurer après avoir perdu son fils tué au front. Elle se lamentait en interpellant son fils et en criant qu'il lui manquait. Un homme est venu la faire taire, lui rappelant qu'elle devait être fière parce que son fils est un martyr. » Durant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de lettres envoyées par des mères italiennes ou allemandes au front à leurs fils soldats ne sont jamais parvenues à leurs destinataires. Les dictatures aussi exerçaient des pressions sur les parents qui osaient exhiber une tristesse exacerbée pour la mort d'un fils tué durant la guerre.

Un autre opposant rapporte : « Il y a deux ans, l'annonce de la mort d'un homme au front provoquait des remous et des coups de gueule contre le messager dans certaines familles. Le Hezbollah a rapidement remédié à cela. Désormais, l'annonce d'un décès au front provoque toute une mobilisation : un groupe de responsables du parti se rend auprès de la famille alors qu'une cinquantaine de membres originaires du village ne lâchent pas une seconde les proches, durant des jours, des semaines, voire des mois. »

On ignore le nombre exact des miliciens du Hezbollah tués en Syrie. Certains disent 1 250 hommes alors que d'autres avancent le chiffre de 2 000. Il faudra compter en moyenne quatre par village à dominance chiite, sachant que le nombre de tués a atteint une vingtaine dans certaines localités.
Toujours selon les opposants chiites, nombre de corps ne sont pas rapatriés. Les membres du parti disent aux familles que le combattant a voulu être enterré près du sanctuaire (chiite) de sitt Zeinab, dans la banlieue de Damas. Souvent aussi, le parti ne rapatrie pas les corps d'un seul coup (s'il a essuyé d'importantes pertes en une seule journée), mais par étapes, en ramenant au Liban trois ou quatre corps par jour.

Pour les opposants chiites au Hezbollah, il n'y aura pas de révolution au sein de la communauté. Le changement viendra brutalement en raison de facteurs extérieurs, mais cela ne veut en aucun cas dire que le Hezbollah disparaîtra.

 

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commentaires (5)

Très Mauvaise "analyse", "opposants chïïtes" !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 38, le 05 juin 2015

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Commentaires (5)

  • Très Mauvaise "analyse", "opposants chïïtes" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 38, le 05 juin 2015

  • "La masse, comme telle, est toujours anonyme et irresponsable" Carl Gustav Jung

    Christine KHALIL

    09 h 53, le 05 juin 2015

  • Au contraire, s'il y aura changement ce ne sera que de l’intérieur. Aucune dictature n'est parti sans avoir été essentiellement pousse par l’intérieur. Le facteur externe vient en général en support au facteur interne ou comme le déclic de la rébellion. En Syrie, quelque mois avant le début des premières manifestations, les Syriens de tout bord disaient souvent: "Grace a Dieu nous avons un pays stable et le régime supportable tant que nous pouvons travailler et vivre en paix (sic)". Il a fallu une erreur pour que tout balance. Ce sera la même chose pour le Hezbollah surtout s'il perd la couverture interne de certains autres partis. Ça va prendre son temps mais il tombera comme un fruit mure. Ce qui est triste c'est que cela prendra le temps de quelques centaines, voir milliers de morts encore.

    Pierre Hadjigeorgiou

    08 h 59, le 05 juin 2015

  • QU'ILS N'ESPÈRENT PAS BEAUCOUP... LES SALAIRES VERSÉS PAR LA PERC(S)ÉE CIMENTENT LES RANGS DU HEZB !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 08, le 05 juin 2015

  • Le titre de cet Eclairage aurait bien pu être comme suit : Pour les opposants chiites au Hezbollah, ce dernier est un parti fasciste. Etant entendu que, selon sayyed Hassan Nasrallah, que "ces opposants chiites au Hezbollah sont des chiites de l'ambassade". Donc des traîtres !

    Halim Abou Chacra

    06 h 24, le 05 juin 2015

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