Rechercher
Rechercher

Liban - Décryptage

Aoun-Geagea, une rencontre qui profite aux deux leaders

La nouvelle a pris (presque) tout le monde de court. Certes, depuis que le dialogue entre le CPL et les Forces libanaises avait commencé il y a plus de six mois, on savait qu'un jour les deux pôles, Michel Aoun et Samir Geagea, devaient se rencontrer pour lui donner une dimension concrète. Mais du côté du CPL, en tout cas, on ne pensait pas que le rendez-vous était aussi imminent.

D'ailleurs, le général Aoun et même Ibrahim Kanaan, qui a été chargé de mener ce dialogue avec le représentant des Forces libanaises, Melhem Riachi, ne savaient pas mardi soir que le chef des Forces libanaises devait arriver de façon impromptue à Rabieh. En principe, c'est une délégation sécuritaire des FL qui était attendue sur les lieux en vue de préparer le terrain à la visite officielle de Samir Geagea. Ce n'est donc que lorsque celui-ci est arrivé au poste de garde à quelques mètres de la villa où réside Aoun que tout le monde a réalisé ce qui était en train de se passer.

Les proches de Geagea précisent que puisque le principe de la visite était acquis et la décision prise, avec l'aboutissement de la « déclaration d'intentions », le chef des FL a voulu accélérer le processus et se rendre sans prévenir à Rabieh pour des raisons de sécurité. Une autre version moins officielle révèle que pour le chef des FL, les choses avaient trop traîné et cela n'avait plus de sens de perdre encore du temps avant d'organiser cette « rencontre au sommet ». Il y avait même comme un vague sentiment que du côté aouniste on préférait retarder autant que possible cette rencontre. Ce serait donc pourquoi le chef des FL a décidé de prendre les devants et de créer le fait accompli. En réalité, le timing de la rencontre a été bien étudié. D'une part, elle intervient au lendemain de la commémoration de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1987, dont le chef des FL est l'un des principaux condamnés, et de plus, elle coïncide avec la visite de l'émissaire du Vatican au Liban dont la mission est de pousser les parties chrétiennes à s'entendre, en vue d'aboutir à l'élection d'un nouveau président de la République.

Pour le CPL, le timing est aussi intéressant, même si la visite était plutôt prévue dans quelques jours. Depuis quelque temps en effet, et en raison de la campagne médiatique du 14 Mars, certaines voix au Vatican adressent des critiques au général Aoun, l'accusant de bloquer l'élection présidentielle pour des objectifs politiques ou des ambitions personnelles. La rencontre avec Geagea et l'atmosphère détendue qui a été reflétée par les médias sont donc venues à point nommé pour réduire l'impact de ces critiques et montrer que Aoun est un homme ouvert, prêt au dialogue et à la réconciliation, lorsque l'intérêt du pays l'exige. De plus, la déclaration d'intentions, soigneusement étudiée, dont chaque mot a été pesé, est là pour donner une dimension stratégique au dialogue entre les deux formations et à la rencontre entre les deux chefs de file. Cette déclaration d'intentions montre en effet que les deux leaders ont à cœur le sort des chrétiens au Liban et dans la région et ont pour principal souci de renforcer leur présence au Liban et de leur restituer leurs droits spoliés sous la période de tutelle syrienne et par un mauvais exercice du pouvoir durant la période qui l'a suivie.

Les sujets conflictuels ont été soigneusement évités et le général Michel Aoun a fait ce qu'on peut considérer comme une concession en acceptant le plafond de la Constitution et du document d'entente nationale adopté à Taëf en 1989. En contrepartie, Samir Geagea a accepté de placer en tête de ses priorités l'adoption d'une nouvelle loi électorale équitable et assurant une bonne représentation des chrétiens, ainsi que le projet de récupération de la nationalité prôné par le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil et qui s'adresse en principe à la diaspora chrétienne. Au sujet de la présidentielle, les deux hommes ont aussi adopté le point de vue du général Aoun sur la nécessité d'élire à la plus haute magistrature de l'État un président maronite dit fort, jouissant d'une assise populaire au sein de sa communauté et capable de rassurer les autres composantes de la société libanaise.

En principe, ces qualificatifs s'appliquent aux deux personnalités et même aux deux autres pôles chrétiens, notamment l'ancien ministre Sleimane Frangié et l'ancien président de la République Amine Gemayel. Mais en réalité, dans le contexte actuel, et avec toutes les déclarations critiques à l'égard du Hezbollah, le chef des Forces libanaises ne peut pas être considéré comme « rassurant » pour cette formation et pour la grande majorité de la communauté dont elle est issue, d'autant que dans l'une de ses interviews télévisées, il avait même annoncé son intention d'aider les chiites à se dégager de l'emprise du Hezbollah. Il s'agit donc en quelque sorte d'un point à l'avantage de Aoun. Sauf que cet avantage ne se traduit pas encore concrètement par une décision claire de la part du chef des FL d'appuyer la candidature du « général » à la présidence. Par contre, Geagea a tiré des bénéfices directs de cette rencontre en s'imposant à la base aouniste, qui, au cours des dernières années, lui était défavorable. Il a réussi, grâce à cette rencontre et à l'image forte de sa main posée sur l'épaule du général pendant la conférence de presse, à briser la glace avec la base aouniste, qui jusque-là était un grand handicap pour sa candidature à la présidence, voire pour un rôle national.

Au final, on peut dire que les deux hommes ont trouvé leur compte dans cette rencontre. Surtout si, comme l'a laissé entendre le général Aoun, d'autres points ont été évoqués, dont les résultats apparaîtront, a-t-il dit, en temps voulu ! Mais ce qui compte vraiment, c'est que les chrétiens sont soulagés. Pour la première fois depuis longtemps, leurs leaders apparaissent unis sur des principes communs, tout en acceptant l'idée de leurs divergences politiques. Un exemple de l'exercice de cette démocratie à laquelle les Libanais aspirent.

 

Lire aussi
L'entente Aoun-Geagea, première pierre d'un dialogue national ?, l'éclairage de Philippe Abi-Akl

Deux magots*, l'impression de Fifi Abou Dib

Après Mamberti, Girault, mais sans espoir de déblocage...

Présidentielle : 24e report, mais l'idée de la majorité absolue fait son chemin

La nouvelle a pris (presque) tout le monde de court. Certes, depuis que le dialogue entre le CPL et les Forces libanaises avait commencé il y a plus de six mois, on savait qu'un jour les deux pôles, Michel Aoun et Samir Geagea, devaient se rencontrer pour lui donner une dimension concrète. Mais du côté du CPL, en tout cas, on ne pensait pas que le rendez-vous était aussi...

commentaires (9)

Qui profite à ce duo, oui, mais pas aux Libanais.

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 55, le 05 juin 2015

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Qui profite à ce duo, oui, mais pas aux Libanais.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 55, le 05 juin 2015

  • dans cette serie il y a un qui restera dans les anales de l'histoire !!

    Bery tus

    18 h 12, le 04 juin 2015

  • La television americaine a le secret de relancer des carrieres presques mortes au cinema: on prend deux has-been, on monte une histoire ou tous les deux se partagent la vedette a egalite, et on vend cette soupe au telespectateurs comme si c'etait le scoop de l'annee que d'avoir reussi a mettre ces deux vedettes ensemble. ca sent le rechauffe, et ca ne marche jamais. ... et puis les deux vedettes disparaissent definitiveement.

    Gerard Avedissian

    16 h 22, le 04 juin 2015

  • Votre article chère Madame est dans son analyse aussi désolant pour l'un comme pour l'autre des deux leaders en question et en tout cas pour l'image même de la communauté maronite...! Il eût été peut-être plus objectif que vous fassiez l'impasse sur cette rencontre plutôt que de la présenter ainsi. Vous donnez en effet une triste interprétation de la situation du leadership chrétien dans ce pays, qui est réduit d'après vous, à une mesquine affaire mercantile "de pertes et profits" et une grande opération de communication médiatique...!

    Salim Dahdah

    11 h 14, le 04 juin 2015

  • Les FL avaient déjà tout gagné et Dr. Geagea n'avait pas besoin de montrer a la base de Aoun qu'il était l’idéal homme politique pour gérer le pays en ces temps difficiles. De par sa politique Aoun a lui seul y a réussi. De plus les points sur lesquels ils se sont mis d'accord font tous parties du projet des FL que ce soit sur la loi électoral, le recouvrement de la nationalité ou le respect de la constitution et des accords y relatifs. Au fait, respecter la constitution, Mme, entre autre Taef qui en fait partie, n'est pas une concession mais un devoir. Vous avez un talent pour détruire ce que vous essayer de construire. Vous prétendez que Aoun a démontré qu'il était un homme ouvert alors qu’après quelque ligne vous nous dites qu'il est si ouvert qu'il accepte de respecter les lois et règlements du pays? En bref il a des pratiques politiques illégales et non constitutionnelle et de par sa grande mansuétude et générosité il nous le concède? En bref, Aoun est aux abois et a perdu la plus grande partie de sa popularité. Il prépare sa porte de sortie après la chute du Hezbollah qui est aux portes de l'histoire, et s'il y a mansuétude c'est de la part des FL qui tentent de protéger les Chrétiens et le Liban pour l'avenir. Je tiens a vous rassurer, Ni Aoun ni personne d'autre de son parti ne sera jamais Président de la république avant d'avoir mis au pas le Hezbollah. Nous verrons alors si les Aounistes resterons ses alliés.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 06, le 04 juin 2015

  • les mêmes qui se chamaillent et se réconcilient et se rechamaillent et se réconcilient...... A croire que ce fichu bled est destiné a être l'éternel apanage d'une clique qui croit representer les intérêts de la communauté chrétienne.

    Tabet Karim

    08 h 55, le 04 juin 2015

  • CET ARTICLE MANQUE DE SÉRIEUX. IL PÉCHE PAR EXCÈS DE PARTIALITÉ. "S'EN-FOUT" BOUDE... ET "TANT-PIS" COURT CHEZ LUI POUR LE METTRE SOUS LE FAIT ACCOMPLI... DU BARATIN... TRÈS CHÈRE MADAME SCARLETT HADDAD. çA FAIT RIRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 07, le 04 juin 2015

  • Un point à la fois important et délicat dans ce Décryptage. On y lit : "Dans le contexte actuel, et avec toutes les déclarations critiques à l'égard du Hezbollah, le chef des Forces libanaises ne peut pas être considéré comme "rassurant" pour cette formation et pour la majorité dont elle est issue", soit la majorité de la communauté chiite. Cela laisse entendre, évidemment : à la différence du général Aoun, qui présente un tel avantage. Mais pensez-vous, Mme Haddad, que le général Aoun est "rassurant" pour le courant du Futur et l'écrasante majorité de la communauté sunnite, ainsi que pour les forces chrétiennes du 14 Mars et tous les indépendants, alors qu'il s'est lié par une alliance presque organique avec le Hezbollah et l'axe de l'empire islamique perse-régime Assad (pour ne pas dire gang Assad), dont il couvre toutes les exactions (pour ne pas dire tous les crimes) ? Tel est justement le problème insurmontable du général Aoun, Madame.

    Halim Abou Chacra

    06 h 45, le 04 juin 2015

  • ..."D'une part, elle intervient au lendemain de la commémoration de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1987, dont le chef des FL est l'un des principaux condamnés"... etes vous, vous meme convaincu de cette affirmation, il a ete pourtant publier par des journalistes de renoms d'ailleurs des articles incriminant la syrie avec des preuves a l'appuie !! mais bon passons ..."certaines voix au Vatican adressent des critiques au général Aoun, l'accusant de bloquer l'élection présidentielle pour des objectifs politiques ou des ambitions personnelles"... donc vous convenez avec moi que c'est geagea qui a rendu une fiere chandelle a aoun? .."Samir Geagea a accepté de placer en tête de ses priorités l'adoption d'une nouvelle loi électorale équitable et assurant une bonne représentation des chrétiens, ainsi que le projet de récupération de la nationalité prôné par le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil et qui s'adresse en principe à la diaspora chrétienne".. desolee c'etait des demandes FL aussi donc a accepter .. c'est pas un peu trop parler?

    Bery tus

    03 h 40, le 04 juin 2015

Retour en haut