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Moyen Orient et Monde - Iran

26 ans après la mort de Khomeyni, que reste-t-il de son héritage ?

À l'occasion de la 26e commémoration de la disparition du guide spirituel de la révolution iranienne, Ali Nouri Zadeh revient sur l'itinéraire d'un homme dont l'héritage est toujours très prégnant aujourd'hui.

L’ayatollah Khomeyni rentre à Téhéran en février 1979 après son exil en France. Gabriel Duval/AFP

L'institution religieuse et cléricale et l'originalité d'un système politique soumettant le pouvoir civil au contrôle du pouvoir religieux à travers la wilayat el-Faqih, concept étranger à l'islam; la rhétorique de mobilisation politique sur fond d'internationalisme islamique et d'anti-impérialisme, sont autant de legs du khomeynisme qui ont survécu à leur fondateur. Le khomeynisme en tant que courant théologico-politique exerce encore une influence massive. Ali Nouri Zadeh, ancien rédacteur en chef du quotidien iranien Ettilaat, qui fut en contact permanent avec le guide de la révolution, livre son récit.

Qui était Khomeyni ?
Pour Ali Nouri Zadeh, le dignitaire religieux chiite est une personnalité complexe. Ses aspirations réformatrices et les réalisations dans ce sens ont été battu en brèche par sa volonté d'asseoir l'autorité morale religieuse et l'exercice de son contrôle sur l'État. Il rappelle l'ambivalence du personnage : « Il a longtemps été en opposition avec de nombreux ulémas de la ville de Qom et certaines de ces fatwas ont eu par la suite un grand retentissement. En 1988, il a levé l'interdiction des jeux d'échecs, et s'inscrivant en faux avec le rigorisme religieux, il a autorisé la musique et les chants. Il faut dire qu'il entretenait un certain mysticisme qui le rapprochait beaucoup des soufis. » M. Zadeh se souvient encore d'un échange entre Khomeyni et l'actuel guide suprême qui à l'époque était président de la République. Il explique que dans la confrontation entre les deux hommes, c'est Khomeyni qui fut le réfutateur d'une pensée religieuse conservatrice radicale. Mais selon lui, les changements qui se sont opérés étaient liés aux nécessités politiques. Dès son accession à la fonction de guide suprême de la République, le fossoyeur de la dynastie Pahlavi, qui vouait une haine profonde au chah pour les compromissions du régime monarchique et sa collusion avec les puissances occidentales, est sorti des sentiers battus, élaborant une synthèse unique. Il a ainsi réaffirmé le principe de souveraineté de l'Iran au cœur des revendications de la révolution populaire, neutralisé l'émergence de tout système sociopolitique alternatif à l'islam, et conçu une théorie révolutionnaire réformiste chiite innovante mêlant principe de souveraineté populaire et pouvoir tutélaire religieux. Son rôle progressiste sur le plan religieux a été supplanté par « sa volonté de mettre en place un système politique qui réaffirme radicalement la primauté du pouvoir des religieux. La dualité entre le droit religieux et le droit séculier qui faisait consensus entre les ulémas est abolie, au profit d'une invention sans précédent qui permet le contrôle du pouvoir civil par les docteurs de la loi religieuse », explique Ali Nouri Zadeh.

 

Discours de l'ayatollah Khomeyni durant son exil à Paris. Getty Images/AFP

 

Wilayat el-Faqih
Le concept de la wilayat el-Faqih, qui deviendra un principe fondateur de la République iranienne, est à l'origine d'une double rupture.
Premièrement, une rupture par rapport au fonctionnement du pouvoir dans les pays de tradition sunnite, où il n'existe pas de fonctions religieuses indépendantes du pouvoir civil et où les juristes ont toujours été placés sous son contrôle étroit. Deuxièmement, l'introduction d'un contrôle institutionnel des docteurs de la loi sur le pouvoir civil constituait également une rupture avec la pratique qui avait cour en Iran jusque-là. Les structures de pouvoir dont hérite l'empire perse sassanide sont à l'origine dans la tradition chiite iranienne de l'indépendance du clergé par rapport au pouvoir. L'extension des pouvoirs du clergé, consacrée au XIXe siècle par la mise en place de la marjaiyya (institution qui régit les rapports entre les fidèles et leur guide spirituel), renforce leur rôle dans les orientations politiques et sociales qui sont prises. Mais le bouleversement total s'opère avec Khomeyni et la décision de consacrer la mise sous tutelle du pouvoir civil. La construction constitutionnelle originale de la République islamique a donc imposé une réforme du droit religieux pour y introduire la théorie du pouvoir civil, mais également des principes juridiques modernes de gestion du nouvel État iranien. Ali Nouri Zadeh rappelle que « l'institutionnalisation de l'autorité des clercs autour du juriste a permis de neutraliser le processus de sécularisation à travers lequel l'autorité des clercs aurait été remise en question. En consacrant la suprématie de la wilayat el-Faqih, on a rétabli l'autoritarisme.

 

Les gardiens de la révolution. Getty/AFP

 

Le système de wilayat el-Faqih a été critiqué par de nombreux clercs chiites en Iran, mais également en Irak et au Liban ». Ali Nouri Zadeh rappelle que l'un des premiers présidents de la République islamique, Bani Sadr, qui était un compagnon de Khomeyni, a été lui-même à l'origine d'une critique virulente de ce système dans son ouvrage Le complot des ayatollahs. Bani Sadr qui finira par dénoncer la confusion qui s'est opérée entre les principes de la révolution populaire et le khomeynisme en tant que courant théologico-politique, rejoindra l'opposition de moujahidins khalq. « Le triomphe du Khomeynisme a entraîné la remise en cause de la longue tradition libérale d'exégèse au profit d'un monopole de l'interprétation religieuse de quelques guides désignés. Ces guides sont des fonctionnaires payés par l'État », affirme Ali Nouri Zadeh. Selon lui, la pensée réformatrice qui s'exprime en Iran préconise aujourd'hui la création d'une formation collégiale qui réunirait plusieurs hauts dignitaires religieux et limiterait la concentration du pouvoir dans les mains du faqih.
À travers son récit, Ali Nouri Zadeh rappelle que c'est souvent une fausse représentation de l'ayatollah Khomeyni qui est donnée. La répression n'est pas une spécificité de la République islamique de Khomeyni, elle a existé au temps du régime monarchique du chah. Cette figure exceptionnelle a joué un rôle d'avant-garde, porté par l'élan populaire, pour faire tomber 2 500 ans de système monarchique. En même temps, Khomeyni a contribué à institutionnaliser le contrôle du pouvoir religieux, ce système intègre certes des éléments de modernité politique, mais empêche l'édification d'un État centralisateur, reposant sur un principe d'identité collective déconnecté de la religion. Malgré tout, l'apport du khomeynisme est central, il est encore rarement dissocié des idéaux révolutionnaires et reste une référence incontournable pour ceux qui veulent rompre avec sa conception de la révolution.

 

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Chahuté, Rohani appelle à l'unité nationale

 

Discours du président iranien Hassan Rohani sous le portrait de l'ayatollah Ruhollah Khomeyni, le 3 juin 2014. Atta Kenare/AFP

 

Le président iranien Hassan Rohani a appelé hier à Téhéran à « l'unité de la nation » face aux « ennemis » de l'Iran, lors d'une cérémonie religieuse très tendue au cours de laquelle il a été plusieurs fois interrompu. M. Rohani, qui s'exprimait à l'occasion du 26e anniversaire de la mort de l'imam Ruhollah Khomeyni, fondateur de la République islamique, doit faire face à une frange des conservateurs qui dénonce des tentatives présumées du gouvernement de se rapprocher des ennemis historiques de la République islamique, au premier rang desquels les États-Unis, à l'occasion des négociations en cours sur le dossier nucléaire iranien. « Nous avons besoin d'unité et de cohésion », a affirmé le président iranien en citant l'imam Khomeyni, décédé le 4 juin 1989 après avoir régné dix ans sur l'Iran. « Les ennemis veulent créer la discorde parmi les groupes ethniques et les religions (....) Le premier pas est d'être uni dans le pays », a-t-il dit. Il a appelé à « une voix unique » malgré « les différences d'opinion, les différents partis, pour notre intérêt national et pour préserver le régime » lors d'un discours au mausolée de l'imam Khomeyni, au sud de Téhéran, interrompu plusieurs fois par la foule scandant des slogans en hommage à Khomeyni et à son successeur, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei.

 

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commentaires (5)

je voudrais rajouter aussi, je ne sais pas pq l'auteur n'en a pas fait mention, mais c'est un point tres tres tres délicats ... le faits que l'iran se base aussi sur les préceptes de zaraoustra ou encore Zoroastre qui fait meme parti de leur constition pas mot a mot mais dans l'esprit du text ... d'ailleurs il faut lire Nietzsche il en fait une belle propagande !! bien ke je ne suis pas du un adepte mais cette forme de religion est plutôt guerriere car elle affirme que du chaos ressortira une nouvelle ce qu'on apelle le chaos constructif !!

Bery tus

18 h 24, le 04 juin 2015

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Commentaires (5)

  • je voudrais rajouter aussi, je ne sais pas pq l'auteur n'en a pas fait mention, mais c'est un point tres tres tres délicats ... le faits que l'iran se base aussi sur les préceptes de zaraoustra ou encore Zoroastre qui fait meme parti de leur constition pas mot a mot mais dans l'esprit du text ... d'ailleurs il faut lire Nietzsche il en fait une belle propagande !! bien ke je ne suis pas du un adepte mais cette forme de religion est plutôt guerriere car elle affirme que du chaos ressortira une nouvelle ce qu'on apelle le chaos constructif !!

    Bery tus

    18 h 24, le 04 juin 2015

  • Que reste-t-il ? Rien ! Ou plutôt, si, la lie !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 59, le 04 juin 2015

  • En tout cas l'héritage de l'imam Khomeyni a débouché sur un impérialisme perse islamique géré par des mollahs rétrogrades et fanatiques. Les conséquences en sont terriblement néfastes pour le Moyen-Orient. Il en résulte en effet le retour le plus violent et le plus morbide des musulmans au conflit sunnito-chiite du 7e siècle. Cela entraîne le surgissement de l'extrémisme islamiste criminel des Daech et d'al-Qaeda dans la région. On a vu et on voit cela nettement en Syrie, en Irak, au Yémen, en Libye etc. Même le Liban, hélas, est atteint par ce fléau dont la domination et le contrôle sont chaque jour plus difficiles.

    Halim Abou Chacra

    12 h 29, le 04 juin 2015

  • Pour l'instant il est redevenu poussière, grâce a Dieu, et sa révolution, qui essaye de faire tache d'huile, finira par s'effondrer. Les Kurdes, les Azéris, les Turkmènes commencent a se montrer gêner de cette dictature et si le pouvoir va les traiter comme Bachar l'a fait avec ses détracteurs elle finira comme la Syrie et l'Irak. J'ai connu beaucoup d’Iranien de la diaspora qui, soit sont devenus Athées, soit Chrétiens ou même s'il sont resté Chiite a 90% ils honnissent les mollahs et rêvent de les voir tous pendus. Toute dictature conduit a voir un jour le peuple réagir et les Iraniens finiront par le faire. Ça commence d'ailleurs déjà!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 33, le 04 juin 2015

  • LE RÊVE D'HÉGÉMONIE SUR LA RÉGION... RÊVE QUI RISQUE DE RAMENER LA PERC(S)ÉE DANS L'ÈRE LE PLUS O0BSCURE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 10, le 04 juin 2015

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