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Liban - Conférence

La religion sur Internet, ou « la complémentarité des libertés d’expression et de croyance »

Les étudiants du diplôme universitaire des religions et médias de l'USJ invitent à une évaluation des sites électroniques religieux, à l'heure de la montée aux extrêmes, dont la Toile est une plateforme.

Les participants au panel.

Observer la présence de la religion sur les nouveaux médias peut apporter des réponses au problème actuel des rapports entre la liberté de croyance et la liberté d'expression. Si la Toile peut être perçue comme le terrain d'une expression non régulée, donc illimitée, cela est loin de signifier que la liberté de croyance n'y trouve pas sa place. Twitter n'est-il pas un outil de communication privilégié par le Vatican ? La religion sur la Toile peut donc servir de contre-exemple à une tendance, aujourd'hui renforcée, de mettre en opposition liberté de croyance et liberté d'expression, en associant la première systématiquement au dogme, à l'immobilisme et au fanatisme, et la seconde à la laïcité, perçue comme seul gage, absolu, de la démocratie. Cette lecture qui invente des antinomies est la même qui, avant l'émergence des réseaux sociaux, présentait la religion comme un système hermétique, hostile aux médias traditionnels, et vice versa. Or cette approche, fondée sur le cloisonnement, est un corollaire des extrémismes.

Initiative pionnière
Il a donc fallu éduquer et former des journalistes et des religieux à la complémentarité de leurs fonctions respectives. En créant, il y a trois ans, le diplôme universitaire des médias et des religions, dirigé par Katia Raya, la faculté des sciences religieuses de l'Université Saint-Joseph a ainsi pris une initiative sans précédent dans la région, brisant les idées reçues. Le choix du thème de « la religion sur les sites électroniques », pour la conférence annuelle, organisée par les étudiants du diplôme eux-mêmes, n'est donc pas anodin.
Après le mot de bienvenue du doyen de la FSR, l'étudiante Dalia Mokdad a évoqué la campagne médiatique (y compris sur Twitter) menée par ses collègues en préparation de la conférence, « qui concentre tous nos apprentissages de cette année ».
« Cette conférence est non seulement une invitation à découvrir la religion à travers les sites électroniques, mais apporte aussi des outils de repérage des sites religieux existant sur la Toile », a ainsi annoncé le recteur de l'USJ, le père Salim Daccache, devant des figures académiques, médiatiques et militaires, réunies au campus des sciences humaines. Il a soulevé ainsi un préalable nécessaire à l'analyse de la religion sur la Toile : « Identifier les buts des sites électroniques religieux, leurs responsables ou leurs autorités de référence, leurs méthodes de travail, avant d'évaluer la présence de ces sites, leur influence, aussi bien sur les croyants que sur les non-croyants. »
Lire ainsi la religion à travers le prisme du religieux et du non-religieux est nécessaire pour abattre la séparation artificielle établie entre le terrain civil et la religion. Et cette lecture conduit à assortir la liberté de croyance des mêmes limites associées à la liberté d'expression. « L'information religieuse fait partie de l'information dans sa globalité et doit obéir à la même éthique », a ainsi souligné le père recteur.

L'élasticité du sentiment religieux
Obéir à la même éthique, et donc aux mêmes normes juridiques. Ainsi, pour l'avocat Tony Mikhaël, « la fonction du droit face aux incitations à la haine confessionnelle sur la Toile est indissociable de la régulation globale de la liberté d'expression électronique ». « Liberté d'expression et liberté de croyance sont complémentaires », a-t-il souligné. Et les failles des textes juridiques, qui risquent de justifier des pratiques autoritaires, touchent aussi bien l'une que l'autre de ces libertés. L'avocat a notamment relevé « l'élasticité et le flou des termes insérés dans le code pénal, y compris l'atteinte aux symboles religieux et au sentiment religieux ». Comment définir ce sentiment ? Comment en dégager des limites à la liberté d'expression ? Autrement dit, comment concilier liberté d'expression et liberté de croyance ? Des questions auxquelles notre droit, dans son état actuel, n'apporte pas de réponse précise.

Réticence de l'islam
Le juge chérié, le cheikh Mohammad Hani Jouzou, précise cet équilibre entre ces deux libertés, en leur imposant une limite morale. Il a traité, sous l'angle moral, de « la question de l'adéquation de la finalité des médias électroniques avec l'essence de la religion ». C'est le fanatisme qu'il a ainsi opposé à la morale, et donc à la vocation de la religion et des sites électroniques. « Le fanatisme est une anomalie et le reste, quand bien même il parvient à se faire entendre », a-t-il souligné. Il a appelé à « ne pas condamner la religion à cause des sites électroniques fanatiques ». Ceux-ci sont autant une perversion de l'usage de la Toile qu'une dénaturation de la religion. Le juge a relevé dans ce cadre la sensibilité d'insérer le thème religieux sur les sites électroniques. « L'islam officiel a toujours été plus lent, plus réticent sur le terrain de la communication électronique. L'absence d'objectifs clairs qui guident l'interaction des autorités religieuses avec le monde virtuel en est l'une des raisons », a-t-il fait remarquer.

Défaillances techniques des sites religieux
Ces hésitations semblent absentes de la stratégie de l'Église. Se prononçant au nom du Rassemblement des sites électroniques chrétiens, le sous-diacre Antoine Gerges a ainsi affirmé « l'importance, aux yeux de l'Église, de l'usage des nouveaux médias, comme langage d'anoblissement de l'homme ».
Mais dans son évaluation de « la qualité technique des sites électroniques et les moyens de les mettre au point », Marianne Antoun a mis le doigt sur « la faiblesse technique des sites religieux, en dépit de la nécessité de ces sites aux yeux des autorités religieuses ». En termes de chiffres, « sur 7 000 sites électroniques libanais, 120 sont des sites religieux chrétiens, tandis que le nombre de sites musulmans n'est pas cernable, à défaut de statistiques », a-t-elle souligné. « De nouvelles stratégies, modernes et efficaces, s'imposent », a-t-elle conclu.
Les intervenants se sont ainsi entendus sur « l'utilité d'une éventuelle collaboration entre les sites électroniques musulmans et chrétiens ». Cette collaboration serait de « nature technique », souligne à L'OLJ Katia Raya, qui en exclut tout objectif de régulation, celle-ci étant « susceptible de paver la voie à la censure, chose que nous refusons catégoriquement ».

 

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commentaires (1)

".... a ainsi annoncé le recteur de l'USJ devant des figures académiques, médiatiques et militaires...." ! Des militaires ? Qu'est-ce qu'ils fichent, même ici, ces militaires-là ? !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

12 h 52, le 04 juin 2015

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Commentaires (1)

  • ".... a ainsi annoncé le recteur de l'USJ devant des figures académiques, médiatiques et militaires...." ! Des militaires ? Qu'est-ce qu'ils fichent, même ici, ces militaires-là ? !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 52, le 04 juin 2015

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