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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Plus l’EI se rapproche des frontières turques, plus il faut s’attendre à une confrontation militaire avec la Turquie

L'axe Riyad/Doha/Ankara aide et coordonne les groupes rebelles, comme al-Nosra dans le Nord syrien.

Capture d’écran de la une du journal turc « Cumhuriyet » du 29 mai 2015 avec une photo des armes qui avaient, selon le quotidien, été destinées début 2014 aux rebelles syriens.

Ce qui n'était que rumeurs ou accusations depuis plus d'un an est aujourd'hui une quasi-certitude : c'est en tout cas ce qu'affirme le quotidien turc d'opposition Cumhuriyet. Celui-ci a en effet publié vendredi dernier des photos montrant des armes et des munitions dissimulées sous des médicaments dans des camions turcs officiellement humanitaires et en direction de la Syrie. Le convoi a d'ailleurs été intercepté début 2014 par la gendarmerie turque près de la frontière. L'affaire a vite dégénéré lorsque des documents officiels publiés sur Internet ont montré que ces véhicules appartenaient en réalité aux services de renseignement turcs (MIT) et que leur contenu était destiné aux rebelles islamistes syriens. Depuis, le gouvernement a ouvert une enquête qui a déjà abouti au placement en détention d'une cinquantaine de personnes, gendarmes, militaires ou magistrats... impliqués dans l'interception du convoi, et non dans l'envoi d'armes, comme on pourrait le croire.

Peu d'éléments de réponse ont été apportés depuis ce scandale : le gouvernement turc arme-t-il oui ou non les rebelles syriens ? Si oui, lesquels ? D'après Lina Khatib, directrice du Carnegie Middle East Center (CMEC) à Beyrouth, la Turquie n'arme pas les groupes rebelles islamistes syriens, et encore moins le groupe État islamique (EI), mais « facilite le passage d'armes envoyées de l'étranger ». « Les armes ne sont pas turques ; d'ailleurs, la Turquie s'oppose à l'EI, mais soutient les rebelles islamistes », précise la spécialiste.
Ce scandale éclate alors que l'EI gagne de plus en plus de terrain en Syrie, notamment dans le Nord où il se rapproche de plus en plus de la frontière syro-turque. À se demander si le groupe jihadiste a un objectif précis ou cherche simplement à grignoter un maximum de terrain. Pour Mme Khatib, l'EI a tout intérêt à se rapprocher de la frontière tout simplement parce que « c'est un passage important pour les combattants arrivant en Syrie depuis la Turquie ». Ankara ayant resserré la vis aux postes-frontières pour faire tarir le flot d'aspirants jihadistes déferlant des quatre coins du globe, il est cohérent, pour la chercheuse, que l'EI se rapproche pour cueillir ceux qui traversent illégalement la frontière pour rejoindre ses rangs.

 

(Lire aussi : De quoi l'islamisme est-il encore le nom ?)

 

Cellules dormantes de l'EI en Turquie
La Turquie ne saurait se contenter d'observer ces allers-venues sans réagir : plus l'EI se rapproche des frontières de son territoire, plus il serait logique de s'attendre à ce qu'il y ait, éventuellement, une confrontation militaire quelconque. La Turquie « fait de son mieux pour éviter d'être militairement entraînée dans le conflit syrien », juge la directrice du CMEC, ajoutant que l'EI a probablement plus à gagner en grignotant des parcelles de territoires que de se lancer dans une guerre ouverte avec un voisin aussi puissant que la Turquie, sans compter qu'il perdrait un précieux point de passage pour ses recrues. Néanmoins, une opération quelconque aura bel et bien lieu, quelle que soit sa nature, prédit la chercheuse. « Ankara va sûrement renforcer ses postes-frontières du point de vue militaire, y mettre plus de troupes, etc. En outre, l'EI a des cellules dormantes un peu partout dans de nombreux pays, et il y en a certainement en Turquie ». Il suffit d'un ou deux individus, simples sympathisants ou plus, pour constituer ce genre de cellule, capable d'organiser un attentat meurtrier et de mener des opérations terroristes.
Parallèlement, plusieurs sources font état depuis quelque temps d'une entente tacite entre l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie concernant une aide aux rebelles, ce que confirme Lina Khatib. « Effectivement, dans le Nord syrien, les groupes rebelles comme le Front al-Nosra et Ahrar al-Cham reçoivent des armes du Qatar et de l'Arabie à travers la Turquie, et le Qatar se charge de la coordination. » Par « coordination », il faut entendre « orientation » : Doha guide par exemple al-Nosra sur la meilleure manière de paraître moins « extrémiste » que l'EI et de se démarquer d'el-Qaëda. Histoire de paraître plus légitime, certainement. Mais si la Turquie poursuit, et augmente, son aide à ces groupes, qui affrontent aujourd'hui l'EI, il n'est pas certain qu'elle puisse échapper longtemps aux contrecoups de ce qui est au final une ingérence, même indirecte. À force de secouer un nid de guêpes...

 

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Ce qui n'était que rumeurs ou accusations depuis plus d'un an est aujourd'hui une quasi-certitude : c'est en tout cas ce qu'affirme le quotidien turc d'opposition Cumhuriyet. Celui-ci a en effet publié vendredi dernier des photos montrant des armes et des munitions dissimulées sous des médicaments dans des camions turcs officiellement humanitaires et en direction de la Syrie. Le convoi a...

commentaires (2)

CONFRONTATION MILITAIRE DES TURCS... AVEC QUI ? OU BIEN SE SERVANT DE CAUSE POUR ATTAQUER LEUR HONNI PLUTÔT...

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 01, le 02 juin 2015

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Commentaires (2)

  • CONFRONTATION MILITAIRE DES TURCS... AVEC QUI ? OU BIEN SE SERVANT DE CAUSE POUR ATTAQUER LEUR HONNI PLUTÔT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 01, le 02 juin 2015

  • Quoi que fasse la Turquie elle va finir comme l'Iraq et la Syrie. C'est une question de temps.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 39, le 02 juin 2015

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