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Moyen Orient et Monde - Blocus de Gaza

Cinq ans après l’agression contre la flottille, comment briser l’impunité d’Israël ?

Zohra Mahi, avocate et auteure du livre « Israël, itinéraire sanglant d'un État voyou », et Thomas Sommer Houdeville, doctorant et militant qui a pris part au convoi humanitaire en 2010, reviennent sur les implications du blocus de Gaza et les évolutions à entrevoir.

Le Mavi Marmara, le 26 décembre 2010, à Istanbul lors de son retour après l’attaque israélienne dans les eaux internationales. Photo archives AFP

En 2010, la marine israélienne lance une attaque meurtrière contre une embarcation humanitaire et civile venue briser un blocus imposé aux Palestiniens depuis plusieurs années contre Gaza. Cinq ans après l'agression israélienne contre la flottille de la paix, les mémoires restent encore vives. Pourtant, jusqu'à ce jour, cette violation flagrante du droit international n'a entraîné aucune conséquence pour Israël et la justice internationale ne s'est pas prononcée sur l'illégalité d'un blocus inscrit dans le dispositif de sanction collectif de tout un peuple. L'adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale augure-t-elle d'un changement significatif pour permettre une avancée sur ce terrain ? Quel impact a aujourd'hui l'action des militants de la justice qui organisent le boycott économique et culturel de l'État d'Israël ?

Depuis l'été 2006, la petite enclave palestinienne où s'entassent un million huit cent mille personnes et dont la densité de population reste la plus élevée au monde vit sous blocus. Ce blocus est hermétique depuis l'automne 2007, décision israélienne faisant suite au démantèlement par le Hamas des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne et sa prise de contrôle dans la bande de Gaza.

Si pendant longtemps, le Hamas a pu s'organiser et se structurer dans l'indifférence des forces d'occupation lorsqu'il s'agissait d'affaiblir les organisations de la gauche palestinienne dans une stratégie de diviser pour mieux régner, il est aujourd'hui présenté par Israël comme une organisation terroriste. Et c'est au nom du droit à la sécurité d'Israël victime des actes terroristes du Hamas que le monde est sommé d'accepter sans restriction les punitions collectives et les souffrances quotidiennes infligées aux Gazaouis qui vivent dans un état de dénuement et d'impuissance totale. Le blocus est en effet responsable de l'étranglement de la population et de la mise à genoux de l'économie. Les restrictions d'accès aux terres cultivables et à l'eau, la limitation des zones de pêche, le prix élevé des biens de consommation, la pénurie de produits et l'interdiction des échanges commerciaux avec la Cisjordanie ont eu des conséquences graves sur l'ensemble de la population, fortement dépendante de l'aide humanitaire.

(Pour mémoire : Le Hamas reste une « organisation terroriste » pour l'UE, malgré une décision de justice)


Dans une publication de février 2015, l'organisation humanitaire Oxfam rapportait qu'en raison des offensives à répétition et des années de blocus « plus de 800 000 camions chargés de matériaux de construction seraient nécessaires pour construire les habitations, les établissements scolaires, les structures de santé et autres infrastructures dont les Gazaouis ont absolument besoin. Pourtant, en janvier, seulement 579 camions de matériaux sont entrés dans la bande de Gaza – encore moins que les 795 du mois précédent ». Elle précise également que si la situation actuelle persiste, le processus de reconstruction de la bande de Gaza nécessiterait plus de 100 ans, préconisant la fin du blocus comme seule solution. Outre l'extrême précarité de leurs conditions matérielles, les Gazaouis sont également privés de leur liberté de circulation. La propagande, qui rapporte que Gaza n'est plus occupé depuis le démantèlement des colonies israéliennes et leur relogement en Cisjordanie en 2005, passe sous silence l'interdiction imposée aux Gazaouis de se rendre dans le reste de la Palestine, l'absence de contrôle de leur espace maritime et aérien, leur confinement dans une enclave qui contribue ainsi à maintenir une occupation de fait. C'est dans le but de déconstruire cette propagande et rapporter le drame quotidien des Palestiniens, les frustrations psychologiques et sociales, que l'avocate Zohra Mahi a écrit le livre Israël, itinéraire sanglant d'un État voyou.

« Crime contre l'humanité »

« J'ai eu l'idée de ce livre quand j'ai appris que mon voisin libanais était un grand admirateur d'Ariel Sharon, le boucher de Beyrouth, je voulais qu'au-delà de ce regard libano-centré, il puisse avoir une vue d'ensemble, pour saisir la réalité palestinienne. Mon but était de recenser dans ce livre toutes les souffrances qu'endurent les Palestiniens », explique Me Zohra Mahi. Elle emploie la qualification juridique de crime contre l'humanité pour parler du blocus de Gaza, rappelant qu'avant l'adhésion formelle de la Palestine au statut de Rome de la Cour pénale internationale, les plaintes ne pouvaient être traitées par la CPI. « J'ai déposé plainte le 14 février 2009 après l'opération plomb durci, le procureur ne pouvait étudier la plainte au motif que la Palestine était une entité observatrice, mais non un État reconnu. » L'adhésion à la CPI et la signature de Mahmoud Abbas de la déclaration de compétence permet que la CPI se penche sur toute plainte en provenance de partis, de responsables politiques, de citoyens, s'estimant victime de la politique israélienne, et le chef de l'Autorité palestinienne n'est plus en mesure de bloquer ces plaintes.

(Lire aussi : La reconnaissance de la Palestine, une carte diplomatique et essentiellement symbolique)

Mais Thomas Sommer Houdeville, doctorant et militant, explique qu'un changement global n'interviendra pas dans l'immédiat : « Le blocus est illégal et a été reconnu comme tel par un certain nombre de gouvernements, dénoncé par les Nations unies, mais Israël dispose d'énormément de soutiens qui font blocage dans toutes les instances internationales pour éviter de juger sa politique criminelle. » Une condamnation qui serait morale et symbolique sans qu'elle n'entraîne de sanctions réelles. En revanche, comme l'explique M. Houdeville, « Israël perd de sa légitimité et la pression populaire dans le monde à travers le boycott économique et culturel est de plus en plus forte pour mettre Israël au ban des nations. Cela se retranscrit au fur et à mesure dans les instances internationales. Mais il faudra du temps afin que ce changement se traduise au niveau des politiques institutionnelles. L'organisation du Boycott de l'Afrique du Sud sous apartheid a nécessité presque 30 à 40 ans. Quoi qu'il en soit, ces actions sont un coup de massue, car c'est bien un mur que l'on essaie d'abattre aujourd'hui. La flottille ne fera peut-être pas tomber le blocus cette année, mais sans la flottille, il ne tombera pas ».

Cet avis est partagé par Me Mahi, qui explique que la mobilisation n'est pas visible parce qu'elle n'a pas de relais officiels dans les États occidentaux. Néanmoins, « la donne est en train de changer dans les esprits. Mon livre, que personne n'a voulu éditer, que j'auto-édite n'est en vente dans aucune librairie et pourtant je reçois beaucoup de demandes émanant de personnes qui ont la curiosité et veulent savoir », conclut-elle.


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commentaires (2)

SI CETTE IMPUNITÉ ÉTAIT UNIQUEMENT POUR LEUR INTERVENTION CONTRE LA FLOTILLE... MAIS QU'EN EST-IL DES EXACTIONS CONTRE LE PEUPLE PALESTINIEN ?

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 15, le 01 juin 2015

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Commentaires (2)

  • SI CETTE IMPUNITÉ ÉTAIT UNIQUEMENT POUR LEUR INTERVENTION CONTRE LA FLOTILLE... MAIS QU'EN EST-IL DES EXACTIONS CONTRE LE PEUPLE PALESTINIEN ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 15, le 01 juin 2015

  • C'est une mission impossible que d'obliger Israel à se mettre dans la l'égalité ... on a trop d'exemples ou Israel dicte sa loi en ignorant les lois internationales et ses nombreuses condamnations de l'ONU jamais appliquées. D'après le dernier grand discours "blabla" de HN , il va s'en occuper !!! Gaza attend le débarquement du Hezbollah !!! hé hé !!!

    FAKHOURI

    14 h 17, le 01 juin 2015

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