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Moyen Orient et Monde - Proche-Orient

Vingt ans ou presque après, l’« autisme diplomatique » de Netanyahu intact

Que ce soit par rapport à la colonisation ou au dossier palestinien, le Premier ministre israélien n'a jamais dévié de sa ligne politique ni de celle de ses prédécesseurs depuis les accords d'Oslo.

« La seule chose sur laquelle tout le monde est d’accord, qu’on l’apprécie ou pas, Benjamin Netanyahu ne laisse personne indifférent. » Ronen Zvulun/Pool/AFP

Voilà dix-neuf ans déjà que Benjamin Netanyahu a été élu Premier ministre pour la première fois en Israël. En presque deux décennies, la situation au Proche et au Moyen-Orient a considérablement changé. La région a vu de nouveaux conflits éclater et s'inscrire dans la durée, des dirigeants déchus, des soulèvements populaires historiques se succéder, etc. Dans cette tempête, seule une poignée d'hommes d'État ont réussi à se maintenir au pouvoir tout en restant fidèles à eux-mêmes. « Bibi » Netanyahu en fait partie.
Profondément influencé par sa famille – son grand-père était rabbin et son père, un historien ultrasioniste – le Premier ministre, et par la suite son parcours politique, a été profondément marqué par la mort de son frère Jonathan. Ce dernier fut le seul soldat israélien tué en 1976 lors du raid de l'aéroport d'Entebbe, en Ouganda, qui avait pour but de libérer des passagers pris en otage par deux Palestiniens et deux Allemands après le détournement de leur avion. La question de la sécurité et du terrorisme devient alors primordiale pour l'étoile montante du Likoud, qui gravit rapidement les échelons avant d'être nommé ambassadeur d'Israël à l'Onu dans les années 1980 puis élu député à la Knesset.


Avec sa première élection au poste de Premier ministre en 1996, « Bibi » devient le plus jeune chef de gouvernement de l'histoire d'Israël et le premier à être né après la proclamation de l'indépendance en 1948. Depuis, il fait preuve de constance et de consistance dans quasiment tous les dossiers « chauds » de la politique intérieure, régionale et internationale israélienne.
« Benjamin Netanyahu ne s'est jamais inscrit en rupture par rapport à la politique de ses différents prédécesseurs. Dans la séquence dans laquelle on est depuis les accords d'Oslo, donc depuis 1993-1994, il y a une continuité dans la politique israélienne à plusieurs niveaux », estime Julien Salingue, doctorant en sciences politiques et spécialiste du Proche-Orient. « Il y a un mythe selon lequel dans les années 1990, il y a eu une accélération de la colonisation avec M. Netanyahu, ce qui n'est pas le cas ; pendant le mandat de Yitzhak Rabin (1992-1995), on a plus colonisé » que sous « Bibi », ajoute-t-il, expliquant qu'il y a eu des phases d'accélération et de ralentissement du processus sous les mandats de tous les chefs de gouvernement israéliens.

 

« Jusqu'au-boutisme »
Idem en ce qui concerne le dossier palestinien. « Il faudrait quand même chercher pour trouver un Premier ministre qui n'ait pas de politique répressive vis-à-vis de la résistance palestinienne. En revanche, là où Netanyahu se singularise par rapport à certains de ses prédécesseurs, c'est dans son attitude diplomatique », que ce soit face aux Palestiniens ou aux Occidentaux, notamment les États-Unis, relève l'expert. Le leader du Likoud se confine en effet dans une logique de provocation, de « jusqu'au-boutisme » et même « d'autisme diplomatique », estime M. Salingue, reprenant les termes de certains observateurs. Il écoute peu ou pas du tout les revendications occidentales et palestiniennes, ce que la plupart des Premiers ministres l'ayant précédé ont fait, en recherchant des compromis.
« C'est vrai qu'il a un style qui aide les gens qui veulent critiquer Israël à le faire ; mais les problèmes de fond, les changements d'alliances, ne sont pas tellement dus à des individus – en l'occurrence le Premier ministre israélien – qu'au fait que les intérêts changent », estime de son côté Julien Bauer, professeur de sciences politiques à l'Université du Québec à Montréal et auteur d'un ouvrage Que Sais-je ? intitulé Le système politique israélien.
La seule inconstance que relève M. Bauer chez Benjamin Netanyahu remonte à son premier mandat à la tête du gouvernement, dans les années 1990. « Jamais il n'a dit qu'il ne reconnaîtrait pas le droit des Palestiniens à un État, cette idée faisait même partie de son premier programme électoral », rappelle l'auteur. Et d'ajouter : « La seule chose sur laquelle tout le monde est d'accord, qu'on l'apprécie ou pas, c'est qu'il ne laisse personne indifférent. »

 

Moins pragmatique que Sharon
En attendant, relève Julien Salingue, il reste moins pragmatique qu'un Ariel Sharon, « qui savait manier le politique, le militaire et le diplomatique ; après, ce dernier a eu la "chance" d'être aux commandes de l'État hébreu pendant le mandat de George W. Bush aux États-Unis, donc il y avait une convergence de vues ». Car ce serait un euphémisme que d'affirmer qu'il existe une mésentente entre le président américain Barack Obama et Benjamin Netanyahu. Malgré les liens historiques unissant les deux pays, « Bibi » serait, selon le chercheur, capable d'aller jusqu'à la « rupture, en tout cas symbolique », avec Barack Obama, ce qu'il ne s'est pas caché d'afficher en défiant le président américain dans un discours devant le Congrès à Washington.
Après, tempère le spécialiste, il faut situer Benjamin Netanyahu dans « l'évolution plus générale du champ politique israélien : depuis 2001, à chaque élection, il est dit que le gouvernement est plus à droite que tous ceux qui l'ont précédé. Netanyahu est celui qui accompagne le mieux cette "droitisation", et son attitude exprime davantage l'état d'esprit des juifs israéliens qu'une stratégie propre à lui ».
De fait, la société israélienne s'est, au fil des années, de plus en plus « droitisée ». Le premier virage important, d'après Julien Bauer, remonte à l'époque des accords d'Oslo (complétés entre 1993 et 1995). « À cette époque, il y a eu un vent de "messianisme" qui a soufflé sur la société israélienne et tout le monde s'imaginait que des ambassades israéliennes allaient ouvrir dans les pays arabes », rappelle le professeur. Sauf que, relève-t-il, les années qui ont suivi ont vu Ariel Sharon évacuer Gaza, le Hamas prendre le pouvoir dans l'enclave palestinienne et les violences reprendre de plus belle. La méfiance de la très grande majorité des Israéliens s'en est retrouvée accrue, d'autant plus qu'entre temps, la présence du Hezbollah à la frontière nord du pays n'a certainement pas contribué à rassurer la population. « Netanyahu est au diapason d'un nombre croissant d'Israéliens qui ne sont pas prêts à prendre des risques énormes » concernant leur sécurité, conclut Julien Bauer.

 

Schizophrénie, tensions... Netanyahu, l'UE et les USA

Il n'y a pas de rupture avec l'Occident étant donné qu'Israël apparaît pour les pays occidentaux comme un « pôle de stabilité » dans la région, estime le spécialiste Julien Salingue. « Cela dit, il y a une tendance qui monte et qu'on entendait déjà dans l'administration américaine il y a une dizaine d'années, et c'est qu'un soutien inconditionnel à l'État hébreu n'est peut-être pas le meilleur moyen pour les États-Unis de conserver des alliances régionales », remarque M. Salingue.
Il y a une inflexion dans la politique américaine ces dernières années, notamment dans sa politique vis-à-vis de l'Iran. Ce rapprochement se fait au détriment d'Israël. Mais les tensions qui émergent depuis quelque temps vont se poursuivre, notamment parce que les intérêts d'Israël sont quelque peu incompatibles avec ceux des États-Unis. « Paradoxalement, l'isolement progressif de Netanyahu et d'une partie de l'extrême droite israélienne devient la preuve de la justesse de leur politique. Parce qu'ils sont conséquents, ils en ressortent renforcés dans leurs convictions et dans leur isolement », juge le chercheur.
Concernant l'Union européenne, « elle a adopté une attitude totalement schizophrène », affirme pour sa part Julien Bauer. Elle entretient d'excellentes relations économiques et scientifiques avec l'État hébreu ; en même temps, elle critique la politique israélienne et « menace d'imposer un étiquetage sur les produits qui viennent de Cisjordanie ».

 

 

 

 

 

Quelques dates-clés

 


Archives AFP

29 mai 1996 : Benjamin Netanyahu est élu Premier ministre pour la première fois.

 


Paul J. Richards/AFP/Getty Images

2 octobre 1996 : Benjamin Netanyahu serre la main à Yasser Arafat devant le président américain Bill Clinton après des discussions de paix à la Maison-Blanche.

 


Photo Reuters

27 septembre 2012 : lors d'un discours devant l'Assemblée générale de l'Onu, Benjamin Netanyahu dénonce le nucléaire iranien. « Pour comprendre ce que le monde serait avec un Iran nucléaire, imaginez le monde avec une arme nucléaire d'el-Qaëda », lance-t-il alors.

 

 


Photo AFP

10 janvier 2015 : Benjamin Netanyahu participe, aux côtés de plusieurs dirigeants occidentaux et autres – dont le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas –, à la « marche républicaine » organisée à Paris après les attentats meurtriers contre le journal satirique Charlie Hebdo et une épicerie casher.

 

 


Photo Reuters

3 mars 2015 : invité par les républicains, Benjamin Netanyahu s'adresse au Congrès américain, malgré la désapprobation du président Barack Obama. Il critique ce jour-là les négociations menées entre autres par les États-Unis sur le nucléaire iranien : « Cet accord est si mauvais, il ne bloque pas le chemin de l'Iran vers la bombe, il lui ouvre la voie. »

 

 

 

Pour mémoire

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