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Nos Lecteurs ont la Parole - Sabrine BAYSSAT

La justice constitutionnelle dans la reconstruction des États

La renaissance d'un État après une période sombre de son histoire est une étape décisive pour son futur. Il ne faut pas que l'enthousiasme de la transition laisse place à une situation de chaos qui serait fatale pour une véritable sortie de crise.
L'intervention de la justice constitutionnelle est primordiale pour garantir une liaison cohérente entre le passé et l'avenir. Mais si l'adoption d'une nouvelle Constitution est une étape déterminante dans ce cheminement, sa mise en œuvre et son interprétation par les cours constitutionnelles seront la meilleure évaluation de sa réussite ou de son échec. Le rôle de la justice constitutionnelle libanaise en est une bonne illustration.

Liaison entre deux périodes
Décolonisation des États, émergence des pays de l'ex-URSS, indépendances régionales, révolutions du printemps arabe... La liste est longue. Ces événements ont tous un point en commun : ils ont amené des sociétés à se confronter à un tournant de leur histoire, celui de la reconstruction de l'État.
Sortant d'une situation de crise, elles ont été transportées par le désir de faire table rase de l'ancien régime, parfois imposé par un pouvoir dictatorial ou une puissance étrangère, et celui de construire un avenir en harmonie avec les attentes concrètes de la population.
Dans cette période exceptionnelle de transition, entre dérives du passé et désir d'un avenir démocratique, il revient à la justice constitutionnelle de jouer le rôle de liaison entre ces deux périodes.
La Constitution est le pilier du fonctionnement de l'État. Garante des libertés et droits fondamentaux, de la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), de la place de l'armée, des relations entre gouvernants et gouvernés..., son écriture est une des tâches primordiales en période de reconstruction. L'importance de sa rédaction explique les enjeux qui lui sont rattachés.
Deux définitions du verbe reconstruire sont couramment proposées. La première assimile le terme au fait de « rétablir quelque chose dans son état premier », tandis que la seconde définit ce terme comme « imaginer quelque chose autrement ». Comme ces éclaircissements l'illustrent, le défi est celui de savoir s'inspirer du passé, reprendre les anciens textes en les remaniant, ou bien faut-il faire prévaloir la feuille blanche ?
Il en découle tout un flot d'autres questions. Qui doit-on inclure dans le processus de rédaction ? Que doit prévoir la Constitution ? Doit-on rédiger une Constitution de transition ?
Autant d'interrogations déterminantes qui influent sur l'objectif principal qu'est l'appropriation de la Constitution par la population. À chacune de celles-ci pourront être apportées de multiples réponses animant le débat. Mais une chose est sûre, la réponse à chacune de ces questions ne pourra se faire qu'à travers l'utilisation du principe de contextualisation constitutionnelle : « One size doesn't fit all. »
L'appropriation de la Constitution par la population se fait aussi par l'inclusion de celle-ci dans le processus constituant. La transparence des travaux effectués, l'implication des citoyens et de la société civile par le biais de conférences nationales, l'approbation du projet à travers le référendum sont autant de facteurs en faveur de son bon fonctionnement à l'avenir.
Au-delà même de la rédaction, la nécessité d'un bon gardien constitutionnel est sans doute l'enjeu le plus important de toute la démarche transitionnelle. En effet, la rédaction de la Constitution n'est qu'une partie de la transition démocratique. Sa réelle mise en œuvre, ainsi que son interprétation et sa garantie par le juge constitutionnel seront la confirmation que la transition démocratique a bien fonctionné. C'est ainsi que toutes les garanties inhérentes aux cours constitutionnelles (nomination des juges, indépendance, mandat...) doivent être préservées afin que l'instance suprême puisse remplir le rôle qui lui est attribué.

Volets culturel et de bonne gouvernance
Depuis la fin des guerres, le Liban vit encore cette transition. Théâtre de plusieurs conflits, dont les origines mêlent à la fois tensions internes et intérêts régionaux, et victime de nombreuses crises politiques, le Liban essaie tant bien que mal de se reconstruire.
L'accord de Taëf de 1989 marque le début de l'ère de la reconstruction. Résultat de l'épuisement des protagonistes dans l'enlisement des guerres et leur envie d'aboutir à un compromis visant à contenir les violences, il a conduit à une révision de la Constitution ainsi qu'à l'instauration du Conseil constitutionnel.
Aujourd'hui, quarante ans après le début des hostilités, l'heure du bilan est arrivée et celui-ci n'est malheureusement pas à la hauteur des espoirs placés lors de la rédaction de cet accord. Taëf a réussi à rééquilibrer la répartition des pouvoirs, mais c'est l'application qui a maintenu le pays dans un équilibre instable. Sur le plan interne, persistance d'une mentalité triomphaliste, la subsistance du complexe de la Sublime Porte, les déficiences dans la perception de l'État... impliquent des actions en profondeur.
Les garanties fondamentales prévues par le préambule de la Constitution exigent l'extension des attributions du Conseil constitutionnel et l'épuration des législations antérieures en conformité avec les amendements constitutionnels de 1990 au moyen d'une procédure de saisine par voie d'exception.
Devant faire face à un contexte régional défavorable, le Liban se retrouve en perpétuel déséquilibre, ce qui ne favorise pas la mise en place d'une transition sereine.
Beaucoup d'améliorations attendent de faire leur entrée sur la scène politique libanaise, mais aussi et surtout sur celle éducative, car l'avenir du pays réside incontestablement dans la nouvelle génération.

Sabrine BAYSSAT
Doctorante de nationalité française en stage au Liban

La renaissance d'un État après une période sombre de son histoire est une étape décisive pour son futur. Il ne faut pas que l'enthousiasme de la transition laisse place à une situation de chaos qui serait fatale pour une véritable sortie de crise.L'intervention de la justice constitutionnelle est primordiale pour garantir une liaison cohérente entre le passé et l'avenir. Mais si...

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