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Liban - Reportage

« Tripoli n’est pas seulement un champ de bataille »

À l'occasion des Journées du patrimoine national, une visite axée sur la découverte de la culture, des traditions et des monuments historiques de la capitale du Nord a permis à de nombreux Libanais d'avoir un tout autre regard sur cette ville. Un franc succès.

La chorale de l’école secondaire Rawdat el-Fayha’ entonnant avec brio la version islamo-chrétienne de l’Ave Maria. Photos Marie Tihon

« Tripoli se réveille et il est temps que les gens reviennent! » s'exclame joyeusement Rawya Majzoub, organisatrice d'une journée du patrimoine et directrice du Centre d'études supérieures spécialisées en restauration et conservation des monuments historiques.
Le ton est donné. Tripoli est une ville vivante qui regorge d'activités, raison pour laquelle la Direction générale des antiquités (DGA), le ministère de la Culture et le Centre de restauration de Tripoli ont travaillé en partenariat pour organiser « une vraie journée du patrimoine dans tous les sens du terme », déclare Gladys, participante et membre de l'Association de protection des sites et des anciennes demeures (Apsad). Cela faisait des années que Tripoli n'était plus au planning des Journées du patrimoine, mais aujourd'hui, Rawya Majzoub est fière de pouvoir « profiter du calme » et emmener tous les participants à travers cette ville en structure médiévale, riche de son passé historique notamment influencé par la dynastie des mamelouks.Force est de constater que même si certains participants connaissent déjà la ville, pour la majorité, il s'agit de leur première visite. C'est le cas de Dalal qui est ravie de cette première expérience : « J'ai découvert un côté très convivial à Tripoli, loin des combats dont on parle tout le temps, cela donne un autre sens à la ville. » Quant à Thérèse, qui jusqu'à présent évitait de se rendre à Tripoli, elle a voulu saisir l'opportunité de participer à une journée encadrée. « On a pris le risque », dit-elle, loin d'être déçue par l'organisation de cette excursion.

Un accueil chaleureux
En dehors des nombreuses activités prévues tout au long de la journée, ce qui a fait le succès de cette escapade à Tripoli est sans nul doute la découverte du patrimoine immatériel de cette seconde ville du Liban. Rawya Majzoub a fait appel à plusieurs écoles et associations afin de constater l'hospitalité légendaire des Tripolitains et leurs prouesses artistiques : cours de peinture en plein air suivi par des étudiants de l'Institut des beaux-arts, concert de rap et de oud, expositions photographiques et spectacle de derviche tourneur au Centre culturel de Beit el-Fann. En matinée, l'accueil en chanson réservé par les élèves de la chorale de l'école secondaire de Rawdat el-Fayha' dans la tour de Barsbay a également fortement marqué les esprits. « Cette mixité est merveilleuse. J'ai particulièrement apprécié le moment où ils ont tous chanté en chœur la version islamo-chrétienne de l'Ave Maria », fait remarquer, toute émue, une femme du groupe. Les jeunes élèves sont quant à eux enchantés de partager un tel moment avec tous les participants admiratifs devant leur talent.

À travers le dédale du souk, les imposantes mosquées et les superbes façades de madrasas, Tripoli dévoile ses charmes et son histoire. Nombreux sont les participants épris par l'atmosphère très orientale qui émane de cette ville. « Tripoli me fait beaucoup penser à la Syrie avec son architecture de ville arabe où tout est concentré autour de la mosquée, du souk et du hammam », se souvient Maggy tout en dégustant un jazariyé, cette délicieuse pâtisserie tripolitaine à base de potiron.
La pause-déjeuner a lieu en plein cœur du hammam al-Nouri. Tout le monde savoure un moghrabié, tout en écoutant les précisions apportées par la guide sur ce hammam, qui date du XIVe siècle. Elle affirme qu'elle mène un combat pour entamer la restauration de ce magnifique lieu en état de délabrement. Pour mieux sensibiliser les visiteurs à l'utilité de la conservation d'un monument historique, la guide emmène le groupe au hammam Ezzedine, construit en 1294 et fraîchement restauré par la DGA. L'utilisation des techniques traditionnelles a permis de préserver l'authenticité de ce lieu. De même pour le magnifique caravansérail Khan al-Askar récemment restauré.

 

(Pour mémoire : À la découverte du riche patrimoine historique, oublié, de Tripoli)

 

Apprendre à connaître son pays
Carmen, une participante, déplore qu'il n'y ait pas assez de moyens mis en œuvre pour embellir Tripoli et encourager le tourisme. « Il y a encore beaucoup de travail à faire pour restaurer d'autres vieux monuments, mais ce serait très bénéfique pour attirer davantage de touristes », constate-t-elle. Pour Zeina, cette excursion restera inoubliable : « Je suis très contente de cette journée, j'ai appris plein de choses et surtout je suis rassurée... Je reviendrai à Tripoli ! »
Selon Sahar Saïdi, une jeune architecte en restauration et guide volontaire pour l'occasion, c'est un devoir moral que de connaître son pays et l'histoire de sa ville. « Si je suis présente aujourd'hui c'est pour démontrer que Tripoli n'est pas seulement un champ de bataille ! poursuit-elle. C'est une ville avec un vaste héritage culturel où les gens vivent normalement comme dans toutes les autres villes libanaises. »
C'est d'ailleurs dans cette même optique que l'organisatrice Rawya Majzoub, couverte de louanges pour son dynamisme dont elle a fait preuve tout au long de la journée, a souhaité transmettre sa passion pour Tripoli. « C'est une ville où l'on peut rester plusieurs jours. Aujourd'hui on n'en a visité qu'une toute petite partie », explique-t-elle, invitant les participants à revenir à Tripoli, pour lui conférer à nouveau son rôle de deuxième capitale.
« Ce sont des journées comme aujourd'hui qui nous réconcilient avec notre pays », confie Gladys, convaincue par la beauté de cette ville et ravie de la réussite de cette journée du patrimoine.

 

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À la découverte du Liban-Sud


La semaine du patrimoine a été clôturée par une visite à la région de Hasbaya, au Liban-Sud. Une visite symbolique pour la plupart des participants, dans la mesure où la région avait été occupée par Israël jusqu'en 2000. Une occasion qui a réjoui Annie, le temps d'un long trajet en bus : « Je suis heureuse d'être là aujourd'hui, car je ne suis jamais venue. Quand j'étais enfant, la région était occupée et depuis je n'ai pas eu le temps d'y retourner. » C'est le même constat pour Iman, qui explique : « C'est un peu loin, mais nous n'avons pas l'occasion de venir seuls. »
Trois heures de bus, et pourtant les voyageurs ont gardé les yeux ouverts : la traversée de la vallée de Marjeyoun était à couper le souffle jusqu'à Rachaya el-Foukhar, un village de potiers. La poterie a été l'activité principale de la région pendant très longtemps. Aujourd'hui, il ne reste que trois potiers. Les voyageurs ont ensuite repris la route vers la vallée de Kfeir, avant de regagner Hasbaya pour visiter l'ancien château de la famille des Chéhab.

 

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