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Liban - Trois questions à...

Fifi Kallab* sur les contrats de déchets : « Cherche-t-on à nous imposer l’incinération ? »

Mardi, le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk a dévoilé le résultat de l'appel d'offres destiné aux sociétés privées qui aspirent à signer un contrat avec le gouvernement pour le traitement des déchets dans les régions définies par le plan national de gestion des déchets, adopté en janvier dernier. Ce qui a frappé les observateurs, c'est l'absence d'offres pour le Grand Beyrouth et le Metn-Sud, et la rareté des offres pour les autres régions (seule la région Metn-Kesrouan-Jbeil a bénéficié de quatre offres).

Qu'est-ce que cela signifie d'après vous et qu'adviendra-t-il de ce plan national de gestion des déchets ?
Un tel ratage n'est pas étonnant : nous avions critiqué ce plan depuis qu'il a été annoncé, considérant qu'il reflète les intérêts politiques des uns et des autres et n'est fondé sur aucune base scientifique, et les événements nous donnent raison. Il était évident hier que peu d'offres ont été reçues par le gouvernement : aucune pour Beyrouth et le Metn-Sud, et une seule par région pour toutes les autres zones à part celle de Metn-Kesrouan-Jbeil. Cela signifie que les appels d'offres devront en principe être relancés pour toutes ces régions.
Nous avons effectivement été étonnés du fait qu'aucune offre n'ait été présentée pour Beyrouth et ses banlieues, et pour le Metn-Sud, deux régions très peuplées où le travail devait être gratifiant pour de telles sociétés. Cela est de toute évidence dû à une clause dans le cahier des charges, qui oblige le futur entrepreneur à trouver lui-même le site de décharge dans la région dont il s'occupe. Ce qui m'inquiète aujourd'hui est l'élément suivant : si le gouvernement fixe une date limite pour un autre appel d'offres et que celui-ci n'est pas plus fructueux que le premier, les autorités auront alors la latitude de signer des contrats de gré à gré avec des compagnies, avec toutes les conséquences que cela peut avoir au niveau de la qualité des services et des prix. Nous nous demandons même si l'objectif de tout ce manège ne serait pas d'imposer l'adoption de l'incinération, notamment pour Beyrouth (NDLR : beaucoup d'écologistes s'opposent à l'incinération de peur d'émanations nocives et des résidus toxiques).
Pour ce qui est des décharges, les autorités ne pourront certainement pas imposer des sites à la population si celle-ci s'y oppose. Il ne faut pas croire que ces décharges n'accueilleront que les déchets inertes, comme l'assure le ministre de l'Environnement : les déchets organiques seront triés, il est vrai, mais tous les autres, notamment les déchets dangereux, finiront dans les décharges.

Que pensez-vous des offres pour la région Metn-Kesrouan-Jbeil, et craignez-vous que le dépotoir de Hbaline, qui se trouve à Jbeil, ne soit utilisé pour les trois cazas ?
Pour la région Metn-Kesrouan-Jbeil, quatre compagnies ont présenté des dossiers : Arabco (Jihad el-Arab), Lavajet (Azhour) et Khoury (les deux compagnies ont présenté un même dossier), Indevco (Neemat Frem) et Batco (Nizar Younès). Nous ne savons pas laquelle remportera l'appel d'offres en définitive. Mais il est hors de question que nous permettions que le dépotoir de Hbaline soit utilisé pour les trois cazas : il le sera pour Jbeil seulement, et nous comptons surveiller sa gestion. « Nous » signifie un comité formé récemment pour suivre cette affaire, et dont je fais partie, en collaboration avec la Fédération des municipalités de Jbeil, qui a annoncé qu'elle se joignait à notre groupe. Au moindre soupçon de déchets venus d'ailleurs, nous sommes prêts à fermer la route du site.

Que pensez-vous de l'option de délocalisation à l'étranger des déchets mentionnée par le ministre Machnouk à plus d'une reprise ?
Pour moi, il s'agit d'une option à considérer sérieusement. Il est vrai qu'elle a un coût plutôt élevé, mais si on compte les prix que nous payons au Liban, ainsi que le coût de l'impact sur l'environnement et sur la santé, je crois que la différence ne sera pas énorme. En fait, il ne faut pas penser qu'en cas de délocalisation, c'est l'intégralité du tonnage de déchets que l'on envoie ailleurs par bateau. Avec l'établissement d'usines de compostage, il sera possible de transformer les déchets organiques en compost (sorte d'engrais), et par conséquent de réduire le volume des déchets de quelque 60 %. Si l'on excepte aussi les déchets recyclables, qu'on peut trier, il ne restera environ que 20 % du volume total. Il faudra alors compacter les déchets puis les envoyer à destination par bateau.
Il faut préciser que de tels échanges sont régis par des conventions internationales, notamment celles de Bâle (sur le contrôle des mouvements transfrontiers de déchets dangereux et sur leur élimination) et de Stockholm (sur les polluants organiques persistants). Si nous décidons d'envoyer les déchets à des pays qui se respectent, le risque est minimal, pour eux comme pour nous.

*Experte en socio-économie de l'environnement et présidente de l'association Byblos Ecologia.

Mardi, le ministre de l'Environnement Mohammad Machnouk a dévoilé le résultat de l'appel d'offres destiné aux sociétés privées qui aspirent à signer un contrat avec le gouvernement pour le traitement des déchets dans les régions définies par le plan national de gestion des déchets, adopté en janvier dernier. Ce qui a frappé les observateurs, c'est l'absence d'offres pour le Grand...

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