Rechercher
Rechercher

Hibernatus

Un an, c'est bien long pour un pays privé de président de la République. C'est long, surtout pour un pays qui se trouve être le seul de cette partie du monde à réserver traditionnellement – et explicitement – cette haute fonction aux maronites. Et c'est encore plus long et angoissant quand la dramatique perte d'influence des chrétiens du Liban fait pendant, comme par hasard, à l'actuelle et pitoyable déroute des chrétiens d'Orient, pourchassés, massacrés ou poussés à l'exode par les radicaux du jihad.

Un an, c'est bien long, en termes d'hibernation aussi ; même les marmottes se suffisent en effet de quelques mois de léthargie, de bienheureuse inconscience. Dès lors, c'est un doux réveil qu'il faut souhaiter aux députés chrétiens du 14 Mars qui se rendaient en procession hier auprès du patriarche maronite pour clamer que trop, c'est trop, et qu'il est grand temps de rétablir la règle faussée du jeu.

La règle, c'est le président de l'Assemblée lui-même qui lui faisait un sort, dès la deuxième tentative d'élection, avortée pour défaut de quorum. Nabih Berry est le seul détenteur de ce titre au monde à avoir réussi le singulier exploit de barrer, des mois durant, l'accès du Parlement aux élus du peuple. Fort de son palmarès, et plutôt que de lever la première et stérile séance, il décrétait, en souverain arbitre, comme au football, une banale prolongation de match. Ce faisant, il soumettait toutes les séances suivantes à l'exigence originelle d'un quorum des deux tiers de l'Assemblée. Et c'est au vol – Michel Aoun ou personne – que les alliés de Berry saisissaient le ballon, pour s'évertuer à prolonger une impasse sévèrement préjudiciable aux chrétiens du Liban, toutes tendances confondues.

Par quel prodige l'abusive manœuvre a-t-elle pu passer comme une lettre à la poste ? Pourquoi le bureau de la Chambre, qui groupe pourtant les divers blocs, a-t-il acquiescé comme un seul homme ? Pourquoi avoir attendu un an entier pour crier à la triche ? Et croient-ils vraiment, ces députés contestataires enfin sortis de leur incompréhensible torpeur, que la démarche qu'ils se proposent d'entreprendre auprès du président Berry suffira pour que soit retenue la thèse d'un quorum ordinaire (la moitié des membres du Parlement plus un) : solution que commandent aussi bien le simple bon sens que l'esprit de la Constitution ?

Le reproche de laxisme ne saurait être adressé en revanche au patriarche Raï, bien au contraire. Tout au long de l'année écoulée, le cardinal ne s'est pas fait faute, en effet, de distribuer appels, adjurations et parfois réprimandes. À maintes reprises, il a réuni autour de lui les frères ennemis; tour à tour, il a cajolé et tempêté, dénonçant avec une particulière rigueur la perverse pratique du boycottage des séances parlementaires, mais sans aller hélas jusqu'à en désigner publiquement les auteurs.

Signe des temps, le patriarche aura seulement prêché dans le désert des ambitions dévorantes, des obsessions de pouvoir exploitées à fond par les détenteurs du pouvoir milicien. Lesquels n'ont que faire en réalité d'un président.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Un an, c'est bien long pour un pays privé de président de la République. C'est long, surtout pour un pays qui se trouve être le seul de cette partie du monde à réserver traditionnellement – et explicitement – cette haute fonction aux maronites. Et c'est encore plus long et angoissant quand la dramatique perte d'influence des chrétiens du Liban fait pendant, comme par hasard, à...