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Lifestyle - Hotte d’or

Ce que je faisais ? J’aimais (3/4)

Comment vouliez-vous que je vous résumasse les deux premiers épisodes... Surtout que, la semaine dernière, l'actualité cannoise a dynamité la troisième et avant-dernière partie de ce récit que je tenais, que je tiens, particulièrement, à partager avec vous. Mais il le faut. Voilà. Tout a commencé à un dîner chez l'un de mes neveux de troisième degré, un de mes chouchous, Karlounet (Lagerfeld). Nous étions huit, dont un garçon d'à peine 20 ans, Klaus Burkart. La plus belle chose sur laquelle mes rétines se sont posées depuis les jardins suspendus de Babylone. Mue par une diabolique impulsion, comme aiguillonnée par Eros lui-même, je m'étais levée, à peine le repas entamé, comme une possédée, et, trônant en bout de table, j'ai exigé à l'adresse de ce jouvenceau qu'il m'épousât sur-le-champ. Il a eu cette réponse, ignominieuse, sublime, qu'aucun de mes 11 783 amants n'avait jamais osé proférer et qui tenait en un mot, un seul, terrifiant whiplash : impossible. Les convives se gaussaient, poliment. Mon amour-propre, que j'ai toujours tenu à faire reluire, lustrer et magnifier toutes ces décennies, comme la plus stakhanoviste des techniciennes de surface, a longuement gémi de douleur. J'ai réussi, nonobstant, à obtenir carte blanche pour essayer, lui demandant de rentrer avec moi (nous étions dans la Forêt-Noire, juste en dessous du Herzogenhorn) à Beyrouth dans les cinq heures qui suivaient. J'aurais adoré : mon arrière-grand-mère paternelle est de Bint Jbeil, mais je ne peux pas, je dois être au travail demain matin. Soufflée par cet ADN quelque peu libanais, je lui ai demandé, nonchalante, ce qu'il faisait dans la vie. De nouveau, cette réponse que même le scénariste le plus roué, le plus méphistophélique n'aurait imaginée : « Je suis technicien du lait. »
Dans ma tête, je m'apprêtais à sortir le grand jeu : « Viens, moi, je t'offrirai des perles de lait venues de pays où aucune vache ne paît ; viens, mais ne viens pas quand je serai seule, viens dans les étoiles, juste après le grand trou noir, je te montrerai Le Blé en herbe et on oubliera que j'ai cinq fois et demie dix-huit ans, etc. » J'allais parler lorsque j'ai entendu Kate Moss, la princesse Victoria de Suède et Marie Laforêt me dire gentiment que cela ne servait à rien de m'obstiner, que je pouvais avoir qui je voulais. J'ai juste répondu : Ah. Du lait ? J'ai englouti une énième coupe de Veuve Clicquot 1966, pendant que Kris van Assche demandait qui voulait bien assister à son défilé Dior dans une semaine. J'adore Kriss, mais là, je m'en contrefous : je veux épouser ce garçon.
Moi : Klaus, je vous emmène à Bint Jbeil. Nous ferons un gentil pèlerinage sur les traces de téta. Je m'occupe de tout. J'appellerai votre patron. Prenez juste une brosse à dents, et ma main, et laissez-vous faire.
Lui : Ma chère Margot, vous permettez, bien sûr, que je vous appelle Margot, je veux bien être votre joujou, you seem deliciously funny, je suis même convaincu que vous persuaderez mon patron de ne pas me licencier, mais si je prends un avion, c'est pour aller à Caracas avant toute chose. Ensuite, je pourrais envisager Bint Jbeil, ou n'importe quelle ville de votre choix.
Mes neurones dansaient la polka. Par la malpeste. Qu'est-ce qu'il y a à Caracas ? Je connais bien cette ville, j'y ai vécu une très jolie, brève, mais très jolie, histoire d'amour en 1934, avec un ravissant dictateur, Juan Vicente Gómez, mais pourquoi par tous les diables ce jeune dieu veut aller au Venezuela ?
Moi : Pourquoi Caracas ?
Lui : Mon amant y fait ses études.

 

*Lire la Hotte d'or précédente dans notre édition du mercredi 13 mai.

Comment vouliez-vous que je vous résumasse les deux premiers épisodes... Surtout que, la semaine dernière, l'actualité cannoise a dynamité la troisième et avant-dernière partie de ce récit que je tenais, que je tiens, particulièrement, à partager avec vous. Mais il le faut. Voilà. Tout a commencé à un dîner chez l'un de mes neveux de troisième degré, un de mes chouchous, Karlounet...

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