Pour le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, « la mobilisation générale pourrait être bientôt décrétée ». Elle s'impose en tout cas moralement, « la bataille menée contre l'État islamique étant une bataille existentielle », sans limites géographiques. « Le temps de la mobilisation est arrivé », avait-il estimé, dans un discours prononcé vendredi, sur écran géant, devant des cadres du parti et des combattants blessés, à l'occasion de la « Journée du résistant blessé », reproduit par la presse du 8 Mars.
« Et tout le monde peut contribuer à cette mobilisation, même en paroles. (...). Les ulémas doivent parler, de même que tous ceux qui ont un fils martyr... À l'avenir, nous pourrions décréter la mobilisation générale et nous pourrions combattre partout. Nous ne nous tairons plus et nous fixerons dans les yeux tous ceux qui nous critiquent, et leur dirons "vous êtes des traîtres" », avait-il ajouté. Dans ce cadre, il s'en est pris à ceux qu'il a désignés comme étant « les chiites de l'ambassade des États-Unis ». Les qualifiant de « traîtres, de collaborateurs et de stupides », il a affirmé que « nul ne peut ébranler nos convictions. Nous ne nous tairons plus ni ne ménagerons personne ».
Selon lui, « la résistance fait face à quatre options : combattre plus encore qu'elle ne le fait depuis quatre ans ; céder aux massacres de ses hommes et au déshonneur porté à ses femmes ; errer dans l'humiliation, de nakba en nakba, dans les pays du monde ; et enfin, l'option proposée par certains, toutes appartenances confondues, qui se leurrent à l'idée d'une trêve avec les jihadistes ».
Le choix du Hezbollah est donc celui « de combattre pour l'honneur, au risque que la moitié de nous périsse ».
Assumant ainsi jusqu'au bout l'engagement de son parti en Syrie, il a affirmé que « si nous n'avions pas combattu à Alep, Homs et Damas, nous aurions dû combattre à Baalbeck, au Hermel, à Ghazieh et dans d'autres villes (libanaises) ».
Samedi en début de soirée, le Hezbollah a toutefois affirmé dans un communiqué que ces déclarations du secrétaire général avaient été sorties de leur contexte par certains médias, sans donner plus de précisions – quand bien même ces médias sont al-Akhbar et as-Safir, acquis à la ligne politique du parti.
De toute manière, ces propos ont rejailli dans le discours prononcé hier par Hassan Nasrallah à la veille de la fête de la Libération.
Trois thèmes définissent ainsi la nouvelle rhétorique du parti : à la lutte universelle contre l'ennemi sioniste, s'est substitué le combat existentiel contre les jihadistes ; aucune mention n'est faite de quelque victoire en Syrie, ni de quelque affaiblissement du régime ; en même temps, l'unification des rangs est plus que jamais mise en avant et une nouvelle allusion est faite aux « ennemis du parti chiite déguisés en amis » (allusion au président de la Chambre, qui ne répondrait pas à la demande du Hezbollah de lui envoyer des renforts en Syrie ? ).
C'est ce que s'accordent à relever des personnalités chiites indépendantes, dont L'OLJ a recueilli hier les réactions aux propos du secrétaire général du Hezbollah concernant « les chiites de l'ambassade US ».
Un appel à la cohésion
Faut-il lire dans ces propos le signe d'un retour prochain du Hezbollah de Syrie, dont les chiites indépendants paieraient transitoirement le prix, possiblement de leur sang ?
Pour Moustapha Hani Fahs, journaliste, « il est encore tôt d'affirmer que Hassan Nasrallah adresse un message interne à la communauté chiite. Ses propos sont surtout liés à la situation désastreuse en Syrie. Il faut y voir un appel à la cohésion des chiites, à l'heure où la gêne du parti grandit face à certains chiites dont les opinions risquent d'avoir une influence sur les autres ».
C'est d'ailleurs sur la fragilité de cette cohésion que le journaliste Ali al-Amine, rédacteur en chef du site d'informations Janoubia, a mis l'accent dans un entretien à la chaîne Future TV. « La plupart des chiites sont contre l'implication dans une guerre sans horizon, ni victoire, porteuse uniquement d'innombrables pertes. » D'ailleurs, « il est impossible au Hezbollah de remporter une victoire en Syrie sans l'appui de tous les Libanais », a-t-il souligné, reprenant ainsi l'argument sous-tendant les propos de Hassan Nasrallah sur une « mobilisation générale ». « Il me semble que le souhait du Hezbollah n'est pas que tous participent aux combats en Syrie, mais que tous ceux qui ont un avis contraire sur la question se taisent. Malgré la faiblesse que trahissent ces propos, ils adressent une menace à chaque avis différent », a relevé Ali al-Amine.
Les retombées du flou syrien
Préférant « la réflexion à la panique », le journaliste Malek Mroué a fait remarquer « l'opportunité de s'ouvrir aux chiites indépendants, plutôt que de les percevoir comme une menace », notamment lorsqu'il s'agira, pour le Hezbollah, de réintégrer le giron libanais.
Mais pour Hanine Ghaddar, rédactrice en chef du site d'informations Now, « tout ce qui se passe, notamment le rapprochement de l'administration Obama avec Téhéran, se fait au détriment des chiites indépendants ». Plus encore, il serait erroné de parler d'un retour du Hezbollah au Liban. « Ce parti ne retournera jamais au Liban. Il est dispersé dans la région, en fonction des intérêts de Téhéran. Ce sont ces intérêts qui le maintiendront en Syrie, même après la fin du régime syrien », a-t-elle souligné. Mais cela ne signifie pas pour autant un déracinement progressif du Hezbollah du Liban, bien au contraire. « Le Liban demeure sa forteresse », a-t-elle relevé, en réponse à une question. Elle convient en outre que le Hezbollah ressent un changement au niveau de l'allégeance que continuent de lui porter les chiites. « La loyauté des partisans est là, mais elle n'est plus aveugle. Elle est troublée par le flou entourant la situation en Syrie, et surtout par le gris qui continue d'enrober l'opportunité de la participation aux combats en Syrie. Ce qui n'était pas le cas du positionnement antisioniste », a-t-elle souligné.
Autrement dit, les propos de Hassan Nasrallah s'adressent plus aux partisans qu'aux opposants chiites, ces derniers ayant toujours existé, assumant tant bien que mal leur rôle de « chiites de l'ambassade du Liban au sein du mini-État du Hezbollah », pour reprendre le titre du billet publié par le journaliste Mohammad Barakat hier sur le site Janoubia.
Pour Lokman Slim, « il ne fait pas de doute que le mot d'ordre a été donné pour le Hezbollah d'intimider les parties libanaises plus faibles que lui ». L'objectif en est de rappeler à l'ordre « la base idéologisée et de compenser ce que le parti perd en Syrie ». C'est dans ce cadre que s'inscrivent, d'une part, les menaces à peine voilées du secrétaire général du Hezbollah, d'intervenir à Ersal, à défaut d'une intervention de la troupe et, de l'autre, l'attaque dirigée la semaine dernière par le Hezbollah contre le ministre Achraf Rifi et M. Ahmad Hariri, par la voix du député Mohammad Raad, a-t-il souligné.
Au député l'accusant d'être « le leader d'une milice qui a aidé à vider un navire d'armes (par allusion à l'affaire du Lutfallah II) », le ministre Rifi a répondu samedi, lors d'un dîner de l'ordre des dentistes du Nord : « J'appartiens à l'école des grands martyrs et vous paierez le prix de chaque crime que vous avez commis. » Signe que, malgré tout, le Futur et le 14 Mars avec lui dans toutes ses composantes, notamment chiites, refusent de se laisser intimider.
commentaires (9)
CORRECTION ! MERCI : ".... la réaction fakihiste en général d'assurer, que les 14 Sains se liguent avec les zaïîms retors anciens...."
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
07 h 22, le 27 mai 2015