Les Libanais qui comptent sur le début d'un dialogue entre l'Iran et l'Arabie saoudite pour débloquer le dossier présidentiel devront attendre longtemps. Selon une source iranienne à Beyrouth, le conflit entre la République islamique et le royaume wahhabite est encore à son apogée, notamment au Yémen, et rien n'indique que les dirigeants saoudiens « sont redescendus sur terre » et ont commencé à admettre l'échec de leur double offensive, la «Tempête de la fermeté » d'abord, puis le « Retour de l'espoir » ensuite, qui sont, aux yeux des Iraniens, la continuation d'un même projet, celui de porter un coup à l'influence iranienne dans la région.
Selon la source iranienne à Beyrouth, les Saoudiens bombardent le Yémen depuis bientôt deux mois à un rythme accéléré et avec une grande violence, notamment contre les civils, pour quel résultat ? Alors que les Saoudiens avaient affirmé qu'ils veulent éliminer Ansarallah (la milice chiite des houthis) et les chasser de la capitale Sanaa tout en rétablissant au pouvoir le président, selon eux, légalement élu, Abed Rabbo Mansour Hadi, ces derniers continuent à avancer dans le pays. En deux mois, ils ont conquis six provinces au sud et au centre du pays, et avancent dans la province de Ma'reb, au centre-est, dont ils contrôlent désormais 80 %, alors que celle-ci était un bastion d'el-Qaëda, au même titre que la grande province de Hadramout, à l'est du pays.
Toujours selon la source iranienne, l'aviation saoudienne a détruit toute l'infrastructure yéménite, ainsi que tous les hôpitaux du pays. Seuls des hôpitaux installés sous des tentes fonctionnent actuellement. Elle a aussi détruit les casernes de l'armée yéménite et 80 % de ses stocks d'armes stratégiques, mais elle n'a pas touché un seul des dépôts d'Ansarallah, tout simplement parce qu'elle ne connaît pas leur emplacement. Les Saoudiens n'ont donc atteint aucun de leurs objectifs déclarés, ni même leur objectif caché qui était d'installer Abed Rabbo Mansour Hadi à Aden, dans le sud du pays, qui deviendrait ainsi la seconde capitale d'un Yémen de nouveau divisé en deux.
Sachant que le nord du Yémen, dont la capitale Sanaa, a une population en majorité zaïdite (qui constitue un environnement favorable à Ansarallah), alors que le sud et l'est sont en majorité habités par des sunnites. Toutefois, les sunnites de l'ouest et d'une partie du sud sont de rite chaféite (sunnites modérés), alors que ceux de l'est sont wahhabites et proches d'el-Qaëda. D'ailleurs, l'imam des chaféites, cheikh Sahel ben Akil, a déclaré son appui à la « révolution » (Ansarallah). Ce qui lui a d'ailleurs valu une tentative d'assassinat, dont il est sorti indemne...
Selon la source iranienne, la conférence de Riyad destinée soi-disant à amorcer un dialogue entre les parties yéménites s'est soldée par un échec flagrant, au point que le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, a dû voler au secours des Saoudiens en lançant le projet d'une seconde conférence de dialogue entre les parties yéménites, qui se tiendrait à Genève. Mais, comme pour la conférence de Riyad, le groupe Ansarallah n'y est pas invité, à la demande des dirigeants saoudiens. Ce qui permet déjà de prédire son échec, puisque le dialogue doit en principe réunir les parties en conflit, non celles qui sont du même bord.
Au sujet de la conférence de Riyad, la source iranienne révèle qu'elle a été marquée par une série de conflits à plusieurs niveaux. Il y avait ainsi un conflit entre les émirs saoudiens qui refusaient de s'asseoir aux côtés « des simples roturiers yéménites », un autre entre les princes des différents États du Golfe, et un troisième entre les personnalités yéménites, notamment le président « démissionnaire » Mansour Hadi et son ministre des Affaires étrangères Bahhah. Les organisateurs ont passé leur temps à tenter de réconcilier les uns et les autres sur des sujets allant des repas aux hôtels en passant par les questions politiques et militaires. Finalement, la déclaration de Riyad a été oubliée sans avoir été signée par les participants. Ce qui montre bien l'étendue des divergences entre les personnalités présentes dans la capitale saoudienne...
Maintenant, l'Onu prépare la conférence de Genève, mais au train où vont les choses, elle ne semble pas devoir être plus efficace que celle de Riyad. La source iranienne à Beyrouth est catégorique : il ne peut pas y avoir de solution au Yémen sans la participation d'Ansarallah. Or, jusqu'à présent, les dirigeants saoudiens et le président yéménite « démissionnaire » continuent à hausser le ton et les qualifier de « milice négligeable ». Mais, toujours selon la source iranienne, s'il s'agit d'une milice négligeable, comment a-t-elle pu tenir pendant deux mois, en dépit des bombardements intensifs, et continuer à avancer sur le terrain ? « La milice négligeable » a déjà fait tomber trois avions, un hélicoptère américain de type Apache, un avion soudanais et un avion marocain. De plus, contrairement à Daech (le groupe État islamique) qui avait exécuté le pilote de l'avion jordanien qu'il avait abattu en Irak, Ansarallah a remis la dépouille mortelle du pilote marocain aux autorités de ce pays...
De même, alors que l'offensive contre le Yémen boucle son deuxième mois, les tribus yéménites alliées à Ansarallah sont en train d'occuper des positions militaires saoudiennes à la frontière entre les deux pays. Les tribus yéménites racontent à cet égard que les militaires saoudiens ont pris la fuite très rapidement face à l'avancée des combattants venus du Yémen. De plus, les incidents suspects commencent à se multiplier à l'intérieur de l'Arabie saoudite, où, hier, un kamikaze s'est fait exploser dans une mosquée, dans la région à majorité chiite, à l'est du royaume.
Selon la source iranienne, tous ces éléments sont liés et montrent qu'au Yémen, pas plus qu'ailleurs, l'ère des solutions n'a pas encore sonné.
commentaires (7)
les sources anonymes de Mme Scarlett Haddad, autant d'amis imaginaires...
Ashjian Andreas
15 h 56, le 23 mai 2015