Jamais un collaborateur patenté du régime syrien n'avait été pris la main dans le sac, en flagrant délit, dans sa mission de pyromane, résumant dans son acte près d'un demi-siècle de pratiques assadistes au Liban...
Jamais enregistrements publics ne furent aussi accablants pour un homme devenu la honte de la République, un ancien « serviteur » de l'État reconverti en poseur de bombes au service d'une puissance étrangère, se cachant derrière son titre de conseiller officiel pour jouer, en toute impunité, les baroudeurs-plastiqueurs et les semeurs de zizanie.
L'on se souviendra longtemps des cris d'orfraie qu'ont poussés les enfants de chœur de l'alliance des minorités, lorsque les services de renseignements des Forces de sécurité intérieure avaient sauvagement « exécuté » la porte du domicile du criminel en puissance... C'est en revanche un silence obscène, explicite, qui a suivi la diffusion des directives administrées par ce dernier, avec une légèreté éléphantesque et une froideur glaciale, style Dr Petiot, afin d'envoyer « sous la tombe » tous ces cheikhs sunnites... mais aussi des députés, un patriarche et un mufti.
C'est à peine si les archanges de l'alliance des minorités ne se pressent pas d'initier une procédure pour béatifier l'ancien ministre de son vivant.
N'est-il pas, en fin de compte, un preux martyr de la « cause » ? Dans ce climat de crispations et de verrouillages communautaires tous azimuts, un terroriste « laïc », qui plus est chrétien, ne vaut-il pas mieux que les plus modérés des sunnites ?
N'entend-on pas dans certains cercles – c'est la ritournelle préférée dans les milieux chrétiens qui relaient directement ou indirectement la propagande du tandem Hezbollah-Assad – que « les sunnites sont les ennemis des chrétiens » depuis l'aube des temps ?
Dans tout pays qui se respecte, l'espion Milad Kfoury aurait été célébré comme un véritable héros, ne serait-ce que pour avoir sauvé des vies humaines et déjoué un complot terroriste.
Or c'est à peine si, dans ce renversement de toutes les valeurs, dans cette perversion systématique menée par l'axe Damas-Hezbollah-Aoun, Milad Kfoury ne devient pas lui-même le traître de substitution, le bouc émissaire du politiquement correct, voire du servilement correct, à l'égard de Damas.
C'est à peine si le ministre de la Justice, l'ancien patron des FSI, Achraf Rifi, le seul à sortir quelque peu le 14 Mars de son irrémédiable – incurable ? – torpeur, n'est-il pas lui-même déféré en cour martiale pour avoir commis ce formidable crime de lèse-majesté qu'est la dénonciation d'une justice militaire totalement phagocytée par le Hezbollah, et toujours otage de l'ère assadienne.
Pourtant, le bon sens le plus élémentaire ne voudrait-il pas que les prérogatives des tribunaux d'exception, tels que le tribunal militaire, la Cour de justice, voire même le tribunal des imprimés, soient revues ? Est-il impossible de porter la moindre critique à l'institution militaire – surtout lorsqu'elle est manifestement dans l'excès de pouvoir –, sans être immédiatement étiqueté comme un ennemi de la nation et un agent de l'ennemi ? N'est-ce pas ce même tribunal militaire qui a déjà été particulièrement aimable vis-à-vis d'un ancien général aouniste accusé de collusion avec Israël, après avoir été épatant de magnanimité avec un milicien du mini-État coupable d'avoir assassiné un officier-pilote ? Cela ne donne-t-il pas à réfléchir sur le sens des priorités de certains juges-officiers au sein de ce tribunal ? La défense des intérêts supérieurs du Hezbollah et du régime syrien est-elle devenue la Constitution officieuse qui préside à ces jugements ?
***
Il ne faut pas s'y tromper : le verdict rendu par le tribunal militaire dans l'affaire Samaha est l'équivalent d'un 7 mai judiciaire.
Jamais expédition punitive contre l'idéal de justice n'aura en effet été aussi rondement menée, comme du bon vieux temps de l'occupation syrienne du Liban. Contre l'idéal de justice, naturellement, mais aussi contre l'égalité de tous les citoyens devant la loi, et, surtout, contre la souveraineté et l'indépendance du pays du Cèdre.
Combien de nouveaux Michel Samaha, qui gambadent actuellement en toute liberté dans le pays pour satisfaire la soif de carnage de Bachar el-Assad et de ses nouveaux maîtres, seront-ils épargnés grâce à ce précédent ?
Michel Samaha ne s'est-il pas rendu coupable de la plus infâme des hautes trahisons? Qui est suffisamment naïf pour penser que des placebos de justice pourront réparer l'injure au peuple libanais et au vivre-ensemble qui a été faite à travers le verdict du tribunal militaire ? L'héroïsme du peuple syrien face au tyran damascène ne devrait-il pas en inciter plus d'un à se libérer enfin du syndrome de Stockholm ?
Dans l'Histoire du Guerrier et de la Captive, Jorge Luis Borges raconte l'histoire emblématique de Drocton, ce chef de tribu germanique qui « renia les siens », jadis, pour épargner la destruction de la magnifique ville de Ravenne, après avoir été lui-même conquis par la ville et la civilisation.
Tout le monde n'a cependant pas le génie de Drocton et le courage de prendre le parti de la civilisation contre la barbarie.
Certains – et c'est bien pitoyable – préfèrent en effet entrer dans l'histoire par la porte, toute petite, de la haute trahison, en tant qu'hommes liges et que porteurs de faux de l'État de barbarie.
commentaires (8)
Toujours cette obsession morbide de meler le Hezbollah et le général aoun dans les affaires les plus louches .!!! Puis viennent les coups d encensoir de l encenseur à la partie adverse .. Anguille sous roche !!
Hitti arlette
08 h 16, le 24 mai 2015