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Culture - Coulisses d’un opéra

La Tosca, sa dague, ses rugissements et ses roucoulades, à Maameltein

Branle-bas sur les planches du théâtre du Casino du Liban. Coulisses de la « Tosca » de Puccini, importée des Chorégies d'Orange devant quelques élus du métier.
Filage en douce des dernières répétitions pour une soirée unique ce dimanche. Rencontre sur le vif de la scène du meurtre d'un chef de police par une impavide cantatrice amoureuse...

La Tosca, inflexible, poings levés, dague ruisselante de sang, lionne d’amour devant l’Éternel.

On l'avait applaudie en l'an de grâce 2000 au Festival de Baalbeck. Elle revient aujourd'hui la Tosca de Puccini, plus cantatrice impérieuse que jamais, plus tigresse, plus vindicative, plus passionnée, plus meurtrière, plus vulnérable, plus star indestructible. Avec sa voix aux pépites d'or, ses effets de bagues et de parures, ses froufrous de robes, ses décolletés pigeonnants, son port altier, ses mélodies ensorcelantes et son appel de redoutable sirène d'une Rome immortelle...
Au fond de la scène, dardée par les spots, l'Orchestre philharmonique libanais, caché par une grande toile en tulle noire (gracieusement prêtée par Caracalla), est sous la férule de maestro Luciano Acocello. Au-devant, dans un décor basique mais efficace : un bureau empire avec encrier et sceau à cire, une table pour les limites d'une prison et une méridienne couverte d'une étoffe sombre pour toute architecture du palais Farnèse. Pour amplifier rêve, dépaysement, château de Saints-Anges, vitraux d'église et décor, des projections pour un somptueux univers virtuel, insaisissable mais perceptible.
Scarpia en polo rouge et pantalon cool (admirable Nicolas Cavallier, baryton portant beau dans une cinquantaine fringante) et Fiora Tosca (superbe voix d'airain d'Elaine Alvarez), regard de braise pour un jeans noir moulant une silhouette bien rondelette et enveloppée. Dîner qui va tourner au vinaigre et au cauchemar, quand désir et manipulation pourrissent et ne font pas bon ménage. C'est là que la cantatrice éventre un scélérat qui la gruge jusqu'au bout et lui fendra le cœur en tuant son amant, le peintre Cavaradossi.
Dans cette sombre histoire de cœurs, de jalousie, de politique, de fuite, de recherche de la police, de connivence avec un proscrit, de mise à mort au peloton d'exécution (avec de vraies balles et non à blanc !) la rocambolesque trame de Victorien Sardou d'où est tiré le livret s'efface un peu devant la beauté et la force d'une musique qui a mis du temps à triompher et du public et du temps. Aujourd'hui on rêve d'écouter ces deux grands airs qui font frémir et bouleversent d'émotion : Vissi d'arte (j'ai vécu d'art...) de la Tosca et e lucevan le stelle (Quand les étoiles brillaient et la terre embaumait) de Cavaradossi.
À peine terminé ce duo-duel, à peine Scarpia mort et relevé devant une Tosca qui se précipite sur sa petite bouteille d'eau, c'est dans la rencontre expresse qu'on tient les confidences des acteurs-chanteurs phares qui campent tous les deux pour la première fois leurs personnages.
Elaine Alvarez (d'origine cubano-américaine) : « C'est bien la première fois que je tue quelqu'un sur scène. Si c'est le prix de la paix, alors le jeu en vaut la chandelle !, dit-elle dans un grand éclat de rire. Bien sûr la Tosca est une part de moi-même et j'apprends beaucoup de son tempérament qui n'est pas le mien.... J'ai trouvé le Liban un pays merveilleux et hospitalier. J'aimerai que tout le monde le sache ! Et la musique qui coule dans mes veines, c'est à ma mère que je la dois, elle l'enseignante qui m'a tout donné... »
Nicolas Cavallier est un Scarpia bien élégant avec sa stature et son opulente chevelure argentée. Et sa voix aux intonations caverneuses et sombres. « Ce rôle de Scarpia est un cadeau magnifique, dit-il. En tant que chanteur et comédien. À jouer les méchants, il y a là des reliefs et des trésors de richesse pour ces personnages aux tons graves tels Faust, Don Giovanni... Pour ce qui est du Liban, j'ai beaucoup d'amis qui m'en ont parlé... J'aimerai voir beaucoup de ce pays, mais mon séjour est bien trop court. Mais c'est sûr, je verrais Byblos... »
On laisse les chanteurs se gargariser et s'emmitoufler de foulards pour garder et bichonner leur voix, et on passe dans les vestiaires déserts. Mais où sont gardés, dans les loges vides, les costumes prêtés par le Festival d'Avignon et arrangés ensuite par les couturiers? Perruques, bottes, chemises à jabots, canons de dentelle pour les revers de manches, gilets brodés ou à lacets pour les hommes. La Tosca, elle, a deux robes : l'une rose pâle rehaussée de fines perles grises et l'autre en velours bordeaux vif comme pour épouser la couleur du sang qu'elle va verser. Sans oublier des escarpins roses, des bijoux à grosses pierres scintillantes, des voiles en gaze noire et des gants satinés que n'aurait pas déniés Rita Hayworth...Pour le rapin Cavaradossi, pantalon beige-marron en lin et gilet. Pour le machiavélique baron Scarpia, livrée chic en tons d'un gris souris étincelant et un soyeux gilet ramagé en brocard sombre.
Face à la mer, ce dimanche soir, la Tosca, inflexible, poings levés, dague ruisselante de sang, lionne d'amour devant l'Éternel, éprise de chant, la voix tonnante jusqu'au plus lointain horizon, fera trembler les assises des montagnes.
Une Tosca qui a déjà visité le pays du Cèdre et y a pris goût. Écoutez-là. Elle a beaucoup à nous apprendre sur la ténacité des sentiments, la force de se battre et la beauté du moment et de la vie.

 

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Fiche technique

L'Orchestre philharmonique libanais est sous la direction de Luciano Acocello.
Mise en espace : Nadine Duffaut
Tosca : Elaine Alvarez (soprane)
Scarpia : Nicolas Cavallier (baryton)
Cavaradossi : Jean-Pierre Furlan (ténor)
Ainsi que Jean-Pierre Delpos (baryton), Francis Dudziak (baryton) et
Antoine Normand (ténor).

 

*La « Tosca » de Giacomo Puccini, opéra en 3 actes, se donne ce dimanche 24 mai au théâtre du Casino du Liban. L'événement est sous les auspices des Chorégies d'Orange en partenariat avec les Jeunesses musicales du Liban.

 

 

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