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Économie - Protectionnisme

Quand le gouvernement tente d’empêcher un importateur de grignoter le marché des chips

Pressé par les producteurs de chips de défendre leur activité, le ministère de l'Industrie a décidé d'imposer des quotas temporaires aux importations. Une mesure générale qui vise en réalité une cible particulière, accusée de déstabiliser le marché.

Selon une étude du cabinet anglais Canadean, la production libanaise de chips atteignait 4 530 tonnes en 2014.

Depuis un mois, les importateurs libanais de chips doivent désormais adresser au ministère de l'Industrie une demande d'autorisation préalable à l'importation de chaque cargaison. « C'est une mesure temporaire visant à ce que le marché ne sombre pas dans une situation de surabondance au niveau de l'offre, explique à L'Orient-Le Jour le ministre Hussein Hajj Hassan. Elle fait suite à des discussions avec les acteurs de l'industrie locale de chips qui nous ont démontré qu'ils étaient victimes de concurrence déloyale. » L'arrêté ne détermine toutefois pas à l'avance les plafonds des quantités importées. Celles-ci devraient varier à un rythme semestriel en fonction du chiffre d'affaires déclaré par les producteurs libanais, affirme M. Hajj Hassan, sans plus de précisions.
La campagne de lobbying à l'origine de cette décision vise un acteur précis : la société Manyfood qui importe des chips de la marque Lay's, dont la plupart sont produites en Arabie saoudite. Selon une source au ministère de l'Industrie, les importations par cette société auraient crû de plus de 1 000 tonnes sur la seule année 2014, inondant le marché libanais de produits concurrençant directement la production locale sur les étals. Un chiffre contesté par Manyfood, qui avance une hausse annuelle de 30 % à 1 200 tonnes en 2014 et met l'accent sur le caractère conjoncturel de cette hausse. « Il s'agissait de répondre à la hausse de la demande pendant la Coupe du monde ainsi qu'à la diversification récente des produits de la marque », affirme Adel Abi Chaker, PDG de Manyfood.

Demande en hausse
Les principaux producteurs libanais de chips estiment néanmoins que cette concurrence étrangère accrue se traduit par une diminution de leurs parts d'un marché en nette hausse. « Nos ventes sont restées quasiment identiques ces dernières années alors même que l'intensification de l'immigration syrienne s'est traduite par une hausse significative de la demande », se désole Ziad Koussa, responsable marketing et ventes chez Malco Trading. Cette société produit les chips Fantasia, deuxième marque locale du marché (20 %), derrière Master (44 %). « La part de marché de Lay's sur le marché libanais oscille entre 20 et 25 % depuis quelques années », affirme de son côté M. Abi Chaker. Il accuse par ailleurs ses concurrents locaux de minimiser leurs ventes pour justifier leurs revendications auprès du gouvernement. Pour appuyer ses dires, il cite une étude du marché menée en 2014 par le cabinet anglais Canadean qui fait état d'une production nationale de 4 530 tonnes de chips. « En ajoutant à ce chiffre le volume des importations totales de chips – soit 1 488 tonnes valant 7 millions de dollars – et en y soustrayant les exportations – 1 452 tonnes ayant rapporté presque 6 millions de dollars –, la consommation sur le marché local a été de 4 566 tonnes en 2014. Un chiffre supérieur de 50 % aux 3 000 tonnes estimées par les producteurs locaux... »
Au-delà de cette querelle des chiffres, c'est surtout le différentiel de compétitivité entre les belligérants qui est au cœur de la bataille. Manyfood affirme réaliser la moitié de ses ventes au Liban avec les chips « classiques » de Lay's – vendues au même prix (environ 500 livres pour un paquet de 40 g) que celles des marques locales – et l'autre moitié sur des chips de gamme supérieure. Et ce malgré les coûts supplémentaires liées à l'importation : par exemple, Manyfood doit s'acquitter de frais de transport de 2 500 dollars par camion délivrant 3 tonnes de chips, d'une TVA de 10 % et éventuellement de droits de douane de 20 % pour certains de ses produits importés de pays non arabes.

Désavantages comparatifs
Côté producteurs et gouvernement, l'affaire est entendue : si l'importateur peut se permettre ses prix sans rogner significativement ses marges, c'est en raison des facilités dont bénéficient ses fournisseurs. « L'Arabie saoudite a les moyens de subventionner sa production qui bénéficie par ailleurs de faibles coûts énergétiques et de transport interne. De son côté, le tissu productif libanais se constitue essentiellement de PME et de TPE qui ne font pas suffisamment d'économies d'échelle pour se permettre de baisser leurs prix », avance la source au ministère de l'Industrie. « Il est vrai que l'industrie saoudienne bénéficie de multiples avantages comparatifs en termes de coûts de production, mais l'investissement en marketing et en politique de diversification de produits consenti par Lay's est lui aussi considérable. La captation des consommateurs ne relève donc pas d'une concurrence déloyale, mais de la force de frappe commerciale d'une marque qui n'est autre que le leader mondial du marché », explique Adel Abi Chaker.
Un rapport de force défavorable que le ministère de l'Industrie libanais espère compenser par cette mesure protectionniste « temporaire ». Mais ses ambitions ne s'arrêtent pas là : « Certaines usines de chips prévoient d'agrandir leurs installations. Le secteur productif libanais pourrait donc non seulement suffire à répondre à la demande locale, mais serait également apte à générer davantage d'excédents destinés à l'exportation. C'est une perspective prometteuse que le "dumping" étranger risque de faire fléchir s'il n'est pas endigué », assure la source précitée.

Depuis un mois, les importateurs libanais de chips doivent désormais adresser au ministère de l'Industrie une demande d'autorisation préalable à l'importation de chaque cargaison. « C'est une mesure temporaire visant à ce que le marché ne sombre pas dans une situation de surabondance au niveau de l'offre, explique à L'Orient-Le Jour le ministre Hussein Hajj Hassan. Elle fait suite à des...

commentaires (2)

APRÈS LA GUERRE DES PÔLES... LA GUERRE DES CHIPS...

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 51, le 21 mai 2015

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Commentaires (2)

  • APRÈS LA GUERRE DES PÔLES... LA GUERRE DES CHIPS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 51, le 21 mai 2015

  • Personnellement, à qualité égale, je favorise toujours la production locale. Mais en ce qui concerne les chips, il faut reconnaitre que les Lay's (classiques) sont délicieux, alors que la production locale est honnête. Puisque, pour les producteurs, le problème se situe au niveau du prix, ce qui leur reste à faire pour augmenter leurs parts de marché, c'est d'améliorer la qualité de leur produit. Les clients viendront tout seuls. A prix égal, autant acheter un produit qui corresponde plus à ses attentes...

    NAUFAL SORAYA

    09 h 38, le 21 mai 2015

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