Comme l'a dit sayyed Hassan Nasrallah dans son dernier discours, il ne sera pas nécessaire de faire une déclaration officielle, la bataille du Qalamoun s'imposera d'elle-même aux médias. Depuis quelques jours, c'est pratiquement fait, même si les sources proches du Hezbollah refusent jusqu'à présent d'affirmer que l'offensive pour libérer le Qalamoun, annoncée par Hassan Nasrallah après la fonte des neiges, a bel et bien commencé. Les sources proches du Hezbollah révèlent toutefois que le recul des combattants extrémistes se déroule bien plus rapidement que prévu.
La guerre psychologique menée par le secrétaire général du Hezbollah aurait donc porté ses fruits, et en quelques jours, près du tiers (60 kilomètres carrés) du Qalamoun a été libéré des takfiristes. Certes, la bataille est loin d'être finie, mais au train où vont les développements sur le terrain, elle pourrait pratiquement être achevée avant le début du mois de ramadan, vers la mi-juin. Bien entendu, il ne s'agit pas d'occuper l'immense espace montagneux et difficile d'accès que constitue le Qalamoun, mais simplement d'en tenir quelques collines stratégiques qui surplombent les vastes étendues et les placent sous le contrôle de la puissance de feu en provenance des collines. C'est notamment le cas de Jabal Barrouh où se déroulent actuellement de violents combats, de la colline de Moussa et de la colline dite Sadr el-Boustan. Ces collines se situent à 2 400 mètres d'altitude, et elles constituent un objectif pour l'armée syrienne et son allié le Hezbollah.
Avec l'avancée spectaculaire de l'armée syrienne et des combattants du Hezbollah, les quelque 3 000 combattants jihadistes sont en train de reculer, laissant derrière eux des cartes militaires, des armes, des munitions et même des repas cuisinés. L'armée syrienne et les combattants du Hezbollah affirment qu'ils sont en train de trouver des armes sophistiquées, comme les missiles américains Tow (que l'armée libanaise ne possède pas), les missiles russes Kornet et Fagot, ainsi qu'un nombre important de charges explosives et des plaques d'immatriculation libanaises. Cela montre que les combattants préparaient des voitures piégées destinées au Liban.
Mais le plus important, c'est que les combattants jihadistes sont en train de quitter leurs positions en catastrophe et de fuir vers le jurd de Ersal (au moins une quarantaine de kilomètres de montagnes et de grottes en territoire libanais) où ils pensent être à l'abri. Selon les sources du Hezbollah, leur idée est la suivante : Ersal et ses environs étant une région sunnite, elle peut être pour eux « un environnement favorable », et en tout cas, en raison du fragile équilibre confessionnel qui régit le Liban, le Hezbollah ne peut pas y entrer et les combattre dans ce secteur. De plus, comme, selon le partage de facto des tâches le long de la frontière libano-syrienne, c'est l'armée libanaise qui est en charge de ce secteur, les combattants estiment que les soldats libanais ne mèneront pas d'attaque contre eux, d'autant que le commandant en chef de l'armée a déclaré qu'il ne se laissera pas entraîner dans la bataille dite du Qalamoun. Les combattants sont ainsi convaincus que le jurd de Ersal et Ersal peuvent leur servir d'ultime refuge et constituer un moyen d'accès vers l'intérieur libanais, sachant qu'il existe plus de 50 camps de réfugiés syriens entre Ersal et la frontière du jurd, et que les Syriens sont quatre fois plus nombreux que les habitants de la localité.
Si, comme l'indique le début de l'offensive, les combattants du Hezbollah parviennent à repousser les combattants jihadistes dans leurs derniers retranchements, ils finiront par se heurter à « la barrière » que constitue le jurd de Ersal pour des raisons de politique confessionnelle interne. Et à partir de Ersal, le Liban continuera à être menacé face à l'impossibilité pour l'armée de mettre fin à ce danger, faute de feu vert politique. Dans ce contexte, les experts militaires rappellent que cette même logique avait été développée lors de la bataille de Qousseir, et on avait alors dit que le Hezbollah ne pourra pas vaincre les combattants dans cette région sunnite, grâce aussi à son prolongement vers des régions sunnites dans le nord du Liban. Mais cela n'avait pas empêché le Hezbollah de mener la bataille jusqu'au bout et de fermer le passage entre Qousseir et le nord du Liban, mettant ainsi en échec le projet de créer un émirat extrémiste entre Denniyé et Tripoli.
Ce rappel du scénario de Qousseir met toutefois en évidence l'existence d'un véritable problème dans la bataille du Qalamoun qui se concentre dans le jurd de Ersal et les accès à la localité. Pour l'instant, l'armée libanaise affirme tenir toutes les collines et les voies de passage stratégiques vers Ersal, mais est-elle pour autant en mesure de faire face à un flot de combattants surarmés, dotés d'équipements stratégiques modernes qui font défaut à ses soldats et, surtout, prêts à tout pour se trouver un refuge sûr qui leur permettrait plus tard d'élargir leur zone d'influence ? La question se pose pour tous ceux qui suivent de près la bataille du Qalamoun et ses développements. Elle est susceptible de provoquer une violente polémique politique entre le courant du Futur et le Hezbollah, mais surtout, dans le contexte actuel particulièrement délicat, elle pourrait faire voler en éclats le fragile équilibre sur lequel repose le gouvernement. Le Liban est donc plus que jamais dans une phase difficile. D'une part, il ne peut pas laisser les combattants jihadistes circuler librement à sa frontière et fabriquer des voitures piégées destinées à l'intérieur libanais, mais, de l'autre, il n'y a pas de consensus interne pour que l'armée assume sa part de responsabilité dans la protection du jurd de Ersal et de ses environs. Ce problème est encore aggravé par la polémique au sujet des nominations militaires... Un vrai dilemme cornélien dont seul le Liban a le secret.
Pour mémoire
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commentaires (10)
en tt cas que vous me postiez ou non je vais ecrire quand meme, pour ma part le hezb avait 3 objectifs concernant la guerre au qualamoun 1/ essayer d'impliquer le liban par son armee dans la guerre syrienne 2/ redorer son blason par rapport a sa base et relever le moral assez bas ces temps ci 3/ aider le regime assad a rester sur le peu de rail qu'il lui reste cette derniere, j'aimerai preciser que le hezb a bien vendu cette guerre pendant des mois en signalant l'etendu de l'arsenal détenus pour bien faire remonter la peur chez les libanais d'une future guerre jihadiste et ainsi de les laisser faire, mais sinon le qualamoun est bien strategique pour la syrie mais pas du tout concernant le liban !!
Bery tus
19 h 57, le 13 mai 2015