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Liban - TSL

Affaire al-Jadeed : la directrice de l’association Arij invitée par la défense à témoigner

Le tribunal a poursuivi hier l'audition des témoins dans le cadre de l'affaire d'outrage à la cour et d'obstruction à la justice.

Le journalisme d'investigation et les règles qui régissent ce métier étaient au cœur de l'audience qui s'est tenue hier à La Haye dans le cadre de l'affaire Karma Khayat/al-Jadeed, accusés d'outrage à la cour et d'obstruction à la justice. Hier, c'était au tour de la défense de présenter son premier témoin devant le juge compétent en matière d'outrage, Nicola Lettieri.
Rana Sabbagh, directrice exécutive de l'association Arij (Arab reporter for investigative journalism), une ONG chargée de former les journalistes du monde arabe aux techniques du travail d'investigation, a répondu aux questions de l'avocat de la défense, Me Rodney Dixon, puis à celles de l'accusation, représentée par Me Kenn Scott.
Forte d'une longue expérience professionnelle notamment à l'agence Reuters, Mme Sabbagh a pris la tête d'Arij en 2005. L'association collabore avec des journalistes d'investigation de réputation internationale chargés de la formation de journalistes en provenance du monde arabe. Le témoin a affirmé avoir rencontré à plusieurs reprises l'équipe d'al-Jadeed dans le cadre de ces ateliers de travail, ainsi que Karma Khayat, « qui a assisté à plusieurs sessions ».

 

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Parmi les sujets abordés dans le cadre de la formation figurent les techniques du récit, la collecte des faits, ainsi que des questions juridiques et éthiques qui sont généralement débattues en présence d'un avocat, précise la responsable d'Arij.
La dernière session de formation en date à laquelle une équipe d'al-Jadeed a pris part a eu lieu en 2010. Était notamment présent Riad Qobeissi, « l'un des meilleurs journalistes d'investigation dans le monde arabe », affirme le témoin avant de rappeler que M. Qobeissi a obtenu un prix pour une enquête d'investigation sur la corruption au sein du service des douanes au Liban.
« Comment évaluez-vous la réputation de la chaîne al-Jadeed ? » lui demande Me Rodney Dixon. Le témoin n'a pas le temps de répondre. L'avocat de l'accusation, Kenn Scott, s'insurge et l'interrompt pour protester contre le fait que la cour s'attend à des questions concrètes, sur des faits, et non pas à entendre « l'avis » du témoin. La réponse de Mme Sabbagh devient un peu plus nuancée : « Le conseil d'administration d'Arij et moi-même considérons qu'al-Jadeed est une chaîne sérieuse qui a introduit le face-à-face avec des personnes accusées d'irrégularités. » Me Scott conteste à nouveau et considère qu'il s'agit une fois de plus d'une appréciation personnelle.


Au tour de l'accusation de prendre la parole pour effectuer un contre-interrogatoire. D'emblée, Kenn Scott entre dans le vif du sujet. « Les journalistes d'al-Jadeed n'ont aucune excuse pour ne pas appliquer les standards les plus élevés du journalisme, n'est-ce pas ? » « Non », répond le témoin. « Pourquoi selon vous les journalistes du monde arabe ont-ils besoin d'améliorer leurs méthodes de travail ? » lui demande encore l'avocat, dans une allusion claire aux sessions de formation qu'effectue Arij. Ce à quoi le témoin répond en évoquant les multiples obstacles juridiques, politiques et sociaux au Moyen-Orient « qui n'encouragent pas le travail d'investigation », soulignant le risque de l'utilisation des lois dans cette région pour intimider les journalistes.

 

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À plusieurs reprises, Mme Sabbagh assure que dans certains cas, le journaliste peut passer outre les lois et règlements dans ses pratiques et même prendre le risque de finir en prison dès lors que son travail verse dans l'intérêt public. « Cela ne veut pas dire pour autant qu'il doit occulter les règles d'éthique. »
Évoquant une charte d'éthique de la profession du journaliste au Liban, l'accusation cite les règles figurant dans le texte, notamment celle qui a trait à l'interdiction de publier des informations qui incitent au crime ou de chercher à obtenir illégalement des informations. Autant de règles qui peuvent être parfois transgressées, affirme le témoin.
La fin justifie-t-elle les moyens pour le journaliste qui cherche à faire un scoop ?
demande encore Me Kenn Scott. « Tout dépend de l'importance du sujet traité », réplique le témoin, insistant une fois de plus sur la notion d'intérêt public.


Pressée par les questions de l'accusation, Mme Sabbagh finit par convenir du fait que le journaliste doit prendre en considération les conséquences et les effets d'un entretien effectué auprès d'une personne tierce et que la protection (floutage, altération de la voix) sont indispensables dans certains cas pour protéger la personne interviewée.
« Vous avez dit, s'il n'y a pas de source, il n'y a pas de journalisme d'investigation. Et moi je vous dis, s'il n'y a pas de témoin, il n'y a pas non plus de procès », lance Me Scott. Il faisait allusion à la question fondamentale faisant l'objet de ce procès, à savoir qu'en diffusant les informations relatives aux témoins, al-Jadeed les a intimidés. Mme Sabbagh répond : la chaîne n'a pas consulté Arij avant de diffuser l'entretien avec les témoins en question.

 


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