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Culture - Festival

Chaque réfugié (du monde) dans sa lumière

À l'occasion du « Printemps de Beyrouth », organisé par la Fondation Samir Kassir, l'artiste libano-palestinien alaa minawi (sans majuscules : il y tient) présente « my light is your light... » (ma lumière est ta lumière), une œuvre étincelante en hommage aux réfugiés dans le monde.

Six silhouettes, six réfugiés, autant de lumières, «au-delà d'être réduit à des chiffres, d'être un fardeau ou de constituer une menace ». L'artiste alaa minawi a souhaité mettre ainsi en lumière le sort des millions de réfugiés qui traversent chaque jour frontière et mer, et les montrer pour ce qu'ils sont: des humains oubliés. Son œuvre my light is your light... a élu domicile à Beyrouth sur la fontaine de la place Samir Kassir, à l'occasion du festival dédié au journaliste assassiné, par le biais de la fondation qui porte son nom. Mises en place il y a quelques jours, ces six statues étincelantes, faites de néons, resteront exposées au public jusqu'au 4 juin.

C'est en 2013 que alaa minawi imagine son installation lumineuse, mais c'est en travaillant en tant qu'interprète indépendant que naît son besoin de s'exprimer sur le sort des réfugiés. Pendant trois ans, il travaille quotidiennement avec des familles soudanaises, égyptiennes, syriennes, irakiennes ou encore somaliennes venues trouver refuge au Liban. L'artiste était alors chargé de traduire la dernière interview de ces demandeurs d'asile, avant qu'ils ne reçoivent une réponse finale. Trois heures pour raconter leur vie, de leur naissance à leur exil. « Vous entendez tous ces récits mais, en tant qu'interprète, vous n'avez pas le droit d'interférer ni d'en parler, c'est confidentiel, explique alaa minawi. Pourtant, ces histoires, il fallait les partager, elles sortaient de ces réfugiés comme une aura éclatante. J'ai alors imaginé cette œuvre, dont la beauté contraste avec la brutalité de leurs histoires. »

Les six statues qui illuminent désormais chaque soir la place Samir Kassir ne sont formées, chacune, que d'un seul néon, comme dessinées d'un seul trait. Pourtant, le minimalisme de minawi n'épargne rien. Ni le dos voûté d'un vieillard en fin de vie, ni le pas traînant d'un adolescent tourmenté, ni, non plus, le regard désespéré d'un père qui veut protéger les siens. Dans la fontaine, se reflètent ces six silhouettes, fantômes engagés dans une marche sans fin. « Ces réfugiés sont un test pour l'humanité: si nous ne sommes pas capables d'empathie, alors nous ne sommes rien, estime l'artiste. J'ai envie de leur dire que personne ne peut les discriminer. Je veux leur dire que les choses finiront par s'arranger et qu'ils ne sont pas faibles. »

alaa minawi souhaitait, depuis un certain temps, exposer son installation lumineuse à Beyrouth. Dans ce pays, le sien, qui accueille le nombre le plus élevé de réfugiés syriens dans le monde. Son œuvre leur est dédiée, à eux et aux millions d'autres qui, malgré l'adversité, illuminent le monde de leur aura. Loin d'être pessimiste pour ces familles déracinées, l'artiste, lui-même petit-fils de réfugiés palestiniens, garde espoir. «Je ne crois pas aux tragédies grecques. À la fin de la journée, vous ne mourrez pas, vous survivez. En charriant une kyrielle de traumatismes et de cicatrices mais, au final, ils s'en sortiront.» «J'espère que les gens qui les entourent leur viendront en aide, souhaite alaa minawi. Un réfugié n'a pas seulement besoin de nourriture, mais d'empathie, aussi.»

 

Un artiste naît au monde

 


DR

 

Il y a dix ans, alaa minawi se rêvait informaticien. Aujourd'hui, il est l'un des artistes libanais les plus doués de sa génération.
Né à Beyrouth en 1982, ce Libanais d'origine palestinienne embrasse sa carrière artistique à l'âge de vingt-quatre ans. Touchant tour à tour au cinéma, à la photographie et au théâtre, ce n'est qu'en 2010 qu'il commence à s'intéresser au Lightning design, l'art de faire parler la lumière. Choisie parmi 360 candidatures internationales, son œuvre lumineuse my light is your light... (ma lumière est ta lumière) fera partie des trente installations exposées lors de la troisième édition du Amsterdam Light Festival, qui s'est achevée le 6 janvier 2015. Aujourd'hui, c'est à Beyrouth, sur la fontaine de la place Samir Kassir, que ses six statues lumineuses à échelle humaine ont élu résidence.
Selon alaa minawi, il existe aujourd'hui au Liban, et dans le monde arabe en général, deux courants d'artistes : « Ceux qui parlent de la situation dramatique que vit la région et ceux qui font l'exact opposé, qui se créent un monde fantaisiste pour échapper à la
réalité. »
Avec le spectacle A Piano in my Pillow, qu'il présentait en 2012 aux côtés du musicien Vladimir Kurumilian, alaa minawi confirme son talent d'artiste, mais dans un courant bien précis, celui d'un monde merveilleux dans lequel il peut s'échapper. « Mais ensuite, je ne pouvais plus fuir », explique-t-il. Avec la crise des réfugiés syriens devenue si dramatique, la réalité finit par le rattraper et son art change de sens. « Ce sont des gens avec qui je me sentais lié », raconte ce petit-fils de réfugié. Pour rendre hommage à ces familles déplacées, il imagine alors my light is your light..., qu'il réalise initialement pour les Syriens, mais qu'il dédie aujourd'hui à l'ensemble des réfugiés de la planète, soit 50 millions de femmes, d'hommes, de grands-parents et de petit-fils.

 

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