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Culture - Spectacle

Enfants du rock, du tarab ou du rap, tous unis par le jazz

Dix artistes, triés sur le volet par Tarek Yamani, se sont produits au Music Hall dans le cadre de la soirée « Beirut Speaks Jazz ». L'affiche était alléchante, les prestations de qualité, mais la frustration bien réelle.

Tarek Yamani.

Pour la troisième année consécutive, Tarek Yamani invite ses amis musiciens à faire découvrir leurs chansons, ou reprises respectives, sur des arrangements jazzy. Ici tout est question d'échange musical, loin de tout esprit de compétition. Dans la manière dont il arrange les morceaux, le talentueux jazzman cherche à faire briller les performers, chacun à sa manière. « Il peut y avoir de grosses différences d'expérience, de maturité, de style ou de technicité, mais sur scène, il n'y a rien de tout cela, tout disparaît. Tout ce qui reste, c'est de la musique pure », confie Tarek Yamani, quelques minutes avant le début du show et après une journée faste en préparatifs.

Beyrouthin de naissance, new-yorkais d'adoption, le jazzman se soucie des derniers réglages. Il demande, poliment, la permission de s'absenter quelques minutes, le temps de vérifier l'éclairage de la scène, avant de revenir essoufflé. « Je ne pensais pas que Beirut Speaks Jazz allait devenir une tradition!», lance-t-il, mi-étonné, mi-fier. « Lorsque naît, sur scène, cette alchimie entre des musiciens qui ne se connaissent pas et qui viennent d'univers musicaux différents, c'est magique», assure celui qui cherche à garder les traditions jazziques bien vivantes dans la capitale libanaise. Et s'il devait associer Beyrouth à un titre du répertoire immortel des notes bleues ? La réponse fuse, bizarrement inattendue : « Harmonique, de John Coltrane. » Explications : « J'ai écouté l'album Coltrane Jazz tellement de fois, en voiture, quand je commençais à peine à découvrir le jazz. En écoutant Harmonique, j'imagine tout de suite les rues de Beyrouth », glisse le maître de cérémonie d'un soir avant de s'éclipser rapidement dans les loges.

Mode « shuffle »
Dès 21h30, tour à tour, un peu à la manière d'une audition, se succèdent alors les performeurs. Chacun vient avec son univers musical qui lui est propre. Le rock pour Wassim Bou Malham (du groupe Who Killed Bruce Lee), le rap pour Rayess Bek et Edd Abbas, le tarab pour Aziza ou encore le blues pour Chady Nashef. Le décontracté et souriant Ziad Ahmadieh ouvre le bal avec son oud, avant que Poly ne caricature Marilyn Monroe. Robe, boucles d'oreilles étincelantes, gants noirs, la chanteuse livre une version très personnelle de Strange Fruit de Billie Holiday. Un cri masculin – qui rappelle celui du loup voyant apparaître Le Petit Chaperon Rouge sur scène dans Tex Avery – émerge du fond de la salle. La jeune chanteuse veut prouver l'étendue de sa voix, mais impressionne davantage lorsqu'elle se met à rapper sur le dernier couplet.

Le chant mélancolique de Issa Ghandour, sa voix puissante et ses yeux pétillants conquièrent le public. La reprise jazz de la très actuelle 3am behkeh bil soukout (Je parle en silence) de Rayess Bek, les performances vocales de Ranine Chaar, de Tania Saleh, ou encore le magnétisme de Aziza plaisent aussi beaucoup. Mais c'est le barbu Chady Nashef qui détone ce soir. Il mitraille les cordes de sa guitare avec ses doigts puissants et joue un blues à la Santana. Même ceux qui ont déjà maudit les solos interminables se font emporter lorsqu'il fait crier sa guitare.
Véloce, précis, concentré et habité, Tarek Yamani accompagne ses invités avec la même bienveillance et la même agilité. Le jeune Libanais prouve une nouvelle fois son éclectisme et clame son amour de la musique. Mais Beirut Speaks Jazz frustre et déstabilise tant les performances des artistes s'enchaînent à un rythme « stakhanoviste ». On aimerait moins d'artistes sur scène, mais passer un moment plus long avec eux, se poser, respirer. Non pas avoir l'impression d'avoir activé le mode shuffle de son MP3.


Trois artistes, trois questions, trois réponses

Que trouvez-vous dans le jazz que vous ne trouvez pas dans votre musique ?
Tania Saleh – Chaque style a son charme, mais le jazz est pour des personnes qui ne sont pas prêtes à avaler de la musique fast-food. Cette musique vous fait aimer les instruments en vous faisant découvrir toutes leurs capacités.
Edd Abbas – Le jazz a joué un rôle énorme dans la construction du hip-hop, sachant que le hip-hop a commencé avec des samples de funk, jazz et de blues. Aussi, j'appartiens au groupe hip-hop FareeQ el-Atrash, et notre musique est largement influencée par les précédents genres musicaux. Le jazz m'a toujours entouré. D'ailleurs j'ai joué avec des musiciens jazz locaux comme Raffi Mandalian (qui participe à cette édition de Beyrouth Speaks Jazz) et Arthur Satyan.
Aziza – L'habileté à improviser vocalement, faire en sorte que la voix devienne un véritable instrument en elle-même. Je trouve aussi que le jazz apporte un aspect jovial avec chaque performance.

Qu'est-ce que vous aimez le plus dans le jazz ?
Edd Abbas – Définitivement son aspect imprévisible.
Tania Saleh – J'adore l'improvisation. Je suis intriguée par l'inconnu, par les mélodies et les rythmes qui sont imprévisibles. Cela peut permettre de mieux comprendre la personnalité et les émotions de certains musiciens.
Aziza – C'est l'aspect éternel qui me plaît dans le jazz. Dans les grands albums de jazz, on découvre toujours quelque chose de nouveau, à chaque écoute.

Quel est votre artiste / groupe préféré de jazz ?
Tania Saleh – J'ai été touchée par tellement de jazzmen, mais pour n'en nommer que quelques-uns : Herbie Hancock, Duke Ellington, Ellis Regina, Antonio Carlos Jobim, Charles Mingus, Billie Holiday, Sarah Vaughan, Stan Getz, Nina Simone, Joni Mitchell, Sting, Toufik Farroukh, Ziad Rahbani et, plus récemment, Melody Gardot.
Edd Abbas – Drizzy (Drake).
Aziza – Ma chanteuse préférée de tous les temps, c'est la seule et l'unique Nina Simone.

 

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