Les combats compliquent le dossier des militaires otages

Une vidéo diffusée hier par le Front al-Nosra appelant notamment les chiites du Liban à se désolidariser du Hezbollah a semé le trouble chez les familles des militaires retenus en otage par ce groupe depuis le mois d'août.
Alors que les événements prenaient une tournure positive pour leurs fils il y a quelques semaines encore, et que de nombreux responsables assuraient que les négociations avaient avancé et que les otages allaient bientôt retrouver la liberté, les développements dans la région du Qalamoun syrien, proche de la frontière libanaise, semblent avoir des retombées négatives sur le dossier des otages. C'est d'ailleurs le prétexte qu'a trouvé al-Nosra pour faire pression sur le gouvernement, dans sa vidéo intitulée « Message des prisonniers chiites aux fils de leur peuple ».
Dans la vidéo, on voit sept militaires, assis sur un tapis dans une chambre sous le drapeau du Front al-Nosra, prendre la parole tour à tour et demander à l'armée de ne pas se joindre au Hezbollah dans les combats en cours près de la frontière. Ils demandent également à leurs familles de nommer un médiateur « honnête », accusant le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, de faire des « promesses mensongères ». « Si l'armée, entraînée par le Hezbollah, s'engage dans une bataille dans le jurd, c'est nous qui allons en payer le prix », affirme l'un des captifs, demandant « aux sunnites de se tenir contre le Hezbollah, qui manipule ceux qui sont au sein du gouvernement ».
« À ceux qui promettent à nos parents que nous serons de retour dans dix jours, que ce soit Abbas Ibrahim ou d'autres, demandez-leur des preuves », ajoute le militaire otage, avant de prier les familles de « former un comité et d'élire un négociateur honnête comme Waël Bou Faour, Walid Joumblatt ou Achraf Rifi ». « Je n'accepterai pas d'être libéré sans que certains hommes soient libérés de Roumieh en contrepartie », dit un autre militaire, accusant le Hezbollah « d'entrer dans la prison et de maltraiter les détenus à nos dépens ». « Je demande aux chiites qui s'opposent au parti du diable de manifester contre ce parti et d'en éloigner l'armée libanaise, car tout cela se retournera contre nous », lance-t-il encore. « J'appelle la communauté chiite à se positionner contre le Hezbollah et l'armée libanaise, car tous deux sont d'accord pour se mêler de problèmes qui ne les regardent pas », dit un troisième militaire.

Place Riad el-Solh, des parents déroutés
Dans l'après-midi, les familles des 25 otages encore retenus par al-Nosra et le groupe État islamique (EI) ont tenu une conférence de presse place Riad el-Solh, au cours de laquelle le père de l'otage Mohammad Taleb a accusé le Premier ministre Tammam Salam de refuser de se réunir avec les familles des militaires. « Cela fait cinq mois que vous ne nous recevez pas. Pourquoi? Nous voulons savoir pourquoi. Honte à vous ! Honte à vous! Vous nous humiliez, vous humiliez nos enfants ! » a-t-il lancé.
« Nos enfants n'ont rien à voir avec le Hezbollah », a assuré un autre parent au Front al-Nosra en demandant à ce dernier de les aider « parce que le gouvernement ne se soucie pas de nous ». « Ces jeunes hommes n'ont rien à voir avec le Hezbollah, épargnez-les. Le gouvernement est menteur et ne veut pas que nos fils reviennent », a répété une jeune femme.
De son côté, Nizam Mghayt, dont le frère est otage de l'EI, a expliqué que les parents dont les fils ont été enlevés par ce groupe n'ont pas été secoués par la vidéo de la même manière qu'ont été affectés les parents des otages d'al-Nosra, car ces derniers étaient très optimistes ces derniers jours. « Les parents sont en état de choc, nous sommes perdus et ne savons pas quoi faire, a-t-il déclaré à L'Orient-Le Jour. Nous ne savons pas si les combattants d'al-Nosra étaient vraiment sérieux dans les négociations auparavant ou si la bataille du Qalamoun est juste un prétexte. D'un côté, nous nous demandons pourquoi ils enlèveraient des militaires s'ils ne voulaient pas négocier. D'un autre, pourquoi tout gâcher par une telle vidéo s'ils veulent vraiment que les négociations aboutissent ? » Et d'ajouter : « Le général Abbas Ibrahim continue de dire que les pourparlers sont sérieux et que les terroristes veulent juste améliorer leurs conditions de négociation. Nous ne savons pas qui croire et nous ne comprenons plus rien. Al-Nosra est-il vraiment sérieux quand il nous demande de contenir le Hezbollah ? L'État lui-même n'en est pas capable ! »