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Économie - Liban - Fête du Travail

Le top 5 des réformes sociales prioritaires au Liban

À l'occasion du 1er Mai, « L'Orient-Le Jour » dresse le top 5 des réformes sociales prioritaires pour mettre le Liban au diapason des normes établies par les conventions internationales.

Photo Bigstockphoto.com

En Europe et dans certains pays d'Amérique latine, un nombre grandissant d'analystes déplorent des législations sociales devenues « trop protectrices », leur reprochant de ralentir l'essor de l'économie par ces temps de crise. Si ces contempteurs regardaient du côté du Liban, ils auraient une idée de la physionomie d'un pays dénué de législation sociale moderne. Car, au Liban, le droit du travail n'a quasiment pas évolué depuis la promulgation du code du travail en 1946. De nombreux projets de réformes se sont succédé depuis les années 1990, mais aucun n'a abouti. Pourtant, cette législation a besoin d'un sérieux toilettage : le Liban doit en particulier s'aligner sur les conventions internationales et arabes qu'il a signées afin de garantir une meilleure protection des travailleurs. Sur de multiples points, la législation libanaise va même à l'encontre des recommandations de l'Organisation internationale du travail (OIT). Focus sur cinq réformes à mener d'urgence.

 

1. Garantir une véritable liberté syndicale
L'État libanais conserve un pouvoir d'ingérence d'un autre temps, qui va à l'encontre de la convention N. 87 (1948) de l'OIT, qui consacre la liberté syndicale. La constitution d'un syndicat reste soumise à une autorisation préalable du ministre du Travail, sur consultation du ministère de l'Intérieur. Dernière application en date de cet archaïsme : le refus du ministère d'autoriser la création du syndicat des travailleurs domestiques regroupant les employées de maison. Ce « syndicat » appelle d'ailleurs à une manifestation de soutien ce dimanche 3 mai à Beyrouth.
Plus grave, dans le secteur public, le droit de s'associer ou le droit de grève sont interdits aux fonctionnaires de l'État (ainsi qu'aux juges) au nom de la continuité du service public. Cette interdiction est héritée du droit français mais, dans ce pays, la jurisprudence l'a levée dès 1950, à quelques exceptions près. Le droit d'association ou de grève des fonctionnaires est reconnu dans de nombreux pays, notamment dans nombre de pays arabes.
À ces deux lacunes majeures, s'ajoute une protection déficiente des syndicalistes contre les licenciements abusifs. Le code du travail prévoit une protection spécifique des responsables syndicaux au cours de leur mandat, mais elle ne couvre pas, par exemple, la période de formation du syndicat, avant l'obtention de l'autorisation. Les abus auxquels ont été confrontés les fondateurs du syndicat des salariés de Spinneys en 2012 attestent pourtant de la nécessité d'étendre la protection syndicale à cette étape.

 

2. Protéger les employés vulnérables
Employés de maison, saisonniers ou intérimaires d'établissements agricoles... Ces travailleurs ne sont pas soumis au code du travail alors qu'ils représentent les catégories les plus fragiles. Pourtant, ces « petites mains » sont légion au Liban : l'emploi domestique représenterait à lui seul 10 à 15 % de la population active. À défaut, ces catégories sont assujetties au droit commun, en particulier au code des obligations et des contrats, rédigé en 1932. Ce code fixe, dans le cas de la « domesticité », les règles d'usage entre le « maître » et les domestiques... Quand ces employés sont, de surcroît, étrangers, ils sont également soumis à la loi n° 44 (1984) qui exige un « kafil » censé assumer la responsabilité économique et juridique de son employé étranger (quelle que soit sa fonction) pendant toute la période de son contrat de travail sur le sol libanais.
Dans le même registre, l'intégration des personnes handicapées au marché du travail reste très problématique au Liban. La loi n° 220 (2000), qui régit cette catégorie de personnes, s'est avérée insuffisante à cet égard et surtout ineffective jusque-là.

 

3. Revoir des conditions de travail archaïques
Les conditions de travail au Liban restent pour la plupart en deçà des exigences minimales d'une législation sociale moderne. Le congé annuel légal est par exemple fixé à 15 jours, alors que la Convention arabe du travail n°1, ratifiée par le Liban, prévoit a minima d'en augmenter la durée en fonction des années de service. De même, le congé-maternité, même porté à dix semaines après que deux semaines supplémentaires ont été octroyées aux femmes enceintes en 2014 – reste en deçà des normes de l'OIT. Celles-ci prévoient l'octroi d'un congé-maternité de quatorze semaines minimum, payé au moins aux deux tiers du salaire par la Sécurité sociale.
La durée hebdomadaire maximale de travail est fixée à 48 heures dans le code du travail. C'est beaucoup au regard de la durée moyenne au sein de l'Union européenne qui est de 38,6 heures. Il faudrait a minima compter l'heure de repos légale dans ces 48 heures.
Les conditions de protection des employés ne sont pas non plus suffisantes en matière de sécurité et d'hygiène à l'intérieur de l'entreprise. C'est en particulier le cas en matière de sécurité sur les chantiers, où les cas d'accidents, entraînant handicaps permanents et décès, sont très fréquents.
La loi libanaise offre aux salariés une certaine protection contre le licenciement abusif à travers une indemnité (de 2 à 12 mois selon l'appréciation du juge). Pour obtenir gain de cause, le salarié doit cependant rapporter la preuve de « l'intention de nuire » de son employeur. Par ailleurs, le législateur a prévu un délai très court (un mois à partir de la notification du licenciement et non à compter de la fin du contrat) pour intenter une action en licenciement abusif. L'allongement du délai de recours au conseil arbitral serait donc un premier pas.
Une meilleure règlementation du travail des mineurs et des stagiaires, ainsi qu'une législation concernant les maladies professionnelles est en cours d'élaboration. Le Liban ne s'est toutefois pas encore attaqué à la révision du barème des indemnités dues en cas d'accidents du travail qui représentent environ les trois quarts du dernier salaire journalier et sont limitées à neuf mois. En cas de décès, une indemnité équivalant à 500 jours de salaire – si celui-ci est inférieur au salaire minimum – est versée aux héritiers, ainsi que les frais d'enterrement.

 

4. Sanctionner le harcèlement au travail
Le code du travail ne mentionne pas le harcèlement. Pourtant au Liban, le harcèlement sexuel ou moral (brimades, violences verbales, humiliations) sont des phénomènes répandus au sein de l'entreprise, comme en atteste un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (2004). De telles dispositions visent à protéger les salariés et, de façon spécifique les femmes, contre le harcèlement conformément aux dispositions de la convention n° 111 de l'OIT sur la discrimination en matière d'emploi et de profession.

 

5. Renforcer les moyens de contrôle
Le rôle principal des inspecteurs du travail est de contrôler l'application des règlementations sociales au sein des entreprises et d'y constater les infractions. Mais leur nombre demeure largement insuffisant pour mener à bien cette mission : ils sont moins de dix pour Beyrouth.
De même, une réforme visant à réorganiser les conseils arbitraux du travail, juridictions compétentes pour connaître des litiges relatifs au travail, tout en augmentant leur nombre et en simplifiant les procédures qui y sont appliquées, serait nécessaire afin de pallier les lenteurs de la justice, et quelquefois les blocages à ce niveau.

*Avocate à la Cour

 

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En Europe et dans certains pays d'Amérique latine, un nombre grandissant d'analystes déplorent des législations sociales devenues « trop protectrices », leur reprochant de ralentir l'essor de l'économie par ces temps de crise. Si ces contempteurs regardaient du côté du Liban, ils auraient une idée de la physionomie d'un pays dénué de législation sociale moderne. Car, au Liban, le...

commentaires (1)

LES DEUX TOPS DES TOPS SONT LA " SÉCURITÉ "... ET LA PAIX CIVILE... SANS ELLES TOUT N'EST QUE BULLES EN L'AIR !!!

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 32, le 01 mai 2015

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Commentaires (1)

  • LES DEUX TOPS DES TOPS SONT LA " SÉCURITÉ "... ET LA PAIX CIVILE... SANS ELLES TOUT N'EST QUE BULLES EN L'AIR !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 32, le 01 mai 2015

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