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Moyen Orient et Monde - Syrie

« J’ai vu un insurgé foncer sur un barrage de l’armée, un lance-roquette à l’épaule »

Un Syrien ayant fui la ville espère que la « libération » de Jisr al-Choughour donnera une bouffée d'oxygène à ses habitants coincés depuis plus de deux ans.

Une photo prise par Mahmoud montrant un véhicule militaire d’al-Nosra paradant dans les rues de Jisr al-Choughour.

La ville stratégique de Jisr al-Choughour (nord-est de la Syrie) est tombée, samedi, entre les mains des rebelles. Un nouveau revers pour le régime de Damas, après la chute d'Idleb il y a quelques semaines. Ces succès semblent être le résultat d'une coordination et d'un accord entre les trois parrains régionaux des rebelles : l'Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar. L'attaque-éclair des insurgés reste néanmoins le fruit de la détermination et de la coopération entre différents groupes.


Mahmoud, un Syrien d'une quarantaine d'années qui a fui dimanche Jisr al-Choughour pour se réfugier dans un village des alentours, affirme que les insurgés ont mené une offensive fulgurante à partir de quatre voies de passage : Seccar, Hajez el-Miyaah, Jabal el-Ghabeh et enfin d'une zone près de la frontière turque. Selon lui, les insurgés sont une coalition de membres du Front al-Nosra et de Jaych el-Fateh, appuyés par des brigades de l'Armée syrienne libre (ASL). « Ils sont très lourdement armés », ajoute Mahmoud, joint par Viber.
« Samedi, j'étais dans le quartier de la Sawmaa, près de la place centrale de Jisr al-Choughour, là où se trouve le périmètre de sécurité. J'ai vu un insurgé foncer sans peur sur un barrage de l'armée, un lance-roquette à l'épaule, tirant sur les militaires », raconte-t-il.
D'après Mahmoud, qui tient à garder l'anonymat pour des raisons de sécurité, les soldats syriens se sont retirés discrètement durant la nuit. « Personne ne les a vus partir tellement ça s'est vite passé. » Il assure en outre que les insurgés ont tué un grand nombre de soldats, mais aussi des combattants parmi les milices d'autodéfense des quartiers.
« Quand j'ai fui les bombardements du régime sur Jisr al-Choughour, les rues étaient jonchées de cadavres et la ville n'est plus qu'un amas de pierres et de béton. Tout a été détruit », déplore-t-il. Selon lui, les combats ont commencé il y a quatre jours, notamment les raids aériens qui ont redoublé d'intensité après le retrait des forces loyalistes.
Mahmoud affirme par ailleurs que « le Front al-Nosra a fait venir des véhicules pour évacuer les habitants qui voulaient fuir les violences en direction des villages voisins dans la campagne ». Ils ont en outre détruit et enlevé tous les portraits de Bachar el-Assad de la ville ainsi que les drapeaux syriens loyalistes, ajoute-t-il.
Pour Abdo, un Syrien qui a fui Jisr al-Choughour pour le Liban il y a deux ans, tout cela a un air de déjà-vu. « Nous avons vécu le même scénario il y a trois ans, au tout début de la révolution quand l'armée loyaliste avait pris la ville à l'opposition », affirme le jeune homme, en contact via Viber avec sa famille qui s'est réfugiée samedi dans un village limitrophe de Jisr a-Choughour.
La ville a une importance stratégique puisqu'elle est sur une ligne sur laquelle se trouvent Alep, Idleb et Lattaquié. À Jisr al-Choughour se trouvait en outre, selon Abdo, le siège principal des forces armées et des services de renseignements de la région. Pour le régime, l'importance stratégique de la ville s'était renforcée avec la prise par les rebelles d'Idleb. Dans ce contexte, la « libération » de la ville représente un gros coup dur pour le régime


Selon le jeune Syrien, les rebelles vont probablement chercher désormais à contrôler les campagnes (rif) entourant Jisr al-Choughour, ainsi que les deux agglomérations de Ariha et Qarmid. En contrôlant ces régions, ils présenteront une menace directe pour Lattaquié.
Cette ville, au cœur du pays alaouite, était quasiment inaccessible pour les habitants de Jisr al-Choughour depuis des années, selon Abdo. « Jisr al-Choughour était de facto assiégée par les sbires du régime. Ce dernier interdisait aux habitants d'aller à Lattaquié. Seuls pouvaient franchir les barrages les étudiants ou les personnes malades ayant un laissez-passer. Les gens étaient presque coupés du monde. Ils ne pouvaient pas commercer avec les régions avoisinantes, ils ne pouvaient plus travailler, la situation économique était catastrophique », explique-t-il.
Malgré la prise de la ville par al-Nosra (la branche locale d'el-Qaëda), Abdo espère que la « libération » de Jisr al-Choughour va permettre de reprendre contact avec les autres régions libérées et que les habitants pourront retrouver du travail. « Cette nouvelle situation devrait donner une bouffée d'oxygène aux habitants coincés depuis plus de deux ans, sans aucun horizon », veut-il croire.

 

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