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Liban - Feuille de route

Hassan Érostrate

La première partie de l'opération « Tempête de la fermeté » est achevée. En attendant de déterminer quels auront été les résultats de l'intervention militaire, et dans quel état en émerge la rébellion houthie – dont la mise au pas était l'objectif de la coalition arabe –, l'on en connaît déjà la première victime libanaise au plan politique.
Il s'agit du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Depuis un certain moment, il paraît en effet de plus en plus difficile de suivre le patron du Hezbollah aussi bien dans ses fréquents revirements de positions que dans ses constantes relectures de l'histoire, récente ou lointaine. Si bien qu'il fait désormais les joies – et l'audimat – des spécialistes de contre-propagande sur les chaînes locales et régionales.

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Réputé par ses admirateurs pour être un homme diaphane, structuré et cohérent, Hassan Nasrallah a atteint, avec l'offensive-surprise contre les houthis, l'acmé de la confusion, de l'opacité et du paradoxe.
En bref, sa logique se résume à une seule idée, déclinée sur tous les tons : « Le pauvre peuple yéménite en révolte est agressé par les envahisseurs américano-saoudiens, qui sont des chantres de la dictature. »
Oui, l'Arabie saoudite est, au plan interne, un régime despotique dont le bilan en matière de droits de l'homme est horripilant – mais sur ce plan, l'Iran, grand protecteur de lord Nasrallah, n'a vraiment rien à lui envier, et les deux ont une grande muraille de Chine à parcourir dans ce domaine. C'est donc un peu l'hôpital qui se fout de la charité.
L'« envahisseur américain » est l'allié de l'Iran, du Hezbollah et des autres milices chiites dans leur lutte contre les organisations terroristes en Irak. De plus, les échanges de mamours entre l'administration Obama et Téhéran ne sont pas prêts de s'arrêter, pour peu que l'Iran puisse réintégrer le giron international, et se voir reconnaître par Washington – c'est tout l'enjeu des crises actuelles – un statut de nouveau gardien du Moyen-Orient.
Pour ce qui est du « pauvre peuple yéménite », ou du moins la communauté chiite zaydite, le Hezbollah ne la perçoit malheureusement, à l'instar de son mentor iranien, que comme un terrain fertile à exploiter dans le cadre de l'exportation tous azimuts de la révolution khomeyniste. Les inégalités profondes vécues par cette communauté, comme d'ailleurs celles dont souffrent les chiites de Bahreïn, ne sont que des arguments pour implanter des foyers révolutionnaires pro-iraniens.
Quant à la lutte pour les opprimés, le secrétaire général du Hezbollah ferait mieux de « coller sa langue au palais de sa bouche » – d'autant qu'il a lui-même « oublié Jérusalem ». Le parti des divines interventions est en effet devenu une usine à fabriquer des opprimés, des veuves, des réfugiés et des déshérités partout dans le monde arabe, de Beyrouth à Aden, en passant par l'ensemble de la Syrie et de l'Irak. Hassan Nasrallah serait presque capable, par cette rhétorique parfaitement souple et élastique dont il a le secret, de faire passer Bachar el-Assad pour le Nelson Mandela actuel, et l'ayatollah Khamenei comme la Mère Teresa ou l'Abbé Pierre des temps modernes...

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Il va de soi que, pour le chef du Hezbollah, l'ennemi déclaré est aujourd'hui l'Arabie saoudite, mais ce qui est dans le collimateur réel de Téhéran, c'est l'ensemble des régimes arabes du vieux camp dit « modéré ». Cette dynamique n'est d'ailleurs pas nouvelle. L'une de ses étapes fondamentales a été la guerre de juillet 2006 : déjà, à l'époque, le fantasme iranien de Mahmoud Ahmadinejad était d'introniser l'Iran guerrière comme le défenseur attitré de la cause palestinienne, en lieu et place des régimes arabes décrépits. Puis, l'accueil en grande pompe quelques années plus tard du président iranien au Liban-Sud avait consacré cette velléité.
Mais, depuis, même les oripeaux de territorialisation du discours autour de « la résistance » et « du peuple » se sont envolés chez Hassan Nasrallah. Il ne s'agit plus que de protéger les cousins d'infortune houthis, dans leur rébellion contre le tyrannique régime yéménite, et alaouites en Syrie... face au despotique peuple syrien en révolte contre son pouvoir-modèle de démocratie ! En fait, de préserver surtout les acquis impériaux de la nouvelle Perse dans le monde arabe.
Il y a quelque temps, dans un discours suivant l'assassinat de coptes par les terroristes de Daech en Libye, le chef du Hezbollah avait adressé une double mise en garde à l'Europe et à l'Arabie, portant sur l'ambition délirante du pseudocalife al-Baghdadi de contrôler le Vatican et La Mecque. Effectivement. Ce que Hassan Nasrallah ne dit pas, cependant, c'est que les fous de Téhéran, qu'il compte parmi ses références, partagent ce même délire de la fin des temps visant à contrôler La Mecque et Jérusalem dans la perspective de l'avènement du Mahdi, et à étendre leur domination sur l'Europe en faisant main basse sur la rive orientale de la Méditerranée. Daech et le Hezbollah sont les deux faces d'une même frénésie de violence théocratique, qui n'a que faire du réel et des vies humaines, et entièrement focalisée sur un autre temps mythique... celui de la fin des temps.

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Dans un tel contexte de montée aux extrêmes apocalyptiques, et au-delà du caractère martial du discours du secrétaire général du Hezbollah (qui ne consacre plus que quelques minutes au Liban tant son cahier des charges régional est devenu vaste) – mais, encore une fois, comment pourrait-il en être autrement, puisque les guerres de guérillas menées par les satrapies perses un peu partout dans le monde arabe contre les régimes en place sont éminemment les siennes ? –, il est plus que jamais utile de se demander quel est l'intérêt pour les Libanais de se retrouver une fois de plus dans l'épicentre du conflit.
Certes, chacun a le droit, par les mots, de prendre les positions qu'il veut. Mais la liberté d'expression n'est pas la même, dépendamment des niveaux de responsabilités de ceux qui en font usage. Hassan Nasrallah aujourd'hui préside, de facto – puissance oblige – aux destinées du Liban, à l'ombre d'un État décrépit, hyperinfiltré et exsangue. Ses propos mettent en péril non seulement les Libanais qui essaient de mener dans le Golfe la vie digne que son travail de sape institutionnel, politique, sécuritaire et économique les empêche de mener, mais les autochtones eux-mêmes, qui risquent bien de se retrouver, au moindre dérapage, au centre d'un nouveau conflit armé, du fait de la montée aux extrêmes. Après tout, c'est grâce à ses bons soins et à ceux du Dr Bachar que plus d'un million et demi de réfugiés syriens, en majorité sunnites, démunis, poussés à bout et de plus en plus radicalisés à chacune de ses apparitions, se trouvent désormais sur le territoire libanais.
Il est grand temps pour le secrétaire général du Hezbollah et sa cohorte de va-t-en-guerre de se taire. Chacune de ses paroles – même plus de ses missiles ou de ses chemises noires – est devenu un boulet pour le Liban, avant qu'il ne ressuscite Samson, ou plutôt Erostrate, et détruise le pays du Cèdre, comme il contribue activement à le faire en Syrie.
Si Hassan Nasrallah souhaite se suicider pour les beaux yeux de la Nouvelle Perse, qu'il n'emporte pas avec lui le Liban.
Il est grand temps de laisser la place à tous ceux qui, loin de sonner les marches de nouvelles effusions de sang avec de petits tambours, œuvrent inlassablement, sans démagogie et populisme, pour la neutralité et la paix du Liban, ainsi que pour préserver son vivre-ensemble. Il en va de ce qui reste encore du Liban-message, celui du testament de l'imam Mohammad Mahdi Chamseddine, de la réconciliation de la Montagne de Walid Joumblatt, de l'Exhortation apostolique du tandem Nasrallah Sfeir-Jean-Paul II, du rêve de reconstruction de Rafic Hariri, et de l'esprit citoyen de Raymond Eddé.

La première partie de l'opération « Tempête de la fermeté » est achevée. En attendant de déterminer quels auront été les résultats de l'intervention militaire, et dans quel état en émerge la rébellion houthie – dont la mise au pas était l'objectif de la coalition arabe –, l'on en connaît déjà la première victime libanaise au plan politique.Il s'agit du secrétaire...

commentaires (10)

Ou, l'haSSine Nabäâh 1er !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

04 h 30, le 28 avril 2015

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Commentaires (10)

  • Ou, l'haSSine Nabäâh 1er !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 30, le 28 avril 2015

  • CORRECTION : PRIÈRE LIRE RÉPÉTITIONS PARTISANES ETC... MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 45, le 27 avril 2015

  • CERTAINS NE PEUVENT PAS OU NE VEULENT PAS ANALYSER LA DONNE COMME ELLE EST SUR LE TERRAIN AUJOURD'HUI... HAJJI GEORGIOU LE FAIT... ET SE CONTENTENT DE RÉPÉTITIONS PARTISANALES ET FANATIQUES TOUT EN CRITIQUANT LES AUTRES DE NE PAS SE CONFORMER À LEURS MODÈLES... DANS CET ARTICLE QUI DÉCRYPTE ET ÉCLAIRE IL Y A AVANT TOUT L'ANALYSE DE LA DONNE COMME ELLE EST... NOUS NE POUVONS QUE CONGRATULER L'ÉCRIVAIN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 22, le 27 avril 2015

  • Comme d'habitude MHG nous régale en nous fournissant une analyse des plus vraies qui puissent être. Mais voyez vous, lorsque l'on vend son âme au diable, il n'y a plus de retour en arrière. Ceci dit, le Hezbollah, comme tout parti a tendance Nazi, finira par s'auto détruire et alors il n'y aura pas beaucoup de monde pour ramasser les morceaux. Sans vouloir être le devin des mauvais présages, mais lorsqu'on fait fausse route et bâtissons nos châteaux avec des cartes sur des sables mouvants, tout fini un jour par s’écrouler et la fin est des plus catastrophique. C'est pourquoi, a tous les Libanais qui ont choisi d'etre des enfants prodigues, nous leurs disons qu'ils sont encore en temps de grâce et qu'il est encore temps pour faire marche arrière. Plus ils tardent plus leurs situation sera dramatique et sans merci. Cela leur coûtera beaucoup moins cher de se réveiller maintenant que lorsque la fin sera proche. Je ne pense pas que les Chiites aimerions résider un jour a Latakia ou Téhéran. Je veux encre croire qu'ils aiment le Liban.

    Pierre Hadjigeorgiou

    15 h 29, le 27 avril 2015

  • Bravo ...comma quoi la vérité perse le t' Iran ....

    M.V.

    17 h 33, le 26 avril 2015

  • Tout est dit.... brillant

    Bahij Hojeij

    12 h 02, le 26 avril 2015

  • Cher MHG, vous avez raison sur tous les points, mais vous donnez trop d'importance à ce laquais du régime iranien. Il est vrai que le Liban en souffre.

    Achkar Carlos

    15 h 38, le 25 avril 2015

  • Merci MHG, tout est dit.

    Christine KHALIL

    14 h 38, le 25 avril 2015

  • Les éhhh Sains libanais mettent un point d’honneur à rejeter vraiment tout argument populisto-poujadiste ou d’autorité, préconisent l’indépendance de jugement, et sans ambages exigent un vivre ensemble empreint de nette tolérance et non de démagogie. Et à examiner en dehors de toute autorité pseudo-religieuse, les vraies et grandes questions qui touchent au Libanais et à sa société de ce XXIème siècle ; en sondant librement les sources du vrai et du bien car telle est sa raison d’être. Aussi à accepter à part entière ceux qui ne partagent pas ses nombreux idéaux. Toutefois, ceux qui choisissent de le suivre dans cette seule Saine voie, acceptent donc implicitement ces profonds principes fondamentaux et en premier la fabuleuse tolérance. Mais, c’est ici qu’entrent en scène l’intrinsèque anthracite Malsain et ses impossibles et inénarrables comparses noircis, orangés ou jaunis, et il se fait qu’ils prétendent encore toujours imposer à haut bruit, les pâméz-ébaubis, un mixte d’éructations et de gesticulations Martiennes Malsaines effectivement puantes et Per(s)cées. Ils ne s’en cachent même pas, et veulent rester puînés pour en effet bâillonner les Sains libanais ; imposer leur non-pensée infecte et immonde, fétide et nauséabonde aux noirs ongles. Et qui plus est, ils prétendent l’imposer au nom de la liberté d’expression : Fallait oser, bande de noircis culottés! Mais, face à eux, le Sain libanais invectivé et outragé ne baisse évidemment ni la tête ni les yeux écartelés.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 18, le 25 avril 2015

  • M Hajji Georgiou, veuillez apparaître un peu plus, si possible, avec votre 'Feuille de route'. Vos réflexions visent très juste. Cela dit, oui cette fois, dans cet épisode du Yémen, le sayyed est apparu, de manière flagrante, plus perse que son chef, le commandant des Pasdaran, Mohammad Ali Jaafari. "Et surtout, pas d'excès de zèle", demandait Talleyrand à ses ambassadeurs. Tout excès de zèle en effet frôle le ridicule et nuit énormément à la cause pour laquelle on est zélé.

    Halim Abou Chacra

    07 h 19, le 25 avril 2015

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