Onze nouvelles cheminées bientôt à Zouk : un mouvement de protestation prend forme

Sur l'autoroute de Zouk et de Jounieh, on remarque, depuis quelques jours, une affiche avec une photo des tristement célèbres cheminées blanc et rouge de la centrale électrique de Zouk Mikayel et dotée d'une inscription : un appel à manifester sur l'autoroute, au niveau de la bifurcation menant à la centrale, le samedi 25 avril à 15h.
Une campagne semble en effet se préciser dernièrement contre la pollution émanant de cette centrale qui date de 1956 et ses conséquences sanitaires sur une région densément peuplée, ainsi que contre l'agrandissement prévu de cette centrale (onze nouvelles cheminées, selon le président du conseil municipal de Zouk Mikayel).

Hier, dans un communiqué, Électricité du Liban (EDL) a réagi pour la première fois à cette campagne qu'elle qualifie de « campagne surprise, menée sous prétexte de la pollution émanant de la centrale, et sans aucune concertation avec notre institution pour prendre connaissance des mesures prises en vue de limiter cette pollution ». EDL assure ainsi, dans un communiqué, avoir « réussi à réduire les émanations de la centrale dans de grandes proportions, en conformité avec les standards environnementaux locaux – définis par le ministère de l'Environnement – et internationaux – ceux de la Banque mondiale ». L'institution affirme avoir mis en place des mesures de protection dès janvier 2012 en dotant les turbines d'additifs chimiques pour réduire les émanations résultant de l'utilisation du fuel oil. « Ce projet a été un grand succès, autant pour l'amélioration du rendement des groupes électrogènes que pour la limitation des émanations de polluants dans une proportion qui avoisine les 90 % pour certains polluants », souligne le communiqué d'EDL.
L'institution précise que le taux d'émission de petites particules a été réduit de plus de 60 % (pour atteindre 75 mg / mètre cube), le taux d'oxyde de carbone (CO) de 80 % (340 mg / mètre cube), le taux d'oxyde d'azote (NOx) de 10 % (430 mg / mètre cube) et le taux de trioxyde de soufre (SO3) de 90 % (0,85 mg / mètre cube). EDL ajoute qu'un système de contrôle continu des taux de CO et de NOx a été mis en place depuis 2012 et qu'un appel d'offres a été lancé pour le traitement chimique des trois prochaines années, avec, dans le cahier des charges, une clause sur le contrôle continu.
« Il faut signaler que des pannes occasionnelles peuvent avoir lieu, causant des émanations puissantes qui sont visibles de loin, mais elles sont traitées rapidement, pousuit le communiqué. Il est prévu de mieux contrôler ce genre de situations dans l'avenir proche après la mise en place d'une maintenance générale et la réhabilitation des groupes électrogènes. Les opérations de traitement deviendront plus efficaces avec l'adjudication des travaux de réhabilitation des centrales de Zouk et de Jiyé par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). »

(Lire aussi : Électricité de Zahlé lance son unité de production privée)

« Sans permis et sans étude d'impact »
Ces améliorations dont parle EDL, Nohad Naufal, président du conseil municipal de Zouk Mikayel et président de la Fédération des municipalités du Kesrouan, n'y croit pas. « Ces fumées noires qui s'échappent des cheminées de Zouk, nous les photographions chaque jour, dit-il. Nous ne constatons aucune amélioration, bien au contraire. L'Hôpital Notre-Dame à Jounieh vient de me livrer un rapport qui montre l'augmentation significative, ces dernières années, des cas de pneumonies et de cancers dans la région. »
Nohad Naufal est à l'origine de la campagne qui dénonce la pollution qui se poursuit dans sa localité. Interrogé sur le timing de sa campagne, alors que la centrale existe depuis 1956, il répond : « Depuis 1983, nous revendiquons des changements en profondeur et nous luttons contre l'agrandissement de cette centrale. Récemment, je ne fais que recevoir des pétitions d'habitants. Nous revendiquons le déménagement de cette centrale vers une région moins touristique et résidentielle. Nous savons que l'État possède un terrain à Hamat (Batroun) qui pourrait être utilisé à cet effet. En attendant, EDL pourrait effectuer les transformations nécessaires pour faire fonctionner cette centrale au gaz naturel, bien moins polluant que le fuel. Enfin, elle devrait installer des filtres : nous sommes sûrs qu'il n'y en a pas actuellement, vu le niveau de la pollution. »
Toutefois, ce qui a rendu cette campagne urgente selon lui, c'est la future installation de nouveaux groupes électrogènes dotés de onze nouvelles cheminées. « Ils entreprennent un tel projet d'agrandissement sans permis et sans étude d'impact environnemental (EIA), dénonce M. Naufal. Pour cela, j'ai envoyé des policiers municipaux il y a quelques semaines en vue d'arrêter le projet en attendant la EIA, devenue obligatoire depuis l'adoption d'un décret à cet effet. Ils ont été chassés par les employés sur place. »

Dans son communiqué, EDL aborde ce sujet puisqu'elle précise que « le ministère de l'Énergie devra bientôt lancer un appel d'offres pour une étude d'impact environnemental concernant les nouvelles unités » qui seront installées à Zouk. Le texte précise que « ce projet permettra d'augmenter la capacité de production de 195 mégawatts à Zouk et de 80 mégawatts à Jiyé (Chouf) ». Sur un autre plan, EDL évoque une décision du Conseil des ministres, portant le numéro 9/2003 et datant du 1er avril 2003, qui « permet d'entamer la construction de bâtiments officiels avant l'obtention des permis nécessaires, à condition de les obtenir avant la fin des travaux ». Elle assure aussi qu'une EIA sur le fonctionnement des deux bateaux turcs a été effectuée et remise au ministère de l'Environnement. Enfin, concernant le gaz naturel, elle parle d'« un projet de construction d'une ligne maritime de transport du gaz, d'une longueur de 177 kilomètres, qui va de la centrale de Deir Ammar (Nord) à celle de Tyr (Sud), en passant par Zouk », sans préciser de délais.
Mais tout cela est loin de convaincre Nohad Naufal, qui dit en avoir entendu d'autres. « Je détiens tous les documents qui prouvent les ravages causés par la pollution, dit-il. Voilà pourquoi nous tenons une conférence de presse et organisons une manifestation samedi. »

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