Interrogé sur la question du report de l'âge de la retraite du commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi, en octobre prochain, le vice-président du Conseil et ministre de la Défense, Samir Mokbel, affirme qu'« il y a encore beaucoup de temps pour trancher cette question et tout peut arriver ». Le ministre de la Défense affirme qu'il « usera de son droit et des prérogatives que lui confèrent la Constitution et les lois », et refuse d'entrer dans des polémiques avec les parties politiques, notamment le général Michel Aoun.
Selon des sources ministérielles, la prorogation du mandat des chefs sécuritaires est nécessaire et inéluctable, en raison de l'impossibilité d'en nommer de nouveaux à l'ombre de la vacance présidentielle. C'est d'ailleurs ce que le président de la Chambre, Nabih Berry, et l'ancien Premier ministre, Saad Hariri, ont dit au général Aoun, sur base du principe selon lequel c'est au nouveau président de la République de procéder à ces nominations, surtout en ce qui concerne le nouveau commandant en chef de l'armée. Le chef du Courant patriotique libre a donc augmenté d'un cran ses protestations contre la prorogation de ces mandats, d'autant que le Conseil des ministres avait réussi à s'entendre sur la Commission de contrôle des banques et sur la nomination de l'ex-mohafez du Mont-Liban, Fouad Fleyfel, au poste de secrétaire général du Conseil des ministres.
Qu'est-ce qui empêche alors ces nominations ? De sources bien informées, il s'agirait des circonstances complexes que le Liban traverse actuellement et qui ne supporteraient aucun changement sur le plan du commandement de l'armée. De plus, les leaders politiques ont indiqué à Michel Aoun, par le biais de son émissaire Gebran Bassil, qu'ils sont pour l'approbation de nominations en cas d'accord entre les composantes politiques.
Face à l'impossibilité de nommer des chefs sécuritaires, et si un tel accord s'avère impossible, les différents leaders sont pour la prorogation des mandats des responsables actuels, à commencer par celui du commandant en chef de l'armée. Selon des milieux proches des Forces de sécurité intérieure, le ministre de l'Intérieur aurait ainsi décidé de repousser le passage à la retraite du directeur général des FSI, le général Ibrahim Basbous, et du responsable de la gendarmerie, le général Élias Saadé. Mais il aurait refusé d'élargir la liste des noms, quand bien même des propositions lui ont été soumises d'ajouter un certain nombre de responsables installés à des postes-clés, comme le chef de la police de Beyrouth.
Selon un ministre, le report du passage à la retraite du général Kahwagi et du chef d'état-major Walid Salmane est donc une décision définitive, qui sera annoncée par le ministre Mokbel au soir de la fin du mandat des responsables sécuritaires, en septembre. D'autant que la formule de troc proposée par le général Michel Aoun, Imad Othman à la tête des FSI en échange de Chamel Roukoz commandant en chef de l'armée, n'a pas été retenue.
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Que fera donc Michel Aoun ? Quelle sera sa position définitive au sujet de la prorogation? Selon des milieux politiques aounistes, le Courant patriotique libre tentera de paralyser l'action du gouvernement, dans une démarche visant à faire pression sur le Premier ministre Tammam Salam pour le dissuader d'entériner la décision. Les ministres aounistes pourraient ainsi cesser d'exercer leurs fonctions et bouder le gouvernement en signe de contestation, mais aucune partie politique présente au sein du cabinet ne souhaite démissionner et créer un état de vide institutionnel total. Il n'existe donc aucune décision à l'heure actuelle de faire chuter le cabinet, comme l'affirment certains alliés du général Aoun, présents au sein de son bloc parlementaire, comme le parti Tachnag, le Parti démocratique de Talal Arslane, le parti Baas, le Parti syrien national social ou encore les Marada de Sleimane Frangié. Ce dernier avait infirmé toute volonté ou tout intérêt à torpiller le cabinet, soulignant qu'entre le vide et la prorogation du mandat Kahwagi, il opterait pour la seconde option – et ce en dépit de son soutien à Chamel Roukoz.
Le Hezbollah souhaite-t-il provoquer l'effondrement du cabinet dans les circonstances actuelles ? Selon des milieux du 8 Mars, ce n'est pas le cas. Le vide total n'est pas dans l'intérêt du parti chiite, puisqu'il provoquerait indubitablement une érosion sécuritaire et économique. Or cela, le Hezbollah n'en veut pas à l'heure actuelle, et le gouvernement Salam, à l'instar du dialogue avec le Futur, représente pour lui une ombrelle de légitimité et assure une fonction fondamentale : calmer la rue au plan interne à l'heure où ses combattants se battent sur tous les fronts. Partant, le Hezbollah n'accompagnera pas le chef du CPL dans sa posture contestatrice contre la prorogation du mandat Kahwagi et ne lui permettra pas de mettre en danger le sort du cabinet, que ce soit par l'implosion ou la paralysie.
Une solution envisagée à l'heure actuelle pour soulager le général Aoun serait de repousser le passage à la retraite de quinze officiers en plus du général Kahwagi, dont le général Roukoz, afin de ne pas créer de choc dans la hiérarchie de l'armée. Politiquement, cela permettrait au gendre du chef du CPL de garder toutes ses chances de succéder à Jean Kahwagi à la tête de la troupe dans les deux ans à venir.
Cependant, un ministre du 14 Mars estime que Michel Aoun doit faire un choix entre accéder lui-même à Baabda et assurer l'avènement de son gendre à Yarzé, soulignant que les deux postes sont liés, contrairement aux allégations du chef du CPL.
Que fera-t-il, partant, face à la prorogation du mandat du commandant en chef de l'armée ? Et si ses alliés du 8 Mars refusent d'avoir recours à l'escalade au sein du cabinet, comme il le souhaite, comment cela se répercutera-t-il sur ses relations avec le Hezbollah ?
La question reste entière.
Pour mémoire
Nominations : « Nous élevons la voix avant de lever les poings », martèle Jreissati
Pour Aoun, cette fois, ce sera « soit la présidence, soit le retrait de la vie politique »...
commentaires (6)
MAINTENANT QUELLE DANSE CHOISIRAIT-IL... C'EST UNE AUTRE QUESTION... LES RÉPERTOIRES SONT BIEN GARNIS... ON LUI PROPOSE LE CHARLESTON !!!
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 34, le 21 avril 2015