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Culture - Entretien

« La musique est la seule chose à laquelle je suis fidèle »

À 81 ans, Manu Dibango, le maître africain du saxophone, débarque au Liban pour la première fois de sa longue carrière.

Qu'est-ce qui fait encore courir Manu Dibango ? Après 50 ans d'une carrière internationale qui l'a emmené sur toutes les scènes du monde, le saxophoniste pourrait se contenter de se reposer sur ses lauriers. Mais le vieux lion du Cameroun est très loin d'être repu. « Ma chance, c'est que j'aime toujours autant la musique qu'à mes débuts », explique Dibango. « Je ne suis pas écœuré, je continue à faire mes gammes », poursuit-il. Le seigneur Dibango est resté un artisan. « La musique est la seule chose à laquelle je suis fidèle », s'exclame-t-il dans un éclat de rire qui lui ressemble, tonitruant et attendrissant.

À quelques heures de son concert, produit par Liban Jazz, sur la scène du Music Hall , Manu Dibango, du haut de sa grande carcasse habillée d'une chemise africaine, donne ses directives avec le sourire à ses musiciens. Lorsque le vieux sage parle, les disciples écoutent. Il faut le voir improviser ses petits pas de danse pour comprendre le personnage. À l'autorité naturelle du chef d'orchestre, s'ajoute une joie d'être et de jouer qui met tout le monde d'accord. Et puis il y a son saxophone qui trône sur son torse, comme une partie de son corps. « J'en ai toujours été amoureux, même avant d'avoir la possibilité d'en avoir un », explique Dibango.

Jamais ses innombrables tournées ne l'avaient amené au Liban. « Mais je connais beaucoup de Libanais », rétorque Dibango. Que connaît-il du Liban, alors ? « La gastronomie libanaise. Il y a des restaurants libanais un peu partout en Afrique », mais aussi, un musicien. « J'ai joué avec le trompettiste Ibrahim Maalouf. Il a une démarche particulière. Il est moyen-oriental et occidental en même temps. C'est un mélange, mais ce n'est pas du collage, c'est un style », explique-t-il. En une phrase simple, Manu Dibango vient de donner une définition de la world music qu'il ne veut pas restrictive. « Imaginez un jour que je joue du Bach. Est-ce qu'on doit encore me mettre dans le rayon world music ? », s'exclame-t-il. Derrière sa bonhomie affleure une pointe d'agacement. « On me dit que je ne fais pas suffisamment de musique africaine. Ce n'est pas parce que je suis africain que je fais de la musique ; qu'est-ce que ça veut dire africain ? »

On en oublierait presque que Manu Dibango est un précurseur. Avec le rythme entêtant et les sonorités afro-américaines de Soul Makossa sorti en 1972, le saxophoniste de génie a définitivement imprimé la musique africaine dans l'inconscient collectif. « Les gens ne connaissaient de la musique africaine que le folklore », tance-t-il. Le morceau a, depuis, été « samplé » à de multiples reprises, mais Manu Dibango a sa petite préférence. « La version de Michael Jackson est la plus subtile, la plus intelligente musicalement, parce que c'est Quincy Jones qui a fait les arrangements », tranche-t-il.

Le secret de sa longévité ? « Si je le disais, ce ne serait plus un secret (rires) ! D'autant que moi-même, je ne le connais pas. » Comment imaginer que Manu Dibango puisse prendre sa retraite ? « Tant que tu as la chance de ne pas avoir de bobos, que le téléphone sonne et d'être en mesure de jouer, tu continues », répond le fan inconditionnel de Louis Armstrong, de Ray Charles et de tous ces instrumentistes qui, comme lui, ont su passer sur le devant de la scène.

Comme on danserait avec une femme

Manu Dibango et sa troupe ont donné un concert sur la scène du MusicHall dans une ambiance des plus chaleureuses. Tamisée aux couleurs chaudes de l'Afrique, la scène a battu aux rythmes d'un continent dont on pourrait oublier la diversité musicale. L'artiste et ses musiciens ont su le rappeler, et de quelle manière. Du folklore traditionnel de Kinshasa aux rythmes chaloupés d'Afrique du Sud, le saxophoniste joue de son instrument comme on danserait avec une femme. Entrecoupé de petits pas de danse, son jeu semble d'une facilité déconcertante malgré la complexité des nuances des notes. Joyeux comme un enfant, il joue, malicieux, avec son pianiste bondissant, son guitariste à la coupe afro, son batteur aux bras d'acier et sa jolie choriste, puis s'envole avec des solos et des duos endiablés. « Un voyage dans la savane », comme il l'a appelé, ponctué par son tube Soul Makossa, qui a fini de soulever le public dandinant.

Qu'est-ce qui fait encore courir Manu Dibango ? Après 50 ans d'une carrière internationale qui l'a emmené sur toutes les scènes du monde, le saxophoniste pourrait se contenter de se reposer sur ses lauriers. Mais le vieux lion du Cameroun est très loin d'être repu. « Ma chance, c'est que j'aime toujours autant la musique qu'à mes débuts », explique Dibango. « Je ne suis pas...

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