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Culture - Reportage

Trois heures en coulisses avec Paulikevitch

Sur scène, on connaît presque tous ses déhanchements. Mais, en coulisses, que fait Alexandre Paulikevitch ? Que mange-t-il ? Que boit-il ? Que dit-il ? Entre deux étirements, un coup de pinceau et une réparation d'ourlet, il se dévoile. Compte à rebours avant que les rideaux de son spectacle « Baladi Ya wad »* ne s'ouvrent.

En coulisses, que fait Alexandre Paulikevitch ? Photos Wilson Fache

Les coulisses du Métro al-Madina sont exactement comme on pourrait les imaginer : un joyeux « foutoir ». Entre les perruques, les cartons de whiskey irlandais, les costumes et une chaise roulante, les musiciens du show flânent sur des canapés. Sur les murs dont on devine à peine la couleur, une centaine d'affiches d'anciens spectacles ont été conservées pour leur rappeler qu'ils sont les héritiers d'une longue lignée d'artistes d'exception. Ou parce que ça fait joli.

19h13
Soudain, Alexandre Paulikevitch débarque dans la salle, deux robes à l'épaule. « Mon chanteur est en prison! » s'exclame-t-il. « Mais the show must go on », ajoute-t-il en tournant les talons, fouettant l'air de sa chevelure flamboyante. Après six mois de répétitions, ce soir est le grand soir. Mais sans le chanteur, il va falloir passer au plan B. « Plan D, précise Alexandre. D comme Débrouille, on se démerde ! » À 22h, accompagné de deux chanteuses, dont la célèbre Ranine Chaar, le danseur présentera la première de son spectacle Baladi ya wad, hommage nostalgique aux cabarets du Caire qui symbolisent un esprit de « fête que rien n'arrête », pas même la lumière du jour. « Je m'inspire des films égyptiens en noir et blanc et de leurs grandes divas. Mon amour pour cette danse, c'est toute mon éducation », explique Alexandre.

20h04
Une paire de sagattes résonne, bientôt accompagnée par les pulsations sèches de deux tambours. Déhanché vers la gauche, pas chassé, doigts qui claquent ; Alexandre s'élance et tournoie sur la scène, sous les applaudissements de l'ingénieur du son. « Tra-Tra-Tra-Houuuum-Ha ! » ordonne Alexandre à l'attention des musiciens. « Tra-Tra-Boum-Boum ? » répond l'accordéoniste.
Assise en tailleur derrière eux, Ghina, la directrice artistique, découpe de petits morceaux de tissu dans un grand drap rouge. Elle vient d'avoir une idée : confectionner des nœuds de papillon pour égayer les costumes noirs des musiciens. « Ça sera moins triste », dit-elle en souriant.
Sur scène, Alexandre entame sa séance d'étirements, étape essentielle de son long rituel de préparation qui a commencé à 18h avec... une côtelette saignante et des frites. Ses mouvements laissent entrevoir le tatouage qui orne sa cheville, un caractère chinois qui signifie « eau », alors que sur son épaule droite est gravé le feu. Question d'équilibre.

 




20h50
En coulisses, la fumée des cigarettes se mêle à l'odeur d'un chawarma. Dans les mains des artistes, les bouteilles d'eau ont été remplacées par des glaçons et deux doigts de courage liquide. « C'est pour noyer le stress », affirment-ils.
Avec la ponctualité de quelqu'un qui n'a pas de montre, KrikorJabotian arrive avec la quatrième robe du spectacle. « Mon chanteur est en prison », se lamente Alexandre. « No f... way ! » rétorque le jeune couturier. Les deux comparses sont des amis de longue date, mais collaborent professionnellement depuis 2009. « Alex dit tout le temps que je suis son metteur en valeur. Moi, je réponds qu'il est le metteur en scène de mon travail », explique Krikor Jabotian.
Avec la pudeur de quelqu'un qui n'en a aucune, Alexandre se déshabille pour essayer les longues robes de son ami, vêtu seulement d'un string qui laisse peu de place à l'imagination.

21h46
« Voilà, tu es magnifique ! » s'exclame Oliver (Aoun, alias Oliver de Gemmayzeh), le très doué maquilleur, en donnant un dernier coup de pinceau à son art. Les cils outrageusement fardés d'Alexandre sont prêts, les nœuds de papillons écarlates sont terminés, et les tarbouches, encore dans leur emballage plastique, sont arrivés.

22h07
Dans la salle bondée, l'air de jazz s'estompe et le public se tait. Krikor Jabotian et Oliver Aoun sont là, des élèves des cours de danse d'Alexandre aussi, tous réunis dans l'ambiance feutrée du Métro al-Madina pour encourager leur ami, professeur, mentor, idole...
Lever de rideau. Applaudissements. The show must go on.

 

*« Baladi ya wad », hymne aux cabarets égyptiens, les 29 avril et 6 mai au Métro al-Madina.

 

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