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Moyen Orient et Monde - Par Joseph S. NYE, Jr.

Les périls du déclin de la Russie

Le président russe Vladimir Poutine. Pool/Sergei Ilnitsky/AFP

Alors que les chancelleries européennes débattent actuellement du maintien ou non des sanctions imposées à la Russie, la politique offensive du Kremlin envers l'Ukraine se poursuit sans relâche. Bien que la Russie soit engagée dans un déclin à long terme, elle n'en pose pas moins une menace bien réelle pour l'ordre mondial, en Europe et au-delà. En fait, qu'elle soit sur le déclin pourrait rendre la Russie plus dangereuse encore.
Ne nous y trompons pas : ce qui se passe en Ukraine est une agression de la part de la Russie. L'affirmation du président russe Vladimir Poutine selon laquelle les troupes russes ne participent pas aux combats a récemment été invalidée par un combattant russe qui a confirmé au service en russe de la BBC qu'elles jouaient un rôle décisif dans la progression des séparatistes. Les officiers russes, a-t-il indiqué, commandent directement de vastes opérations militaires dans l'est de l'Ukraine, dont le siège et la prise du nœud ferroviaire stratégique de Debaltseve en février dernier.
Mais la menace posée par la Russie va bien au-delà de l'Ukraine. Il ne faut pas oublier que la Russie est le seul pays à posséder suffisamment de missiles et de vecteurs nucléaires pour oblitérer les États-Unis. Et plus son influence économique et géopolitique s'amoindrit, moins elle est prête à renoncer à son statut de puissance nucléaire. La Russie a non seulement renoué avec sa tactique de la guerre froide – le survol non annoncé par des avions de chasse de l'espace aérien de la Baltique et de la mer du Nord –, mais elle a également menacé à demi-mot des pays, dont le Danemark, d'attaques nucléaires.
Les armes ne sont pas le seul atout de la Russie. La fédération bénéficie également d'un énorme territoire, de vastes ressources naturelles et d'une population instruite, dont de très nombreux scientifiques et ingénieurs de haut niveau.
Mais elle est aussi confrontée à de nombreuses difficultés. Elle reste très dépendante d'une seule ressource, avec le secteur énergétique représentant deux tiers des exportations. Et sa population diminue – notamment parce que l'espérance de vie moyenne d'un Russe est de 65 ans, soit une décennie de moins que dans les autres pays développés.
Alors que des réformes allant dans le sens de la libéralisation pourraient remédier aux maux de la Russie, il est peu probable qu'elles voient le jour dans un pays gangrené par la corruption et dont les dirigeants sont catégoriquement antilibéraux. Poutine a par exemple cherché à promouvoir une nouvelle identité slavophile essentiellement caractérisée par une défiance envers l'influence culturelle et intellectuelle occidentale.
Au lieu de développer une stratégie visant un rétablissement à long terme de la Russie, Poutine a adopté une approche réactive et opportuniste – qui donne parfois des résultats, mais seulement à court terme – pour faire face à l'insécurité intérieure, aux menaces extérieures perçues comme telles et aux faiblesses des pays voisins. Il mène une guerre non conventionnelle en Occident, tout en cherchant à nouer des liens plus étroits avec des pays en Asie. Cette démarche laisse à penser que la Russie pourrait devenir un partenaire de second ordre de la Chine, privée de l'accès aux relations, aux technologies et aux capitaux occidentaux dont elle aurait besoin pour inverser son déclin.
Mais le problème de la Russie ne tient pas qu'à Poutine. S'il a certes cultivé le nationalisme en Russie – se déclarant le plus grand nationaliste de tous, lors d'une récente réunion du Club de discussion Valdai –, il a trouvé un terrain fertile pour ce faire. Étant donné que d'autres politiciens importants – par exemple Dmitry Rogozin qui en octobre dernier a fait la promotion d'un livre prônant le retour de l'Alaska à la Russie – sont tout aussi nationalistes, il est peu probable que le successeur de Poutine soit un libéral. Le récent assassinat de Boris Nemtsov, ancien vice-premier ministre et chef de l'opposition, renforce cette hypothèse.
La Russie semble donc vouée à poursuivre son déclin, une évolution qui ne doit pas être un motif de réjouissance pour l'Occident. Les États sur le déclin – comme l'empire austro-hongrois en 1914 – tendent à moins craindre les risques et deviennent ainsi plus dangereux. De toute façon, une Russie prospère aurait plus à offrir à la communauté internationale au long terme.
En attendant, les États-Unis et l'Europe sont confrontés à un dilemme politique. D'un côté, il est important de répondre à la remise en cause par Poutine du principe fondamental qui veut que les États n'aient pas recours à la force pour violer l'intégrité territoriale d'un autre pays. S'il est peu probable que les sanctions entraînent une modification du statut de la Crimée ou un retrait des troupes russes de l'Ukraine, les pays occidentaux ont défendu ce principe en montrant qu'il ne pouvait être violé en toute impunité.
De l'autre côté, il est important de ne pas isoler la Russie complètement, compte tenu des intérêts partagés avec les États-Unis et l'Union européenne au sujet de la sécurité et la non-prolifération nucléaires, du terrorisme, de l'espace, de l'Arctique, et de l'Iran et l'Afghanistan. Personne n'aurait quoi que ce soit à gagner avec une nouvelle guerre froide.
Réconcilier ces objectifs ne sera pas une tâche aisée, en particulier à la lumière de la crise persistante en Ukraine. Lors de la conférence de Munich sur la sécurité en février dernier, plusieurs sénateurs américains ont défendu l'idée de livrer des armes à l'Ukraine, mais cette approche ne ferait qu'exacerber la situation, compte tenu de la prédominance militaire conventionnelle de la Russie. Et étant donné que les responsables allemands, dont la chancelière Angela Merkel, sont fermement opposés à cette idée, chercher à l'imposer aboutirait également à une scission entre pays occidentaux, renforçant d'autant la position de Poutine.
D'autres participants à la conférence ont suggéré que les pays occidentaux devraient modifier les règles du jeu en bloquant l'accès de la Russie au réseau Swift, le système international de traitement des opérations bancaires. Mais les opposants à cette mesure soulignent qu'elle ne ferait que pénaliser le réseau même et les pays occidentaux, dont les banques perdraient les centaines de milliards de dollars que leur doit aujourd'hui la Russie. De leur côté, les Russes ont indiqué de manière informelle que cette option constituerait une « véritable bombe nucléaire » économique.
Concevoir et appliquer une stratégie permettant de contenir le comportement révisionniste de Poutine, tout en garantissant l'engagement international de la Russie à long terme, est l'un des défis auxquels sont confrontés les États-Unis et leurs alliés aujourd'hui. Pour l'instant, le consensus politique occidental semble aller dans le sens du maintien des sanctions, d'un soutien à l'économie ukrainienne et du renforcement de l'Otan (une conséquence que Poutine n'avait certainement pas prévue). Au-delà, l'évolution de la situation dépend en grande partie du Poutine.

© Project Syndicate, 2015.
Traduit de l'anglais par Julia Gallin

Joseph S. Nye est professeur à l'Université de Harvard, président du Conseil de l'agenda mondial sur l'avenir des gouvernements du Forum économique mondial et auteur de « Is the American Century Over ? (Le siècle américain tire-t-il à sa fin ? – NDLT).

Alors que les chancelleries européennes débattent actuellement du maintien ou non des sanctions imposées à la Russie, la politique offensive du Kremlin envers l'Ukraine se poursuit sans relâche. Bien que la Russie soit engagée dans un déclin à long terme, elle n'en pose pas moins une menace bien réelle pour l'ordre mondial, en Europe et au-delà. En fait, qu'elle soit sur le déclin...

commentaires (2)

CE QUI SE PASSE EN UKRAINE EST UNE AGRESSION DE LA RUSSIE... ASSERTION ÉTRANGE QUI NE PREND PAS EN COMPTE LA PROVOCATION QUI A OBLIGÉ LA RUSSIE DE SE DÉFENDRE !!! BIEN QU'ELLE POUVAIT LE FAIRE AUTREMENT SANS SE FOURRER DANS LE NID DES GUÊPES...

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 05, le 16 avril 2015

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Commentaires (2)

  • CE QUI SE PASSE EN UKRAINE EST UNE AGRESSION DE LA RUSSIE... ASSERTION ÉTRANGE QUI NE PREND PAS EN COMPTE LA PROVOCATION QUI A OBLIGÉ LA RUSSIE DE SE DÉFENDRE !!! BIEN QU'ELLE POUVAIT LE FAIRE AUTREMENT SANS SE FOURRER DANS LE NID DES GUÊPES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 05, le 16 avril 2015

  • Pas un mot sur cet assassinat ? Un journaliste ukrainien, régulièrement, invité à la télévision russe, Oles Bouzina, a été tué, jeudi, à Kiev, il s'agit du deuxième meurtre par balles d'une personnalité d'opposition, dans la capitale ukrainienne, en 24 heures. Selon l'agence UNN, qui cite des sources médicales, le journaliste a été abattu à l'entrée de son immeuble. Le conseiller du ministre ukrainien de l'Intérieur, Anton Guerachtchenko, a confirmé l'assassinat du journaliste. La vice-présidente du mouvement ultranationaliste, Pravy Sektor, (Secteur droit), Anna Demid, a écrit, sur sa page Facebook, que M.Bouzina avait été abattu par deux personnes qui lui ont tiré dans le dos.

    FRIK-A-FRAK

    17 h 14, le 16 avril 2015

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