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Liban - TSL

Nasrallah accusait Rafic Hariri de comploter contre lui, révèle un témoin

L'ancien chef de gouvernement assurait au secrétaire général du Hezbollah qu' il n'avaliserait en aucun cas le désarmement de la résistance, selon Moustapha Nasser.

Hier, pour la première fois, un témoin appelé à la barre dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri entraînait le Tribunal spécial pour le Liban et l'assistance dans les coulisses des réunions secrètes et ultra-confidentielles qui se tenaient entre l'ancien Premier ministre et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.

Le témoignage livré hier par Moustapha Nasser, conseiller de Rafic Hariri, revêt une valeur historique certaine puisque l'homme est le premier – et probablement le seul – à pouvoir parler en connaissance de cause de ces rencontres, qu'il organisait, et qui se poursuivirent jusqu'à la date fatidique du 14 février 2005, date à laquelle l'ancien chef de gouvernement fut assassiné.
Présent à toutes ces réunions, Moustapha Nasser décrypte toute la logistique et l'organisation qui devaient les précéder, révélant la teneur des échanges qui s'étaient intensifiés au lendemain de la prorogation du mandat de l'ancien chef de l'État, Émile Lahoud, en septembre 2004, et l'adoption simultanée de la résolution 1559 du Conseil de sécurité, succédant à celle, un an plus tôt, du « Syria Accountability Act », par le Sénat américain. La 1559 prévoit le retrait des forces syriennes du Liban et le désarmement des milices, à commencer par le Hezbollah.

M. Nasser, qui avait été désigné par Hariri comme médiateur entre le courant du Futur et le parti chiite dès le début des années 90, était chargé d'organiser les rencontres avec le secrétaire général du Hezbollah, en coopération avec le bras droit de ce dernier, Hussein Khalil. La panoplie des questions qui lui ont été posées par l'accusation ont porté sur deux périodes, celle qui s'étend de 1992 à 2004, puis de septembre 2004 jusqu'en février 2005, période où ces réunions « se sont intensifiées », dit M. Nasser.
Selon le témoin, les sujets évoqués durant la première période étaient d'ordre général – les élections, les réfugiés en provenance du Liban-Sud suite aux offensives israéliennes, les fonctionnaires publics mais aussi le dossier de Solidere et le projet Élissar (réhabilitation d'un large secteur de la banlieue-sud de Beyrouth). En revanche, les deux sujets de prédilection évoqués par les deux hommes durant la seconde période étaient la présence syrienne et la résolution 1559.
Dans la période qui s'étend de septembre 2004 à la mi-février 2005, les deux hommes se sont rencontrés une quinzaine de fois dans la banlieue-sud, révèle M. Nasser. Depuis Koraytem jusqu'au lieu du rendez-vous, « c'était le Hezbollah qui était en charge et qui conduisait le convoi à destination ». Hussein Khalil, « qui n'avait pas les mêmes considérations sécuritaires que Hassan Nasralllah », est venu à Koraytem, cinq fois, dit le témoin.
Pour pouvoir organiser la logistique et définir les lieux des rencontres, des codes étaient utilisés par téléphone. « Le mot fruits signifiait que la réunion devait avoir lieu chez Hassan Nasrallah, et le mot jus, chez Rafic Hariri », dit-il.

 

(Lire aussi : « Al-Jadeed » devant le TSL le 16 avril, le décryptage de Scarlett Haddad)


L'accusation interroge alors le témoin sur deux rencontres qui ont eu lieu le 21 et le 22 décembre 2004 et sur celle du 9 janvier 2005. Le représentant du procureur, Graeme Cameron, présente un tableau montrant le mouvement des appels téléphoniques entre Moustapha Nasser et Hussein Khalil pour tenter de clarifier les dates des réunions. Cette initiative donne un avant-goût de la phase à venir au cours de laquelle l'accusation sortira probablement son argumentation relative aux données téléphoniques. La défense de l'accusé Moustapha Badreddine – qui objecte à ce jour contre l'utilisation des données télécoms qu'elle estime avoir été obtenues illégalement – conteste devant la cour l'admissibilité de ce tableau. Le président de la chambre de première instance, le juge Re, accepte finalement que le document soit utilisé comme simple « aide-mémoire » et non comme preuve.
Interrogé par le juge Re sur son témoignage préalablement livré aux enquêteurs au sujet des réunions entre Hariri et Hassan Nasrallah, le témoin raconte que le chef du Hezbollah a dit à Hariri : « Vous, vous êtes corrompu et vos gouvernements le sont tout autant. Nous avons pris nos distances précisément à cause de ce climat de corruption. »

Hassan Nasrallah lui a également reproché « d'être un allié des Américains et d'exécuter la résolution franco-américaine (1559) ». Ce à quoi Hariri lui a répondu en préconisant « l'examen d'un dossier après l'autre », suggérant qu'il pourra expliciter sa position sur chacun. Concernant la 1559, Rafic Hariri a rassuré son interlocuteur en affirmant devant lui qu'il n'avalisera en aucun cas le désarmement du Hezbollah avant la signature d'une paix avec Israël, assurant que « le Liban sera le dernier pays à la signer ».
Au sujet du retrait des forces syriennes du Liban, l'ancien Premier ministre a suggéré un redéploiement jusqu'à la Békaa, comme prévu par les accords de Taëf.
« Hassan Nasrallah a transmis ces propos aux membres de son parti, ce qui a ouvert la voie au dialogue », poursuit M. Nasser, qui souligne que le chef du Hezbollah était « très rassuré » après cette réunion.

Auparavant, Moustapha Nasser avait relaté un incident survenu en 1996 suite à un programme politique animé par Ghassan Tuéni sur la chaîne nationale, Télé-Liban. Tuéni devait diffuser une entrevue qu'il avait enregistrée avec le roi Hussein de Jordanie. À l'issue d'une promotion télévisée, Rustom Ghazalé, qui était à l'époque le chef des services des renseignements syriens à Beyrouth, a appelé le directeur du conseil d'administration de la chaîne, Edmond Naïm, et lui a ordonné d'en suspendre la diffusion. Rafic Hariri, qui détenait 50 % des actions de TL, a été alors informé du message du chef des SR syriens et a demandé à Edmond Naïm d'obtempérer. La diffusion de l'entrevue a été annulée.
Ghassan Tuéni a démissionné et rejoint la NTV pour y présenter son programme, sachant que le propriétaire de cette chaîne, Tahsin Khayat, était à couteaux tirés avec Ghazalé, confie le témoin.
« À cette période, Rafic Hariri était l'allié de la Syrie. Il était donc logique de faire en sorte d'empêcher les adversaires de la Syrie de distiller toute propagande politique ou de leur accorder une tribune pour exprimer leurs idées », explique le témoin.
Interrogé sur le projet Élissar et son impact sur la relation entre Rafic Hariri et le député du Hezbollah Ali Ammar, M. Nasser précise que le conflit entre l'ancien Premier ministre et le parlementaire chiite était marqué par le fait que ce dernier était l'élu de la circonscription de la banlieue de Beyrouth. C'est à ce titre qu'il faut comprendre son hostilité envers Rafic Hariri et « non en tant que membre du Hezbollah ».

 

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commentaires (2)

LES RÉVÉLATIONS DE TÉMOINS (?)... POUR ACCUSER LE HEZBOLLAH SE SUIVENT... QUEL CRÉDIT FAUDRAIT-IL LEUR DONNER ?

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 04, le 10 avril 2015

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Commentaires (2)

  • LES RÉVÉLATIONS DE TÉMOINS (?)... POUR ACCUSER LE HEZBOLLAH SE SUIVENT... QUEL CRÉDIT FAUDRAIT-IL LEUR DONNER ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 04, le 10 avril 2015

  • Refuser le désarmement de la milice chiite a été sans doute sa plus grande faute, que tous ses successeurs ont imitée, et qui nous a conduits où nous en sommes.

    Yves Prevost

    06 h 37, le 10 avril 2015

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