« En tant qu'Iranien de l'opposition, sachez que je suis content de cet accord. Le régime n'en sort pas honoré, mais l'Iran certainement. » Djamchid Assadi, professeur à l'École supérieure de commerce de Dijon et spécialiste de l'Iran, rappelle que « ce dossier maintenait des tensions sans intérêt » pour son pays, espérant que tout cela « touche à sa fin ».
L'objectif atteint d'un accord-cadre nucléaire entre l'Iran et les 5+1 est indéniablement une victoire diplomatique. Mais les réactions prudente de l'Arabie saoudite et décontenancée d'Israël laissent présager de lendemains pas nécessairement calmes. En attendant, l'exultation de la rue téhéranaise et les satisfactions des Occidentaux sont à la hauteur de la délivrance : 12 ans de tractations aux mille scenarii possibles et 8 jours de nuits blanches, auxquels il faut ajouter trois longs mois qui couveront, de manière attentive, un possible accord final.
On ne sait rien encore de la teneur exacte des compromis faits par les deux camps : « Les modalités restent à négocier », même si « les Américains parlent d'accord historique. Ce qui est sûr et certain, c'est que cet accord est bénéfique pour le pays, mais pas pour le régime, qui était intraitable sur la question. Bien entendu, les négociateurs ont bien fait leur travail, mais certainement pas assez, pour les durs du régime. La liesse dans les rues de Téhéran montre que le peuple ne suivait pas les radicaux. Je ne sous-estime pas le travail des négociateurs, il faut leur dire merci », insiste le chercheur.
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L'un des « paramètres-clés » des plus problématiques était sans conteste la levée des sanctions économiques adoptées depuis une dizaine d'années pour inciter Téhéran à renoncer à son programme nucléaire. Pour M. Assadi, « elles ont paralysé le pays, mais l'Iran était déjà dans l'impasse avant. On va se diriger vers une levée des sanctions, mais ce n'est pas un ordre qui se fait automatiquement, cela prendra du temps, mais on va y arriver ». L'Union européenne a d'ores et déjà prévenu que les sanctions seront levées en fonction du respect des engagements de l'Iran. « Dans l'esprit du régime, les sanctions étaient une punition. Mais il faut rappeler que, pendant des années, le discours était qu'il ne fallait pas laisser entrer d'investisseurs étrangers. Pour sortir de l'isolement diplomatique, il faudrait que l'Iran accepte de le faire de son côté. Le pays s'isolait volontairement, ne serait-ce que par sa méfiance vis-à-vis de l'Occident, et de ses prises de position. Avec cet accord, l'Iran a une grande opportunité à saisir pour rompre de cet auto-ostracisme. J'espère qu'il va saisir cette occasion », explique le chercheur.
Au vu de la dernière déclaration de Hassan Rohani, hier, il est à espérer de sa bonne foi à ouvrir une « nouvelle page », même si cet accord ne sera pas la panacée de la profonde crise économique qui strangule le pays : « C'est le premier pas vers une coopération productive avec le monde », a souligné le président.
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« Jeu d'équilibriste »
Le président Rohani va-t-il récolter tous les lauriers de cette issue favorable des négociations de Lausanne ? Pour M. Assadi, « le président va en sortir renforcé, mais c'est à double tranchant ». En effet, « économiquement, il va profiter d'un choc psychologique positif, de même que d'une certaine parité de la devise nationale sur l'euro et le dollar. Sa popularité va grimper et le peuple sera un tout petit plus indulgent envers lui, pour un moment ». Concernant le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, qui n'a jamais semblé croire en un dénouement possible, c'est autre chose : « Les durs du régime vont mal réagir, mais, bien entendu, pas Khamenei, du moins officiellement. C'est un joueur d'échecs. Il véhicule une image de n°1, mais, en réalité, ce n'est pas le cas. Les Gardiens de la révolution sont le plus grand groupe d'influence économique en Iran. De plus, Khamenei n'aime pas l'Occident et je ne crois pas qu'il a changé profondément. Sa position dépend de son jeu d'équilibriste, il est sceptique, mais il fera tout pour s'approprier cette réussite, le fruit de sa grande clairvoyance », ironise Djamchid Assadi.
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« Nous avons des tensions et même de l'hostilité avec certains pays, et nous aspirons à la fin de ces tensions et de ces hostilités », a assuré le président iranien hier, lors de son discours télévisé. Mais quel avenir se tissera désormais pour la région si un accord final est signé le 30 juin prochain ? « Cet accord est bénéfique pour l'Iran, mais il ne rassure pas ses proches voisins arabes, ni plus lointains tels que le Pakistan, la Turquie et encore moins Israël. Si l'Iran ne baisse pas de manière concrète la tension dans la région, cela va être très dur, surtout en cette période où les tensions entre chiites et sunnites est au plus haut point avec la crise yéménite », affirme le chercheur. Ainsi, « soit l'Iran se dit : nous avons l'accord et les voisins, on s'en moque – mais cela serait suicidaire car on ne choisit pas ses voisins –, soit il fera montre de clairvoyance », conclut M. Assadi.
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commentaires (7)
Un accord aussi fumeux...que virtuel ....comme la feuille de route sans devenir ...mais... , disent 'ils avec une direction dans le temps et l'espace ...! elle permettra donc, à l'Iran de crier victoire et de continuer a enrichir discrètement l'atome divin...et ...a Obama de finir paisiblement son mandat en faisant croire à une victoire possible mais pas immédiate (lol) ....! (d'ailleurs méfiance ,les éventuelles autres victoires d'Obama à l'international ,nous n'en connaissons pas...!)
M.V.
15 h 21, le 04 avril 2015