Inquiète du rapprochement entre les États-Unis et l'Iran, l'Arabie saoudite a pris les choses en main pour défendre ses intérêts en dirigeant depuis une semaine la campagne militaire contre des rebelles chiites au Yémen, son arrière-cour. « L'indifférence de l'Amérique devant les inquiétudes saoudiennes et l'intérêt croissant des États-Unis à coopérer avec l'Iran » font partie des multiples raisons qui ont poussé Riyad à envoyer ses avions bombarder le Yémen, estime Anoush Ehteshami, professeur de relations internationales à l'Université de Durham. « L'escalade rapide du conflit reflète l'anxiété du Golfe par rapport aux négociations nucléaires avec l'Iran », souligne aussi Jane Kinninmont, spécialiste du Moyen-Orient à l'institut Chatham House à Londres.
« Les Saoudiens sont arrivés à la conclusion que personne ne viendrait à leur secours si l'Iran prenait pied au Yémen et établissait un Hezbollah yéménite dans le but de pratiquer une diplomatie coercitive », explique quant à lui Hasan Barari, professeur de relations internationales à l'Université du Qatar. Riyad est aussi « frustré » par ce qui est perçu par de nombreux Arabes comme « un désengagement américain de la région », ajoute cet expert. Les monarchies du Golfe se sont ainsi senties abandonnées pendant les quatre premières années du conflit syrien par Washington, qui n'a pas agi de manière décisive pour évincer le président Bachar el-Assad. Et dans la dernière ligne droite des négociations sur le dossier nucléaire iranien, les Saoudiens sont devenus « beaucoup plus nerveux » devant la perspective de voir « l'Amérique se détourner du monde arabe en se focalisant sur l'Iran », explique M. Ehteshami. L'Arabie saoudite veut parallèlement « envoyer un message clair à l'Iran selon lequel il fait face à une riposte des puissances régionales », dit Mme Kinninmont.
« Finie l'Arabie prudente »
L'intervention au Yémen démontre également que le nouveau roi Salmane, qui a accédé au trône saoudien fin janvier, est prêt à prendre des décisions majeures pour protéger les intérêts saoudiens. « La perception traditionnelle d'une Arabie saoudite prudente, agissant en coulisses, est de plus en plus dépassée. L'Arabie saoudite est maintenant dans un rôle proactif dans la région », relève M. Ehteshami.
L'alliance formée par l'Arabie saoudite et cinq autres monarchies du Golfe est la première à opérer en dehors du commandement de Washington ou de l'Otan, bien qu'un responsable diplomatique du Golfe ait déclaré que les participants cherchaient actuellement à obtenir une caution internationale.
« Nous travaillons pour obtenir une résolution de l'Onu, comme celle sur le Mali », adoptée après l'entrée en action des forces françaises en 2013, a précisé ce responsable.
Selon Jane Kinninmont, l'Iran n'a pas beaucoup d'options car il « ne veut pas sacrifier les négociations nucléaires sur l'autel du Yémen qui n'occupe pas une position centrale pour ses intérêts ». Sa « stratégie consistera à continuer à utiliser des intermédiaires. Les houthis sont pour eux des intermédiaires parfaits », conclut Anoush Ehteshami.
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LES DÉCULOTTAGES PERC(S)ÉS... OU LE DÉCULOTTAGE MASTODONTIEN ? IL RESTE À VOIR ! ENTRETEMPS LES OCCICONS VOYAGENT... SOURIANT AVEC HÉBÉTUDE... SUR LA BARQUE PERC(S)ÉE...
LA LIBRE EXPRESSION
11 h 16, le 03 avril 2015