Rechercher
Rechercher

Trous de mémoire

Bourrée d'outrances et de contre-vérités, l'argumentation se passait absolument de tout commentaire ; mais c'était compter sans les nouvelles fournées d'inepties débitées tambour battant par le Hezbollah. Et qui étaient censées étayer – ou au contraire édulcorer, on ne s'y retrouve plus – l'incendiaire discours prononcé vendredi dernier par le chef de cette milice.


Oubliant apparemment que ses propres troupes sont enlisées jusqu'au cou en terre étrangère, où elles prêtent main-forte à une dictature des plus sanguinaires, Hassan Nasrallah s'était offusqué de l'intolérable ingérence militaire saoudite dans le conflit du Yémen. Voilà qui lui valait une cascade de réactions encore plus indignées, qu'un porte-parole tentait d'endiguer en affirmant que les critiques n'avaient rien compris, qu'ils avaient tout faux, qu'ils avaient raté le plus important : à savoir un vertueux appel du sayyed à un dialogue fraternel entre les protagonistes, en vue d'un règlement politique au Yémen.


Le pathétique coup de pommade n'aura toutefois servi à rien. Car, entre-temps, c'est un ministre du Hezbollah qui montait au créneau pour contester le bien-fondé, et même le caractère légal, de la position libanaise telle que déclinée, devant le sommet arabe de Charm el-Cheikh, par le chef du gouvernement, Tammam Salam, qui s'est pourtant évertué à ménager la chèvre et le chou. Un Liban se tenant à l'écart des axes régionaux, soutenant l'unité du Yémen et favorable à une force arabe ayant pour objet de lutter contre le terrorisme ? Peut-être bien, mais la ligne officielle n'a pas été préalablement arrêtée par le Conseil des ministres : c'est ce qu'objecte ce grand démocrate de Hezbollah. Lequel oublie (ah, encore ces trous de mémoire !) qu'il n'a jamais songé à solliciter l'accord du gouvernement pour s'en aller guerroyer en Syrie. Ou encore pour abreuver d'insultes les monarques du Golfe, au risque de compromettre le gagne-pain des centaines de milliers de Libanais travaillant dans l'eldorado pétrolier.


Mais passons plutôt à l'étage supérieur, celui des patrons iraniens. Pour Téhéran qui se targue de contrôler déjà quatre capitales du Proche et du Moyen-Orient, Sanaa aura apparemment été la bouchée de trop : celle qu'on ingurgite quand on a eu les yeux plus gros que le ventre et que, de surcroît, on a piquée dans l'assiette du voisin. Le Yémen, le détroit de Bab el-Mandeb, c'est presque déjà l'Arabie saoudite, une Arabie depuis des années inquiète de l'expansionnisme des mollahs : une Arabie terrifiée par l'éventualité d'un quelconque marché irano-américain en marge d'un accord sur le nucléaire et qui n'avait plus d'autre choix qu'une action militaire.


Le plus remarquable cependant est la célérité avec laquelle Riyad est parvenu à embrigader une dizaine d'autres États – et non des moindres – dans son équipée et à promouvoir le projet d'une force d'intervention panarabe. L'idée n'est guère nouvelle, certes, et sommairement mise en œuvre, elle a présidé à plus d'une défaite des armées arabes coalisées face à Israël. Mais, autre et singulier phénomène d'amnésie, qui donc se souvient encore d'Israël dans ce monde arabe en proie à d'inextinguibles haines sectaires et où s'affrontent, sur divers théâtres, des islamismes ennemis ?


On a de la peine à s'y résigner, mais les faits sont là : pour les coalisés d'aujourd'hui, c'est le péril iranien qui prend clairement le pas désormais sur l'israélien. Singulier exploit, en vérité, pour les pieux nostalgiques de Darius...

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Bourrée d'outrances et de contre-vérités, l'argumentation se passait absolument de tout commentaire ; mais c'était compter sans les nouvelles fournées d'inepties débitées tambour battant par le Hezbollah. Et qui étaient censées étayer – ou au contraire édulcorer, on ne s'y retrouve plus – l'incendiaire discours prononcé vendredi dernier par le chef de cette milice.
Oubliant...