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Liban - Sécurité nationale

Quand la société civile s’allie à l’institution militaire pour définir les politiques publiques

Le Centre de recherches et d'études stratégiques de l'armée engage une réflexion globale sur les réformes

Le directeur exécutif du Civic Influence Hub, entouré de Ziad Sayegh et du général Ziad Hachem. À droite, la modératrice de la conférence, notre collègue Denise Rahmé Fakhry.

C'est du jamais-vu : des officiers de l'armée parmi les plus hauts gradés de la nation, assis côte à côte avec des membres de la société civile, des représentants des médias et du monde académique, pour réfléchir ensemble à l'avenir du pays. Une réflexion qui se veut productive et consacrée dans un plan d'action bien ciblé. Désormais, il n'est plus question d'un simple cénacle dans lesquels on se gargarise de mots, assure-t-on dans ce milieu. Pour les organisateurs – le Centre de recherches et d'études stratégiques de l'armée avec la collaboration du Civic Influence Hub, un groupe de pression – ainsi que pour les participants, le mot d'ordre est désormais à l'action.

C'est en bref l'impression avec laquelle l'on ressort de cette conférence inédite, placée sous le thème de la « sécurité nationale ». Un concept entendu non plus sous le seul angle de la sécurité militaire, mais aussi dans une perspective de réformes globales. Celles-ci sont envisagées dans le cadre de « systèmes opératoires » guidant les politiques publiques en matière de développement social et de croissance économique. L'objectif est de parvenir à mettre en place un véritable « contrat citoyen fédérateur et productif », comme le précise un communiqué issu des débats qui ont eu lieur hier au Club central militaire, au Bain militaire.

Cette assemblée qui représentait différentes forces politiques (Futur, CPL, FL, Kataëb, PSP) et des représentants de la société civile –universitaires, médias, syndicats, diplomates – est appelée à faire une réflexion en plusieurs phases sur les moyens susceptibles de renforcer l'immunité du Liban sur plusieurs fronts, après un constat d'échec cuisant sur tous les plans, dressé à tour de rôle par les conférenciers.

Un groupe de pression en devenir
« Ce qui nous rassemble aujourd'hui, c'est l'aspiration à un Liban régénéré sur fond de stabilité, d'une croissance économique unificatrice, dans un esprit de coexistence productive et non plus stérile. » C'est par ces mots que Nehmat Frem, membre du conseil d'administration du Civic Influence Hub, introduit l'esprit de la conférence.

Le bilan que l'intervenant fait des politiques publiques est on ne peut plus sombre : défaillances structurelles qui s'éternisent aux plans économique et social, déséquilibres entre secteur public, secteur privé et société civile, et manque de vision à tous les niveaux. À cela vient s'ajouter le fait que le pays continue d'être otage des turbulences régionales et internationales, sans aucun lien avec l'intérêt national suprême, rappelle M. Frem. Autant de déficiences auxquelles le Civic Influence Hub – en sa qualité de « groupe de pression » – est désormais déterminé à s'attaquer en œuvrant à inverser le cycle infernal. En effectuant d'abord un état des lieux à partir d'approches multilatérales – économique, sociale, idéologique –, quel Liban voulons-nous ? – écologique, politique et militaire, sans oublier d'inclure les émigrés dans la dynamique, qui ne doivent plus être considérés sous le seul angle de leur apport financier mais à travers une approche proactive.
Le général Ibrahim Barouk ajoutera au tableau « l'approche intellectuelle et morale » à même de préserver les valeurs et de stimuler la réflexion.

« L'État-butin »
Ancien président du Conseil supérieur de la magistrature, le juge Ghaleb Ghanem égrène les obstacles jalonnant la vie publique, en proposant des issues de sortie. Au communautarisme qui s'oppose à la collectivité et à la nation, il propose l'État moderne constitutionnel. À l'individualisme politique, celui de la culture démocratique. À la « débrouillardise à la libanaise », la compétence et la reddition de comptes. Aux intérêts personnels, au clientélisme et au népotisme, la culture de la solidarité sociale.

« Nous voilà depuis un an sans président, face à un Parlement au mandat prorogé et en violation de la Constitution, devant un gouvernement pratiquant une démocratie consensuelle plus proche de l'obstruction que de la production », commente à son tour le professeur Ziad Sayegh, directeur exécutif du Civic Influence Hub. Et ce dernier de dénoncer le morcellement confessionnel et communautaire du pays que répercutent « les partis politiques, les institutions publiques, certains médias, mais aussi la réalité géographique dans une large part ». Aux médias, il adresse une question sous forme de reproche : pourquoi faire prévaloir les intérêts des politiques en lieu et place des intérêts du citoyen ? se demande l'intervenant.

En bref, « nous sommes en présence d'un État-butin », lance l'ancien ministre Tarek Mitri. Un État où s'effectue la distribution des quotes-parts du pouvoir et qui peine à s'émanciper de ce dernier. Nous sommes en présence également de « gouvernements incapables de définir des politiques publiques et qui se contentent – si jamais ils arrivent à une décision – de s'entendre parfois, de parvenir à des trocs et à la distribution des quotes-parts le plus souvent. Un exercice qui, dans les deux cas, s'effectue selon des calculs à court terme », dénonce-t-il. « Comment voulez-vous examiner des systèmes opératoires avec un exécutif qui ne définit jamais des orientations générales fondées sur des choix construits sur la connaissance stricte, et l'anticipation et la prévention ? » s'insurge encore le conférencier.

C'est de lui que l'on apprendra également que des « sommes de plusieurs millions, voire des milliards de dollars », ont déjà été dépensées sur des centaines d'études consultatives, en vue d'un meilleur fonctionnement des institutions publiques, « sans jamais produire aucun résultat concret ». Les projets de lois pourrissent dans les tiroirs des parlementaires, témoigne encore l'ancien ministre pour qui « anticiper l'avenir et prévoir (...) est un sport que nous ne pratiquons jamais ». En somme, c'est un État où prévaut la culture du « falloir » et non du « faisons ».
Et de préconiser la nécessité de mettre un terme à la propension des politiques de puiser inlassablement dans les ressources de l'État comme bon leur semble. En somme, il serait bien temps de commencer par effectuer une nette « distinction entre l'État et le pouvoir de sorte à empêcher le dernier d'étendre son hégémonie sur le premier ».

Pas de sécurité nationale sans économie. C'est la formule que s'efforcent également de décliner les intervenants à tour de rôle, qui répètent à l'envi l'importance des approches multisectorielles, dont la garantie des services sociaux pour tous et l'édification de la « sécurité économique » dans son sens le plus global : au plan international, impliquant les institutions financières mondiales, au plan régional, de sorte à assurer la complémentarité économique, et enfin nationale, précise le vice-gouveneur de la Banque centrale, Raed Charafeddine.

C'est du jamais-vu : des officiers de l'armée parmi les plus hauts gradés de la nation, assis côte à côte avec des membres de la société civile, des représentants des médias et du monde académique, pour réfléchir ensemble à l'avenir du pays. Une réflexion qui se veut productive et consacrée dans un plan d'action bien ciblé. Désormais, il n'est plus question d'un simple cénacle...

commentaires (2)

C'est beau a lire et a entendre , c'est moderne que l'armée échange avec la société civile , pour essayer de déterminer , dans le temps et l'espace les intérêts suprême de la nation.... hélas , la mise en œuvre d'une pareille direction politique ...passe par le grand nettoyage national ...! quelques exemples détonants parmi plusieurs..., abrogation des accords de Taëf, abrogation des accords du Caire, suppression de TOUTES les milices et autres groupes armés dans les camps et au national ...après ce minimum de pacification démocrate ...il y aura sûrement de la place et de l'espoir , pour mettre en place un dialogue constructif inter-citoyens et armée/société civile....

M.V.

12 h 34, le 01 avril 2015

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Commentaires (2)

  • C'est beau a lire et a entendre , c'est moderne que l'armée échange avec la société civile , pour essayer de déterminer , dans le temps et l'espace les intérêts suprême de la nation.... hélas , la mise en œuvre d'une pareille direction politique ...passe par le grand nettoyage national ...! quelques exemples détonants parmi plusieurs..., abrogation des accords de Taëf, abrogation des accords du Caire, suppression de TOUTES les milices et autres groupes armés dans les camps et au national ...après ce minimum de pacification démocrate ...il y aura sûrement de la place et de l'espoir , pour mettre en place un dialogue constructif inter-citoyens et armée/société civile....

    M.V.

    12 h 34, le 01 avril 2015

  • C'est du jamais-vu ! Si, si au Chili : des officiers de l'armée parmi les plus hauts gradés de la nation, assis côte à côte avec des membres de la société civile, des représentants des médias et du monde académique, pour réfléchir ensemble à l'avenir du pays. Une réflexion consacrée dans un plan d'action bien ciblé. Pour les organisateurs, le Centre d'études stratégiques de l'armée avec la collaboration du Civic Influence Hub ; un groupe de pression (de qui et pourquoi) ; le mot d'ordre est désormais à l'action ! "L'action" en vue d'établir au Liban, après la fin de la parenthèse hezbollah, un régime militaire futur ou quoi ? C'est quoi encore l'embrouille, à la fin ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 23, le 01 avril 2015

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