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Culture - Conférence

Tarek Mitri, héritier spirituel de hajj N’oula ?

Président du comité du musée Nicolas Sursock, l'ancien ministre a inauguré le cycle de conférences organisé par Akram Najjar au WAAAUB par une délectable causerie autour du musée, de sa création et de son projet de rénovation, mais aussi sur le stress post-traumatique, sur la curiosité, sur la nostalgie et sur les tantes d'Achrafieh...

Tarek Mitri : « Je préfère me souvenir du passé et non pas le regretter. » Photo Sami Ayad

Un demi-siècle en arrière
« En 2010, afin de convaincre de potentiels électeurs, un candidat au siège de député à Tripoli promettait de faire de son mieux pour ramener la ville 50 années en arrière. Et je peux vous dire qu'il a reçu pas mal de votes, notamment de la part de personnes nostalgiques du passé. » Cette anecdote racontée par Tarek Mitri en guise de préambule à la causerie illustre parfaitement, selon lui, le rapport d'une grande partie de nos compatriotes au passé souvent idéalisé, magnifié et regretté.

 

Nostalgie
La nostalgie. Voilà, le mot est lâché. Un mot dont l'ancien ministre avoue ne pas être trop friand. « Dans nostalgie, il y a regret. Je préfère me souvenir du passé et non pas le regretter. De plus, la nostalgie est sélective », estime celui qui se prononce clairement en faveur d'un travail de mémoire collectif, dans un pays tombé dans une « amnésie léthargique et sélective ». « Après la guerre, nous avons décidé de tourner la page, d'oublier le passé. Cette réaction, parfait exemple d'un trouble de stress post-traumatique, explique pourquoi nous sommes embarrassés de raconter les histoires de nos vies passées. »

 

Curiosité
« Nos enfants voudraient bien qu'on partage avec eux tous ces non-dits, ces souvenirs que nous avons étouffés du Liban de jadis. Ils sont curieux de tout, de leur identité, de leur ville, de son identité passée. » Pour M. Mitri, c'est à eux, en bonne partie, que s'adresse ce musée, passeur de civilisations mais aussi d'histoires.

 

Tantes d'Achrafieh
« Ah mais je croyais que le comité du musée Sursock était constitué de "tantét" (tantes) d'Achrafieh uniquement ! » s'étonnent les interlocuteurs de Tarek Mitri lorsque ce dernier divulgue, avec une fierté non cachée, son appartenance au fameux comité. Sa réponse fuse : « Il y a des tantes, mais aussi des neveux ! »
L'ex-ministre ajoute, avec un petit sourire en coin, que le musée Sursock ne sera plus exclusivement francophone dans sa communication. « Arabophone, en premier lieu, puis anglophone et francophone, évidemment. » Donc ni tante ni « frangi ». Cela dit, une équipe féminine, jeune et dynamique, entoure la directrice du musée, Zeina Arida Bassil : Elsa Hokayem, directrice adjointe ; Yasmine Chemali, responsable des collections du musée ; Nora Razian, chargée de la programmation, et Murielle Kahwaji, attachée de communication.

 

Musée et polémique
« Une association a récemment organisé une vente aux enchères pour renflouer son projet de création d'un musée d'art contemporain. Tout en étant fier de ce projet, je tiens à préciser que, contrairement à ce que cette association affirme, il ne s'agit pas du premier musée d'art contemporain au Liban. Ces allégations sont fausses. Et peu aimables envers le musée Sursock. Et envers Beyrouth, d'ailleurs. »

 

Polyglotte modeste
Outre un arabe bien maîtrisé et utilisé à bon escient lors de son investiture au ministère de l'Information, le francophone politologue s'est exprimé, durant la conférence, dans un anglais où sursautaient des accents très british. Et c'est avec des intonations oxfordiennes que M. Mitri a avoué plusieurs échecs, notamment dans la prorogation des lois pour soutenir le secteur culturel et la sauvegarde des anciennes bâtisses. Rares sont les hommes politiques, en général, et libanais, plus particulièrement, qui reconnaissent leurs échecs...

 

Hajj N'oula
En 1912, hajj N'oula (Sursock) a construit une belle demeure, à l'architecture distincte. Belle dame blanche, mi-vénitienne, mi-ottomane, dans le secteur de Rmeil. Selon les vœux testamentaires de son créateur, décédé en 1951, cette demeure a été établie en waqf et confiée à la charge du président du conseil municipal de Beyrouth afin de devenir un musée. Camille Aboussouan, élu conservateur, inaugure le musée en 1961 avec une exposition d'artistes libanais. Plus d'une centaine d'expositions ont été organisées depuis, jusqu'à sa fermeture en 2008 pour rénovation et expansion.

 

« Seven year itch »
Fermé depuis 2008 pour extension et rénovation par les architectes Jean-Michel Wilmotte et Jacques Abou Khaled, le musée doit rouvrir le 1er octobre. Sept années de travaux, durant lesquelles le musée à présenté plusieurs fois son Salon d'automne, en déplacé, au Biel ou au musée de la Découverte dans le centre-ville. Sept longues années durant lesquelles un sous-sol a été creusé (20 mètres sous le jardin) et le grand escalier extérieur démonté puis reconstruit, afin de renforcer les fondations.

 

Cerises ou citrons ?
« Karaz w Laymoun ». Cerises et citrons. C'est sous ce joli intitulé printanier qu'Akram Najjar a lancé sa série de conférences et rencontres culturelles d'abord au musée Moawad, puis à l'AUB, au sein de la WAAAUB (Worldwide Alumni Association of AUB). C'est donc au Mary Dodge Hall, jolie bâtisse nichée entre les arbres, au sud-est du campus universitaire, que les passionnés de musique, de lecture, de cinéma ou d'art tout court, se retrouvent une fois par semaine, parfois deux, autour d'un pot, et discutent ardemment de sujets parfois un peu pointus (un concerto pour violon de Brahms, un film de Samira Makhmalbaf) parfois grand public, mais toujours très intéressants et instructifs. Reste à signaler que, pour les organisateurs, Karaz, ou les cerises juteuses et sucrées, symbolisent les activités culturelles. Et Laymoun, ou citrons, illustre l'aspect acide et amer de l'actualité sociale. Mi-figue, mi-raisin, en somme.

 

SS -2 et RDC
C'est au 2e sous-sol (SS-2) du musée Sursock que se tiendront les grandes expositions thématiques, des coproductions, à raison de trois par an.
Dans les « Twin Galleries », au rez-de chaussée, les cimaises accueilleront les œuvres de jeunes artistes émergents ou en en ascension. À raison de quatre expositions par an.
La collection permanente du musée sera également exposée et sera « dynamisée » avec diverses activités.

 

Chiffres à l'appui
– La surface totale du nouveau musée Sursock compte 8 500 m2, incluant le jardin
– Les surfaces d'exposition sont de 3 000 m2 car l'esplanade accueillera également des activités multiples comme des installations, des performances...
– Presque 1 000 œuvres, c'est le noyau de la collection éclectique du musée, constitué essentiellement de peintures, de sculptures, de céramiques et d'art graphique, datant de 1920 à 1980. La collection compte également des gravures japonaises, une collection d'art islamique, des tapis, une Bible rare, le premier Coran imprimé de Hambourg.
– Douze millions de dollars : le coût total de la rénovation.

 

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