On a tellement glosé sur la résilience des Libanais face aux épreuves, que la réalité a fini par dépasser la fiction la plus débridée. L'élection d'un chef de l'État ? Néant ! Des législatives pour un nouveau Parlement ? Ballepeau! Un budget pour gérer les officines poubelles? Que dalle ! Un nouveau Conseil constitutionnel ? Bernique !
On allonge, rallonge et prolonge les mandats par paresse mentale et l'on enfile à grands coups de cymbales les poncifs autosatisfaits, assortis de pensées définitives sur les « vertus du dialogue », « le respect de la différence », « l'écoute de l'Autre » et naninanère... Traduction sans langue de bois : tout le monde s'en tape. Nous aussi !
Alors la classe politique s'ennuie et a brusquement découvert le Yémen. Un sujet en or qui permet déjà aux uns et aux autres de se castagner, pendant que les gueux d'en bas, oubliant la crise et le chômage, les applaudissent bouche bée et touffe au vent. De toute façon, avec des arguments aussi débiles, ils auraient tout aussi bien acclamé un réverbère.
Donc si l'on résume bien, le courant du Futur appuie la dérouillée portée par les Saoudiens aux rebelles yéménites. Pour la Barbichu Family, l'équation est toute simple : quoi que fassent les Ben Abdel Zizou, ils ont raison. Même s'ils proclament que le désert est enseveli sous la neige ou que la planète est plate.
À l'autre bout du cirque, chez le parti barbu, c'est kif-kif mais sur le revers du miroir : tout ce qui n'est pas iranien, c'est caca ! Faire des cartons en Syrie, c'est de la résistance, mais bouffer du Houthi au Yémen, c'est de l'hégémonie... La politique, c'est l'art de l'adaptation.
Les chrétiens, qui pourtant se fichent du Yémen et des Yéménites comme de leur première messe en latin, entendent eux aussi se placer. Ainsi le Tondu de Maarab, à qui on n'a rien demandé, encourage à fond le hachage menu des rebelles chiites, pendant que le Basileus, notre ministre du Dehors, s'est emberlificoté dans une gymnastique rhétoricienne de laquelle il ressort qu'il est pour un effort arabe commun... si « toutes les parties » sont d'accord. Qu'il est dur de ménager le Hezbollah sans insulter l'avenir...
Incorrigible classe politique ! Ce n'est pas parce qu'elle n'a jusque-là servi à rien, qu'elle ne sera pas capable d'être inutile cette fois encore.
gabynasr@lorientlejour.com
On allonge, rallonge et prolonge les mandats...
commentaires (8)
Un vrai chef-d'œuvre. Gaby Nasr s'est surpassé aujourd'hui. Pratiquement chaque phrase emmene un fou-rire. Oserais-je espérer qu'on aura ce magnifique billet deux fois par semaine dorénavant? Merci M. Nasr, votre sens de l'humour et votre imagination sont inégalables.
Fady Challita
12 h 48, le 01 avril 2015