Rechercher
Rechercher

Liban - La situation

La critique du Hezbollah à Salam, un message de Téhéran aux Arabes

L’ancien président de la République, Michel Sleiman, recevant hier l’ambassadeur d’Arabie saoudite. Photo Ani

Que l'intervention militaire arabe au Yémen soit analysée par les alliés de l'Iran comme le déclencheur du face-à-face Téhéran-Riyad, revêtant tous les signes d'une montée aux extrêmes confessionnels au service d'Israël, ou qu'elle soit perçue, par la Ligue arabe notamment, comme le signe d'un « éveil » arabe modéré, accéléré par la menace d'un expansionnisme régional de la République islamique (ou « Perse islamique », pour reprendre la dénomination de Walid Joumblatt), aux aspirations hégémoniques inconciliables avec l'unité arabe, la modération sunnite, ou encore la résolution du conflit israélo-palestinien : ce tournant régional n'a fait que provoquer, au Liban, un réajustement des prises de position, qui reste contenu par le souci partagé de préserver la stabilité du pays.

Le réquisitoire de Hassan Nasrallah contre l'Arabie saoudite a été tempéré, au niveau local, par la nécessité de dialoguer « malgré tout ». Cet impératif de dialoguer constitue d'ailleurs le fil conducteur des différentes prises de position, quelque peu ambivalentes, ayant émané du Hezbollah depuis le début de l'offensive arabe contre les houthis.
Néanmoins, la déclaration faite hier par le ministre de l'Agriculture, Hussein Hajj Hassan, a paru se démarquer de ce discours. Accusant le Premier ministre Tammam Salam d'avoir appuyé, à Charm el-Cheikh, l'intervention arabe au Yémen et la formation d'une force militaire arabe conjointe sans avoir consulté préalablement le gouvernement sur ces questions controversées, le ministre hezbollahi a assuré qu'il soulèverait la question, avec son collègue Mohammad Fneich, à l'ouverture de la prochaine réunion du Conseil des ministres. Alors que le Premier ministre est arrivé hier soir au Koweït pour prendre part à la troisième conférence des pays donateurs pour la Syrie, les membres de la délégation qui l'accompagnent étaient « trop occupés par les moyens d'obtenir de l'aide au Liban pour la gestion du dossier des réfugiés syriens », si bien qu'ils se sont délibérément abstenus de tout commentaire sur la position du ministre du Hezbollah.

Néanmoins, la position de Hussein Hajj Hassan n'a pas manqué de susciter des questions dans les milieux du 14 Mars à Beyrouth. Pour le ministre d'État pour la Réforme administrative, Nabil de Freige, interrogé hier par L'Orient-Le Jour, la critique adressée au discours du Premier ministre « diffère nettement des premières réactions recueillies dans les médias auprès de responsables du Hezbollah, qui s'étaient contentés d'affirmer que la déclaration du Premier ministre à Charm el-Cheikh, défendant notamment tout ce qui protégerait l'unité du Yémen, pouvait avoir plusieurs interprétations ». Le ministre du Futur ne peut que s'interroger sur « les raisons de ce revirement ». S'il laisse entendre que celui-ci pourrait être le résultat « d'un ordre de Téhéran », il s'abstient de spéculer sur une possible démission des ministres du Hezbollah (aux côtés de ceux du Courant patriotique libre).
La fin du gouvernement Salam signifierait que le chaos peut régner au Liban, préludant à l'ouverture d'un nouveau front. Si les milieux du Futur s'entendent à affirmer que l'ouverture du front libanais est « tributaire de la seule volonté de Téhéran », il est très peu probable pour l'instant que la critique adressée au Premier ministre en soit un présage.


(Lire aussi : Le réquisitoire de Nasrallah contre Riyad, une offensive à effets très limités)


Il existe en effet trois impératifs, ou lignes rouges, qui définiraient ainsi, pour l'instant, l'équation interne : le maintien de la stabilité, de la bonne marche du gouvernement et du dialogue.
D'ailleurs, c'est sans remettre en question ce triptyque qu'une source du 14 Mars analyse la critique soudaine adressée par le Hezbollah au Premier ministre : elle n'aurait pas pour but d'avoir un impact sur la scène interne. La position du Hezbollah s'inscrit dans l'ordre des choses et relève d'un souci de cohérence, mais elle est surtout « stratégique », puisqu'elle a pour objectif direct « d'adresser un message iranien aux Arabes, leur signifiant que le Liban n'est pas un terrain acquis pour eux, et que le Hezbollah n'est pas isolé », comme a pu l'insinuer la prestation télévisée de son secrétaire général, vendredi dernier.
D'ailleurs, le ministre Mohammad Fneich a clairement exprimé hier la teneur de ce message : « Personne ne peut renvoyer nos peuples à l'époque de la soumission. Cette période est révolue depuis la victoire de la révolution islamique en Iran, qui est une épine dans leurs yeux, et depuis la résistance du Hezbollah et la magnifique résistance en Syrie ».

En outre, ce message du Hezbollah à Tammam Salam servirait subsidiairement à renflouer le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, dont les positions diplomatiques en contradiction avec la politique de distanciation du gouvernement, notamment la semaine dernière à New York, ont été plus d'une fois désavouées, selon la source du 14 Mars.
D'ailleurs, l'ancien président de la République Michel Sleiman, qui s'est entretenu hier avec l'ambassadeur d'Arabie, Ali Awad Assiri, devait revenir ensuite, lors d'une réunion avec les trois ministres qui le représentent au sein du cabinet Salam, sur « le retrait de la mention de la déclaration de Baabda des recommandations finales de la dernière conférence du Groupe d'appui au Liban, à New York, à la demande de la diplomatie libanaise ».
À cela, des milieux du 14 Mars assurent néanmoins à L'OLJ que « ni les manœuvres d'intimidation du Hezbollah ni même de nouveaux assassinats politiques ne pourraient amortir la lancée des pays du Golfe », puisque « toutes ces manœuvres influent peu, en fin de compte, sur le cours global des événements qui se déroulent dans la région... ».

 

Lire aussi
Faute d'importance stratégique, le Qalamoun sert d'abcès de fixation au régime syrien pour déstabiliser le Liban

Les familles des militaires pris en otage relancent leur mouvement de protestation

Pour Aoun, cette fois, ce sera « soit la présidence, soit le retrait de la vie politique »..., l’éclairage de Philippe Abi-Akl

Que l'intervention militaire arabe au Yémen soit analysée par les alliés de l'Iran comme le déclencheur du face-à-face Téhéran-Riyad, revêtant tous les signes d'une montée aux extrêmes confessionnels au service d'Israël, ou qu'elle soit perçue, par la Ligue arabe notamment, comme le signe d'un « éveil » arabe modéré, accéléré par la menace d'un expansionnisme régional de la...

commentaires (3)

À QUAND LES CHIITES LIBANAIS... À L'IMAGE DES SUNNITES D'AUJOURD'HUI... SE SENTIRAIENT LIBANAIS AVANT TOUTE AUTRE ALLÉGEANCE ?

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 28, le 31 mars 2015

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • À QUAND LES CHIITES LIBANAIS... À L'IMAGE DES SUNNITES D'AUJOURD'HUI... SE SENTIRAIENT LIBANAIS AVANT TOUTE AUTRE ALLÉGEANCE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 28, le 31 mars 2015

  • Quelques soient les messages des uns aux autres et quelques soient les efforts que les parties Libanaises vont entreprendre pour essayer de raisonner les larrons qui se sont vendus, en l’occurrence le Hezbollah et ses sbires, aux plus offrants, dans notre cas l'Iran, il y a une seule certitude qui pointe a l'horizon, c'est que nous nous débarrasserons pas du Hezbollah sans une nouvelle guerre. Quand et comment se déclenchera-t-elle la est toute la question. Dialoguer pour perdre le plus de temps possible est le rôle du parti Perse et le 14 Mars essaye d’éviter cette inéluctable fin. Nous espérons toujours que les Aounistes et le parti Amal se réveillent a temps pour mettre suffisamment de pression sur les enfants prodigues avant qu'il ne soit trop tard, car la direction que prennent les combats en Syrie indique que même la bas ils n'auront pas de place ou se cacher. Serait-ce le "One way ticket" pour Téhéran?

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 37, le 31 mars 2015

  • LA SITUATION. Plus que jamais les Libanais se cognent à la réalité sans échappatoire : Le Hezbollah a un Liban à lui (fateh 3a hsebou), partie intégrante de l'empire perse islamique. Cela d'ailleurs est contagieux : il s'avère que le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil également "fateh 3a hsebou". Un chaos total. Hélas !

    Halim Abou Chacra

    05 h 25, le 31 mars 2015

Retour en haut