Géographiquement, le Qalamoun est une région montagneuse de l'ouest de la Syrie, située sur le versant oriental de l'Anti-Liban. Du côté libanais, cette zone fait face au caza de Baalbeck. Elle compte parmi ses localités Yabroud, tombée entre les mains du Hezbollah en 2014.
Plus au nord, sur la même ligne, se trouve Kousseir, dans le gouvernorat de Homs, qui fait face au Hermel.
Plus au sud, est située la ville de Zabadani, dans le Rif de Damas et assez proche géographiquement du Liban.
Le Qalamoun fait aussi partiellement partie du no man's land entre la Syrie et le Liban, tenu actuellement par les miliciens du groupe État islamique et du Front al-Nosra.
Ce no man's land est constitué au Liban du jurd de Ersal, du Qaa, de Ras Baalbeck, de Nahlé et de Fakha. D'une superficie de 700 kilomètres carrés, il abriterait 3 000 miliciens hostiles au régime Assad et faisant régner leur propre loi. C'est dans ce jurd, du côté de Ersal, que les soldats libanais pris en otages sont détenus depuis août dernier.
La situation dans cette région et les possibles enjeux d'une éventuelle escalade militaire dont pourrait être le théâtre le front du Qalamoun sont analysés et placés dans leur véritable contexte par le général à la retraite Wehbé Katicha, stratège militaire et conseiller du leader des Forces libanaises, Samir Geagea.
Pour le général Katicha, « il ne faut pas s'attendre à une véritable bataille au Qalamoun, il y aura des échauffourées et des échanges de tirs ». Contrairement à nombre d'experts, il souligne, dans un entretien à L'Orient-Le Jour, que « le Qalamoun ne constitue pas une zone stratégique, que ce soit pour le régime syrien ou pour l'opposition ». « Il s'agit tout simplement d'une région que le régime syrien veut préserver plus ou moins chaude pour faire pression sur Beyrouth et tenter de déstabiliser le Liban », affirme-t-il.
Pour le général Katicha, « c'est le régime de Bachar el-Assad qui fait bouger ce front, à travers ses soldats et les miliciens de l'État islamique pour maintenir la pression sur le Liban ». Il estime sur ce plan que la présence de ces fondamentalistes à la frontière libanaise sert les intérêts du régime syrien.
Il ajoute dans ce cadre que « si elle voulait se débarrasser du groupe, l'aviation syrienne aurait pu bombarder ses positions et l'anéantir dans le jurd ». « Le président syrien Bachar el-Assad tient aussi à montrer au monde entier que son régime présente une meilleure solution que la mise en place d'un État islamique », relève le général Katicha.
Même si certains experts indiquent que les ravitaillements arrivent aux rebelles syriens, le général Katicha demeure sceptique, car ces derniers ne disposent pas vraiment d'armes lourdes. Il note également que « les routes de ravitaillement sont très bien contrôlées par le Hezbollah qui a installé des postes d'observation sur nombre de collines surplombant les positions des rebelles, notamment à Assal el-Ward, en Syrie, et Toufeil, au Liban ».
Il rappelle aussi que le Hezbollah a vidé des zones entières de leurs habitants, comme c'est le cas à Kousseir, pour assurer la sécurité de la région, que ce soit du côté du Hermel ou de Homs.
Et d'ajouter que « l'année dernière tout le monde disait qu'il fallait attendre la fin de l'hiver et la fonte des neiges pour voir la véritable bataille du Qalamoun commencer ». « Quel hiver et quelle fonte des neiges ? Le Qalamoun n'est pas Stalingrad ! » lance-t-il, un brin d'ironie dans la voix.
(Lire aussi : « Une bataille se préparerait à Ersal... »)
Le chemin entre Damas et Lattaquié déjà sécurisé
« D'aucuns affirment que le Qalamoun est stratégique parce que s'il est contrôlé par le régime, il préservera la route menant de Damas à Lattaquié, et s'il est aux mains des rebelles, le Qalamoun coupera la route au régime, ajoute le général Katicha. Cela est archifaux. Si vous regardez bien les cartes géographiques, même si la région du Qalamoun est proche de la capitale syrienne, force est de relever que les routes menant de Lattaquié à Damas, en passant par Homs et cheminant entre les villages syriens, ont été déjà bel et bien sécurisées par le régime et le Hezbollah. »
Pour le général Katicha, les deux villes occupées la semaine dernière par les rebelles sont, par contre, elles, stratégiques ; il s'agit d'Idleb au nord de la Syrie et de Bosra el-Cham, au sud.
« En occupant Idleb, qui se trouve à 20 kilomètres de la Turquie, l'opposition a sécurisé ses arrières et elle peut à partir de cette ville faciliter son accès à trois régions syriennes vitales : toute la côte méditerranéenne de la Syrie, Alep et Hama. Avec l'occupation de Bosra el-Cham, qui est proche de la Jordanie, de Deraa et de Soueida (une région à majorité druze), l'opposition a également sécurisé ses arrières dans cette zone et s'est surtout rapprochée de Damas », dit-il.
Le général Katicha, qui estime que le conflit syrien pourrait encore durer des années, réfute l'idée d'un foyer alaouito-chrétien sur la côte méditerranéenne de la Syrie.
« Il existe des sunnites aussi dans cette zone qui fait 3 % du territoire syrien. Pourquoi voulez-vous que, si cela arrive, les sunnites de Syrie qui seront sur les 97 % restants du territoire acceptent de vivre dans un pays qui n'a pas un accès à la Méditerranée. Déjà, c'est avec beaucoup de mal que les Syriens ont accepté l'indépendance du Liban avec toute sa frontière maritime... » indique-t-il.
Le problème des minorités
Le conseiller du leader des FL ne croit pas dans la mise en place, plus tard, de foyers pour les minorités du Moyen-Orient. « Si un Kurdistan souverain et indépendant voit le jour, ça sera uniquement en Irak, souligne-t-il. Les localités peuplées par les Kurdes en Syrie ne peuvent pas être facilement reliées géographiquement au Kurdistan irakien. » Il faut aussi savoir si la Turquie pourrait céder du terrain dans ce cadre.
Le général Katicha se penche en conclusion sur la situation au Yémen. Il note que « si tous les pays arabes, notamment l'Égypte, n'ont pas hésité à agir, c'est parce qu'ils refusent que l'Iran, à travers les houthis, des chiites zeidis, contrôle le détroit de Bab el-Mandeb, qui relie la mer Rouge – donc le canal de Suez – au golfe d'Aden, dans l'océan Indien, et de là au golfe Persique qui borde la plupart des pays du Conseil de coopération du Golfe ».
« Tous les jours, cinq millions de barils de pétrole passent par le détroit de Bab el-Mandeb pour être acheminés vers le canal de Suez puis vers l'Europe ; les pays arabes refuseront qu'il soit contrôlé par l'Iran », affirme le général Katicha qui estime que c'est la coalition arabo-sunnite qui remportera la victoire au Yémen. Les frappes pourront durer des mois et l'Iran pourrait fomenter des troubles, ne fût-ce que de façon restreinte, dans des points faibles des pays du Golfe, notamment au niveau des chiites à Bahreïn et au nord de l'Arabie saoudite, relève le général Katicha, mettant l'accent en contrepartie sur le rôle que pourraient jouer, face à cette agressivité iranienne, d'importantes minorités sunnites au Baloutchistan, à la frontière entre l'Iran et le Pakistan, et à Ahwaz, au sud-ouest de l'Iran.
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commentaires (7)
heyk bi kouno el generalet sinon balehoun ... metel wahad bi rabieh 3emeleh hallo general 2al hahah !!! rouh ya kbir general Katicha vous avez bien mis le doigt ou ca fait mal !!
Bery tus
22 h 36, le 31 mars 2015