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Santé - Par Daniel K. SOKOL

La vérité sur le consentement médical

Daniel Sokol, ancien maître de conférences honoraire en éthique médicale et en droit à l’Imperial College de Londres, est avocat et bioéthicien au 12 King’s Bench Walk Chambers à Londres. Son dernier ouvrage publié est « Doing Clinical Ethics ».

Est-il acceptable que les médecins fassent de la rétention d'information envers leurs patients ? Certains prétendent que cela est non seulement acceptable, mais souhaitable. Les partisans de cette thèse estiment que l'espoir est essentiel pour faciliter la guérison. Et, à ce titre, il ne faut pas qu'un diagnostic peu prometteur mette en péril cette guérison.
Dans son œuvre influente de 1803, Medical Ethics, le médecin anglais Thomas Percival a décrit le rôle du médecin comme « le ministre d'espérance et de réconfort pour les malades » et a fait remarquer que parfois les médecins doivent dissimuler à leurs patients certaines informations inquiétantes. La vie d'un patient peut être écourtée non seulement par les actes d'un médecin, mais aussi par ses mots et son attitude, écrit Percival.
Le médecin canadien William Osler (dont l'un des patients fut Walt Whitman) fut un autre fervent promoteur du pouvoir de guérison de l'espérance. En effet, son « optimisme à toute épreuve, bien que parfois injustifié » d'après un biographe, était une de ses caractéristiques les plus remarquables. Dans un manuel de 1958 sur l'éthique médicale et le droit, un autre éminent médecin a déclaré qu'il est « souvent cliniquement avisé et dans l'intérêt du patient de taire certains sujets confidentiels ».
Il y a quelques années, j'ai interviewé un médecin de famille sur le même sujet. Il a décrit sa première « visite à domicile » dans les années 1960, lorsqu'il s'est rendu avec un collègue plus expérimenté auprès d'un pasteur protestant guilleret, qui n'avait aucune idée qu'il ne lui restait que quelques semaines à vivre, en raison d'un cancer virulent du côlon. Le médecin-chef a suggéré de donner au patient de fortes doses d'analgésique, en lui racontant qu'il s'agissait du traitement d'une « infection » par des antibiotiques.
Le jeune médecin, mal à l'aise face à cette tromperie, a demandé à la femme du pasteur la permission de lui dire la vérité et, après de nombreuses hésitations, elle a accepté. Lorsque le pasteur a appris la nouvelle, il est tombé dans un tel état de désespoir qu'il a refusé tous les antalgiques. Il était sûr qu'il finirait en enfer. Plus de quarante ans plus tard, ce médecin m'a dit : « Aujourd'hui encore, je me souviens de son visage. Ce fut la plus grosse erreur de ma carrière médicale. »
Aujourd'hui, ce genre de paternalisme médical n'est plus de mise dans de nombreux pays. Pour éviter de s'exposer à des allégations de négligence, voire même dans de rares cas à celles de délit criminel, les médecins doivent divulguer une quantité toujours croissante d'informations, aussi peu prometteuses qu'elles soient sur les risques du traitement, les avantages et les autres choix envisageables, afin de permettre au patient de donner son « consentement éclairé ».
Maintenir l'espoir d'un patient tout en respectant l'obligation de divulgation est l'une des tâches les plus difficiles auxquelles sont confrontés les médecins. Cela nécessite une profonde connaissance de la nature humaine : un simple mot, un geste ou un regard peuvent remonter le moral d'un patient ou, au contraire, le briser.
Beaucoup de médecins ont du mal à obtenir un consentement clair.
L'un des problèmes est que les médecins reçoivent peu de formation spécifique sur la manière d'obtenir un consentement : dans ce domaine, les écoles de médecine n'enseignent que les rudiments. En conséquence, de nombreux médecins ne connaissent pas les subtilités de ce qui constitue un consentement légitime vis-à-vis de la législation et de leur corporation : cette tâche est rendue encore plus ardue par les règles évolutives sur le consentement.
Un autre problème est que de nombreux médecins considèrent l'obtention du consentement comme une obligation pénible. Certains médecins-chefs en viennent parfois à déléguer cette tâche à leurs collègues moins expérimentés. En outre, les médecins obtiennent souvent le consentement à la hâte, de manière quasi automatique, comme s'ils ne savaient pas que le patient prend connaissance de ces informations pour la première fois. Cette attitude hautaine se retrouve dans le jargon sous les termes « consenting a patient », comme s'il s'agissait d'un acte pratiqué sur un patient, une prise de sang ou une piqûre : « Dr Durand, veuillez consentir M. Dupond. »
Au lieu de cela, le consentement doit être considéré comme le privilège le plus précieux d'un patient, auquel il ou elle peut choisir de renoncer, sur présentation d'un cas suffisamment convaincante. Le consentement ne doit pas être arraché, de la même manière qu'un billet de train tendu au contrôleur.
Le problème se complique encore lorsque le consentement est obtenu quelques heures avant une opération importante et plusieurs mois après la dernière consultation avec le chirurgien. Cela peut conduire les patients à consentir à des procédures qu'ils ne comprennent pas ou qu'ils ne souhaitent pas.
Un collègue m'a raconté l'histoire de cette patiente, qui expliquait au brancardier qui poussait son lit vers la salle d'opération qu'elle attendait cette opération avec impatience. Une fois « guérie », elle ne pourrait fonder une famille, disait-elle. Elle était censée subir une hystérectomie dans les prochaines minutes. Le brancardier a immédiatement téléphoné à l'équipe médicale et l'opération a été reportée. Soit la patiente n'avait pas eu les bonnes informations, soit elle ne les comprenait pas clairement.
En tant que patients, les futurs patients ou parents, nous avons tous intérêt à une amélioration du niveau de consentement. Bien sûr, certaines personnes peuvent lui préférer l'ancien paternalisme. Mais nous devrions être en mesure de faire ce choix, en laissant savoir aux médecins si nous préférerons être bien informés ou peu informés.
De même, si nous voulons davantage d'informations, nous devons poser davantage de questions. Nous pouvons demander des détails supplémentaires sur la procédure et sur les autres possibilités. Nous pouvons interroger le médecin sur ses propres taux de complication. Si une réponse ne nous paraît pas satisfaisante, nous pouvons demander un deuxième avis. Nous pouvons demander à une femme médecin ce qu'elle ferait à notre place, ou quels conseils elle donnerait si le patient était son enfant ou un parent à elle. Et si nous ne nous sentons pas encore sûrs, nous pouvons demander plus de temps pour réfléchir aux différentes possibilités qui nous sont offertes.
L'obtention du consentement est une compétence essentielle, mais qui est souvent négligée par les médecins. Comprendre les raisons pour lesquelles tant de médecins sont aux prises avec ce processus est la première étape vers l'amélioration du niveau de consentement.

© Project Syndicate / Institut pour les sciences humaines 2015.

Daniel Sokol, ancien maître de conférences honoraire en éthique médicale et en droit à l'Imperial College de Londres, est avocat et bioéthicien au 12 King's Bench Walk Chambers à Londres. Son dernier ouvrage publié est « Doing Clinical Ethics ».

Est-il acceptable que les médecins fassent de la rétention d'information envers leurs patients ? Certains prétendent que cela est non seulement acceptable, mais souhaitable. Les partisans de cette thèse estiment que l'espoir est essentiel pour faciliter la guérison. Et, à ce titre, il ne faut pas qu'un diagnostic peu prometteur mette en péril cette guérison.Dans son œuvre influente de...

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